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GUERRE D'ALGERIE

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1GUERRE D'ALGERIE Empty GUERRE D'ALGERIE Lun 19 Mai - 17:54

admin"SNP1975"

admin
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Interview Hocine Zahouane
Imprimez Réagissez Classez Avocat, vice-président de la Ligue algérienne de défense

« Dès le début, la guerre d'Algérie était ingagnable pour la France. »

Le Point : Pourquoi personne n'a-t-il vu venir le coup de tonnerre de la Toussaint 1954 ?

Hocine Zahouane : L'excès de puissance, le sentiment de supériorité avaient anesthésié la colonisation. Le système était fondé sur la séparation des communautés : l'Algérie utile était aux mains des gros colons, les indigènes étaient refoulés dans leur espace propre, avec une petite élite qui gravitait dans les franges de la société coloniale. La grande misère, l'analphabétisme, le refoulement sur les terres incultes des montagnes étaient le lot de la majorité. Les gros colons étaient devenus stupides et la classe politique française frappée de cécité. En juillet 1954, Ferhat Abbas, représentant modéré des élites musulmanes, apprenait au Caire que « cette fois des choses sérieuses se préparaient en Algérie ». C'est Mohamed Khider, un des chefs activistes, qui l'avait prévenu. Sur le chemin du retour, alarmé, il avait demandé audience au président du Conseil, Joseph Laniel, le suppliant d'agir pour prévenir une explosion et lui demandant d'appliquer le statut voté en 1947, plus favorable aux musulmans. Laniel a répliqué : « Je ne peux pas vous croire. Les rapports que je reçois ne disent rien de la sorte. » Abbas aurait conclu : « L'avenir nous départagera. » Voilà l'état d'esprit du camp français en 1954.

Qui étaient les « Fils de la Toussaint »?

Les fondateurs du FLN n'étaient pas parmi les plus pauvres. La plupart avaient fait des études secondaires. Tous étaient très jeunes, ils avaient moins de 30 ans en moyenne et appartenaient à l'Organisation spéciale, la branche armée du MTLD, le parti nationaliste de Messali Hadj. A l'exception de Ben Boulaïd dans les Aurès, tous étaient déjà entrés dans la clandestinité, condamnés à mort ou à de lourdes peines de prison. Ils estimaient que le salut viendrait de la lutte armée, alors que leur parti, le MTLD, y avait renoncé.

Fallait-il sept années de guerre et autant de souffrances pour trouver une issue ?

Guy Mollet n'était pas l'homme de la situation. Il était le représentant d'une SFIO (l'ancien Parti socialiste) dégénérée, aussi colonialiste que la droite. Il avait sur la conscience les exécutions des condamnés à mort du FLN et l'expédition de Suez. Il proposait un cessez-le feu, des élections puis des négociations. Si des élections loyales avaient été possibles, à coup sûr, on n'aurait pas eu recours à la lutte armée. Or le système électoral était fondé sur l'apartheid, le premier collège aux citoyens, le second aux indigènes. Dire à ceux qui avaient pris les armes : « Venez, on va faire des élections puis on discutera avec les vainqueurs », alors qu'ils savaient qu'ils n'en seraient pas, n'était pas sérieux. Le FLN demandait des négociations pour organiser de vraies élections et exercer un droit à l'autodétermination.

Lorsque de Gaulle arrive au pouvoir en 1958, il opte d'abord pour la force ?

Il ne pouvait pas opter pour autre chose. Dans l'esprit de ceux qui l'ont amené au pouvoir, il s'agissait d'accentuer l'effort de guerre, pour écraser définitivement le FLN. C'était cela le 13 mai 1958, les manifestations, l'hystérie des pieds-noirs. De Gaulle devait louvoyer et reprendre en main l'armée. En Kabylie, on a commencé à recevoir du ciel des papillons nous demandant de nous rendre dans le cadre de la « paix des braves ». La situation était très grave. Nous avons riposté en resserrant le lien politique avec la population et en la coupant du mouvement de fraternisation lancé par les comités de salut public. On avait ordre d'exécuter sans jugement tout membre d'un comité. Je possède un document récupéré chez Krim Belkacem, signataire des accords d'Evian, qui prouve que dès 1959, alors que nous étions sous le coup du plan Challe et de l'opération Jumelle, le général de Gaulle était prêt à négocier avec le GPRA.

De là l'idée que de Gaulle a offert l'indépendance au FLN alors que la France avait gagné militairement ?

La guerre d'Algérie était ingagnable pour la France. Il eût fallu que l'on exterminât tout un peuple. C'était une guerre considérée comme injuste à l'échelle mondiale, y compris en Occident. Politiquement, les Français avaient perdu la bataille dès 1956, lorsque Abane Ramdane, en maniant la carotte et le bâton, avait amené au FLN toutes les énergies qui auraient pu concourir à créer une troisième force entre les colons et l'insurrection. Le plan de Constantine lancé par de Gaulle pour mieux intégrer les musulmans se résumait à « trop tard, trop peu ». Au moment où la France disait avoir pacifié les campagnes éclataient dans Alger les manifestations du 11 décembre 1960 en faveur de l'indépendance. Ce n'était pas une guerre qui se gagne avec des divisions blindées.

Les pieds-noirs ont été contraints au départ. A-t-il manqué un Nelson Mandela en Algérie en 1962 ?

Mandela n'a pas surgi dans un pays qui a fait sept ans d'une guerre implacable et éliminé près du dixième de sa population. Les incompatibilités physiques étaient telles entre les communautés que cela ne pouvait déboucher que sur ce qui est arrivé. Les accords d'Evian étaient caducs avant d'avoir été signés. Il y avait d'un côté une communauté radicale qui voulait l'extermination de l'autre communauté, en face une communauté dont on pouvait redouter qu'elle ait des instincts de revanche. Le départ des pieds-noirs était écrit dans le parcours de la colonisation et dans sa fin. L'OAS a fini de rendre impossible toute cohabitation.

Que reste-t-il du mythe du 1er novembre 1954 en Algérie après la guerre civile qui a vu les islamistes recourir aux armes ?

Le 1er novembre reste un grand mythe qui a réussi là où tout a échoué. Ce qui s'est passé par la suite est à imputer à l'échec de la révolution algérienne. Elle n'a pas engendré la justice sociale et le progrès. Avec l'islamisme, elle a même engendré une dynamique régressive. La France continue de magnifier le mythe fondateur de la prise de la Bastille et pourtant la Révolution a aussi donné la Terreur et la misère.

Propos recueillis par Malek Sobhi

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2GUERRE D'ALGERIE Empty Re: GUERRE D'ALGERIE Lun 19 Mai - 17:55

admin"SNP1975"

admin
Admin

69 ans, historien, romancier, auteur d'une histoire

« La guerre d'Algérie ne fait pas partie de l'Histoire, elle reste dans l'actualité. »

Le Point Quand les Français ont-ils commencé à s'intéresser aux événements d'Algérie ?

Yves Courrière Avec la bataille d'Alger, en 1957, lorsqu'on commence à parler de la torture. Mais, honnêtement, ce n'était pas leur principale préoccupation. Elle l'est devenue avec l'arrivée de De Gaulle en 1958. Le pays était alors au bord de la guerre civile, de même en 1960, lors de la fronde des généraux. Les gens ne s'en souviennent même plus aujourd'hui. Mais pas un seul instant le 1er novembre 1954 n'avait été considéré comme le début d'une histoire grave : nul n'avait pensé que six hommes ne possédant même pas 500 armes allaient faire basculer l'Algérie française.

L'utilisation de la torture a donc été connue dès 1957 ?

Oui. La torture était systématique de la part de la police. Mais seules les personnes politisées à gauche s'en souciaient, et le gouvernement semblait dépassé par les événements. C'était très curieux comme ambiance.

C'est lors de la bataille d'Alger, quand le gouvernement va abandonner les pouvoirs de police aux militaires, que les Français vont découvrir beaucoup de choses. Je suis moi-même arrivé à Alger fin 1957. On m'avait dit : « L'Algérie, c'est la France. » Sur place, je m'aperçois que ce n'est pas la France, puisque les Algériens ne sont pas des citoyens français. Il faudra attendre de Gaulle et son premier voyage en Algérie, en juin 1958, lorsqu'il lancera son fameux « Je vous ai compris » et qu'il fera avaler aux Algériens européens que désormais il n'y a plus en Algérie que 9 millions de Français. Puis il proclamera « la France de Dunkerque à Tamanrasset ».

La guerre aurait-elle pu être évitée ?

Si on avait accepté de faire une autre politique... Beaucoup de musulmans avaient sacrifié leur vie pendant la guerre mondiale. Quatre des six « Fils de la Toussaint » ont eu un grade dans l'armée française, ils se sont battus, ont été décorés et, en revenant en Algérie, ils se sont retrouvés sujets et non pas citoyens. Sans oublier les élections truquées, la répression de Sétif en 1945...

Il faut resituer cette politique dans le contexte de la IVe République, qui était peu solide. Le président du Conseil avait besoin du vote des députés d'Algérie pour asseoir sa majorité. C'était un lobby auquel le gouvernement cédait toujours.

Pour certains politiques, la guerre d'Algérie ne semble pas faire partie de l'Histoire, elle reste dans l'actualité...

Totalement. On l'a vu avec la polémique autour de la torture. Comme si on avait découvert la torture avec Aussaresses ! C'est scandaleux. Dans mes livres, j'en ai parlé en l'appelant le « commandant O », dès1968. A l'époque, des officiers parachutistes de la 10e DP m'en avaient parlé. Ils finissaient par avoir peur les uns des autres, en particulier d'Aussaresses, qui n'avait pas très bonne réputation chez les militaires.

L'amnésie sur la guerre d'Algérie ne se dissipe-t-elle pas ?

Oui, dans les nouvelles générations. Il y a des livres et des thèses magnifiques sur la torture. Mais beaucoup de personnes de mon âge ont gardé l'Algérie en travers de la gorge : la façon dont la France s'est conduite, les tortures, l'abandon des harkis, une honte...

Pourquoi de Gaulle les a-t-il laissé tomber ?

Il a aussi abandonné les Français. Quant aux harkis, il ne voulait pas augmenter le nombre d'Algériens sur le sol français. Et puis de Gaulle a toujours détesté l'Algérie, car les pieds-noirs avaient été en majorité pétainistes.

Et la « corvée de bois », c'était aussi un procédé connu ?

Oui. J'ai réalisé un film sur la guerre en 1971-1972 avec des documents où l'on voit des militaires français abattre des prisonniers. J'avais trouvé le début de la scène en France, mais on voyait qu'elle avait été coupée. J'ai découvert le reste du film à New York. En 1972, la censure existait encore.

Le traumatisme né de la guerre d'Algérie n'est-il pas un des plus grands de l'histoire de France ?

Oui, avec la Seconde Guerre mondiale et Vichy. Le pays a vécu une guerre civile. Il y eut le 13 mai 1958, la fronde des généraux, le putsch d'Alger, l'OAS, puis la lutte secrète des barbouzes gaullistes contre l'OAS. C'est un miracle qu'elle ne se soit pas terminée plus mal. Il faut se souvenir des 500 000 personnes qui sont descendues dans la rue après l'attentat contre la petite Delphine Renard, en 1961. Elle avait été défigurée par l'explosion d'une bombe déposée par l'OAS dans l'immeuble d'André Malraux. Gaullistes et communistes étaient descendus au coude à coude dans la rue. La grève était générale. Peu après cette manifestation, ce fut Charonne et la répression policière contre les Algériens. Tout était lié. Cela aurait pu aller très mal.

L'OAS a-t-elle failli faire basculer l'armée ?

En Algérie, pas en métropole. J'ai vécu la fusillade de la rue d'Isly. L'OAS a poussé les Européens à descendre dans la rue après la signature des accords d'Evian. C'était criminel. Des fous furieux. Quand on pense que Jacques Roseau, alors leader des lycéens d'Alger, puis responsable des Rapatriés en France, a été descendu par des « pépés flingueurs » dans les années 90 ! Certains de l'OAS lui reprochaient d'être trop lié à Jacques Chirac et aux gaullistes.

On a parfois l'impression que la réconciliation franco-algérienne est encore plus difficile que celle entre l'Allemagne et la France.

Parce que s'y est greffé le problème de l'immigration. Je pense que la réticence des Français à voir la Turquie entrer dans l'Union européenne est, dans l'insconscient collectif, une des conséquences de la guerre d'Algérie. Si les plaies algériennes sont cicatrisées, elles démangent toujours

Propos recueillis par Mireille Duteil

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3GUERRE D'ALGERIE Empty Re: GUERRE D'ALGERIE Lun 19 Mai - 17:57

admin"SNP1975"

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Guerre d'Algérie - La vérité sur la tragédie des Harkis
La guerre d'Algérie s'arrête officiellement le 19 mars 1962. Pourtant, elle n'est pas finie pour les Harkis. Au moins 50 000 vont être victimes des pires exactions de la part du nouveau pouvoir. Aujourd'hui, il est temps de se souvenir de ces musulmans
Imprimez Réagissez Classez Dillem Areski était un harki. Un parmi ces 200 000 Français musulmans qui ont combattu aux côtés de la France pendant la guerre d'Algérie. Dans la nuit du 26 janvier dernier, une patrouille de police a découvert son corps dans une rue du 19e arrondissement de Paris. A 59 ans, SDF, il aurait dû finir dans une fosse commune. Mais une association d'anciens officiers français en Algérie ne l'a pas voulu. Le soldat a été enterré in extremis dans le carré musulman du cimetière de Thiais (Val-de-Marne), aux côtés d'autres harkis sans famille. Dillem Areski s'était engagé à 17 ans dans l'armée française. C'était en 1959, après que toute sa famille eut été assassinée par le FLN. Son père, adjudant-chef de l'armée française pendant la Seconde Guerre mondiale, refusait de se battre contre la France. Les faits d'armes de Dillem Areski au sein du 3e régiment parachutiste d'infanterie de marine (RPIMA) lui vaudront trois citations. Partisan de l'Algérie française, il quitte l'armée et embarque clandestinement en juin 1962 pour la France.

Un drame parmi d'autres. Il illustre le destin tragique de ces musulmans d'Algérie qui avaient choisi le « parti de la France ». A côté des Dillem Areski qui ont pu gagner la France et ont sombré dans l'oubli une fois arrivés en métropole, il y a tous ceux qui ont payé de leur vie le fait de n'avoir pu s'enfuir à temps. Car, après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui précédait de quelques mois l'indépendance de l'Algérie, scellée par les accords d'Evian, des dizaines de milliers de harkis et de pieds-noirs ont été abandonnés par l'armée française aux représailles du FLN. Pendant quarante ans, cette page douloureuse de notre histoire a été trop rarement évoquée. Jusqu'à ce que, le 25 septembre 2001, lors de la 1re Journée nationale d'hommage aux harkis, le président Jacques Chirac déclare enfin : « Le moment est venu pour nous tous, Français, de porter un regard de vérité sur une histoire méconnue, une histoire déformée, une histoire effacée. »

Le 19 mars 1962, les harkis sont désarmés dans le cadre du cessez-le-feu et leurs unités, dissoutes, tandis que l'armée française entame son retrait du territoire algérien. Désormais, la sécurité des anciens « supplétifs » ne repose plus que sur les accords d'Evian, qui garantissent en principe l'absence de représailles. « J'avais sous mes ordres une cinquantaine de moghaznis qui faisaient office de gendarmes locaux et protégeaient les dix-huit villages dont j'avais la charge », raconte Daniel Abolivier, à l'époque lieutenant de l'armée de l'air, détaché à la section administrative spécialisée (SAS) d'Irdjen, en Kabylie. « Après le cessez-le-feu, un colonel m'a convoqué avec la vingtaine d'officiers SAS de la région pour nous dire : vous allez désarmer vos hommes. Nous avons protesté en disant qu'ils allaient être massacrés. Il a répondu : vous le ferez comme tout le monde. C'est comme cela que j'ai eu mes galons en Indochine et j'espère passer bientôt général. » Ecoeuré par « la lâcheté » de certains officiers supérieurs, le lieutenant Daniel Abolivier démissionnera de l'armée et deviendra instituteur. Dans certains commandos de harkis, le désarmement s'est carrément fait sous la pression d'unités blindées.

De la Kabylie à l'Oranais, les anciens partisans de la France se retrouvent ainsi sans arme, en butte à la vindicte des « marsiens », ces combattants de la dernière heure qui ont rejoint le FLN à partir de mars 1962. « Les désarmer puis les abandonner, c'était envoyer un message d'encouragement au FLN : faites-en ce que vous voulez, on vous les laisse », dénonce Daniel Abolivier. Dès la nuit du 19 mars 1962, le maire musulman de Saint-Denis-du-Sig-en-Oranie est égorgé, défiguré et mutilé, ainsi qu'une douzaine de moghaznis. Parmi les victimes figure l'ordonnance d'un jeune sous-officier français, Jean-Pierre Chevènement (lire encadré page 55).

Le général François Meyer a lui aussi vécu cette période sanglante comme lieutenant au 23e régiment de spahis, dans le Sud oranais. A la brasserie de l'Ecole militaire, où il nous a donné rendez-vous, il a accepté d'évoquer ses souvenirs : « En avril 1962, j'ai retrouvé les corps de 22 de mes anciens supplétifs, ainsi que celui du maire de Bou Alam, dans trois charniers. » Certains ont été égorgés, d'autres massacrés à coups de pierre. Le 26 avril, François Meyer rejoint en hélicoptère le poste militaire de Géryville lorsqu'il aperçoit au sol un groupe d'hommes qui fait de grands signes. « C'étaient les harkis du poste d'Agneb. Ils se sentaient menacés et voulaient partir en France, mais nos hélicoptères étaient pleins. Je leur ai promis de prévenir le poste de Géryville. Nous n'avons plus jamais entendu parler d'eux. » Le lendemain, à l'Assemblée nationale, le Premier ministre, Georges Pompidou, assure que « toutes les dispositions ont été prises pour qu'il n'y ait pas de représailles ».

Licenciés avec prime

Pierre Messmer, à l'époque ministre des Armées, fournit une explication au moins partielle en nous recevant dans son bureau de chancelier à l'Institut de France : « Nous avons proposé aux harkis de s'engager dans l'armée française. Ceux qui l'ont fait ont été protégés. Très peu malheureusement ont choisi cette option. » Sauf que beaucoup de ces supplétifs ne réunissaient pas les conditions pour intégrer l'armée française. Qui plus est, s'engager signifiait laisser la famille à la merci des vengeances du FLN. Une autre possibilité était de signer un « contrat de réflexion de six mois non renouvelable en tant que personnel civil » , ce qui impliquait d'aller vivre désarmé au milieu d'une population désormais acquise au FLN.

Seulement 1 000 harkis souscriront un engagement dans l'armée et 2 000 un contrat civil. La grande majorité sera licenciée avec prime, ce qui implique qu'ils sont retournés dans leur village en espérant se noyer dans la masse et se faire oublier. D'autres ont déserté en emportant des armes afin de se racheter aux yeux du FLN. Le général Meyer se souvient : « Certains des spahis m'ont dit en partant : "On aurait aimé que cela finisse autrement, mais maintenant c'est fichu, et notre pays, c'est ici." Je les revois encore s'éloigner. Certains seront suppliciés, on leur épinglera à même la peau leur médaille de l'armée française. » Reste le départ pour la France. En mars 1962, il n'est pas officiellement proposé. « Celui qui souhaitait être rapatrié devait prouver qu'il était "particulièrement menacé" afin d'être inscrit sur une liste, avant de retourner attendre dans son village », indique François Meyer. Pas étonnant que les candidats au départ n'aient pas été légion, 1 500 au total. « Au début du mois d'avril, des moghaznis que je connaissais ont demandé de partir pour la France. Le commandement local leur a signifié d'attendre dans leurs douars. Plusieurs d'entre eux ont été enlevés et assassinés seize jours plus tard. »

Une liste noire

Pendant ce temps, le FLN ne fait pas grand mystère du sort qu'il réserve aux anciens alliés de la France. Le commandant de la wilaya 5, qui est la structure administrative des rebelles pour l'Oranie, annonce que le « jugement final » des harkis aura bientôt lieu et recommande d'inscrire leurs noms sur « une liste noire qu'il faudra conserver minutieusement » . Ces ordres, interceptés par l'armée française, figurent aujourd'hui dans les archives militaires.

Ce n'est que le 11 avril 1962 que Louis Joxe, ministre d'Etat aux Affaires algériennes, demande au haut-commissaire en Algérie de recenser les supplétifs menacés qui souhaitent venir en France et de les regrouper pour les protéger. Mais l'instruction arrive trop tard, la plupart sont déjà repartis dans leurs villages. Pour le transfert en métropole, Louis Joxe précise que « les problèmes d'hébergement et de recasement font l'objet d'études poursuivies par une commission interministérielle ». La veille, le président de la commission, le conseiller d'Etat Michel Massenet, a rendu un rapport dans lequel il préconise d'importants transferts. « Les musulmans fidèles ont besoin de notre aide et on n'a pas le droit de les abandonner » , écrit-il. Neuf jours plus tard, la commission est dissoute...

Sur les 300 harkis du commando Georges, pour la plupart anciens combattants du FLN « retournés », seule une soixantaine sera rapatriée en France à la fin de la guerre. Les autres seront massacrés. « Ils ont été tués à coups de pierre, de baïonnette, leur sergent a eu les yeux crevés puis il a été ébouillanté vivant dans un chaudron », indique René Bail, ancien photographe militaire qui a suivi le commando en Algérie. En septembre 1959, de Gaulle en avait décoré plusieurs de la croix de la Valeur militaire en les félicitant d'avoir, entre la rébellion et la France, choisi la France...

En mai 1962, le plan général de rapatriement promis par la France n'a toujours pas débuté. « C'est la cause première du drame », estime le général Maurice Faivre (1), vice-président de la Commission française d'histoire militaire. L'ancien soldat nous reçoit dans sa bibliothèque où trônent les fanions des escadrons qu'il a commandés en Algérie. « Les instances parisiennes étaient persuadées que les accords d'Evian suffisaient à garantir la sécurité des Français musulmans », assure le général.

Certains officiers décident de faire passer clandestinement en métropole leurs anciens supplétifs. Le lieutenant Abolivier réunit ses hommes. « Je leur ai dit : ceux qui le souhaitent peuvent venir en France avec moi. Avec l'aide d'un sous-préfet nous avons fait des faux papiers et monté un réseau pour les accueillir en métropole. Seuls les plus âgés ont décidé de rester. »

Des rapatriements clandestins

A Paris, on supporte mal ces rapatriements clandestins. Le 12 mai, Louis Joxe adresse au haut-commissaire de la République en Algérie un message en priorité absolue dans lequel il indique : « Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront en principe renvoyés en Algérie. » Louis Joxe demande en prime des « sanctions appropriées » contre ceux qui participent à ces filières clandestines. Il précise également qu'il faut « éviter de donner la moindre publicité à cette mesure » . Jusqu'à présent, l'Histoire n'avait retenu que le message du ministre des Affaires algériennes. Le Point est aujourd'hui en mesure de révéler que l'ordre a été relayé le jour même par le ministre des Armées, Pierre Messmer, dans un message secret de trois pages, n° 1334 (voir page 52). Un document que Pierre Messmer n'a pas souhaité commenter.

Il faudra attendre le 26 mai pour que le ministère des Armées se décide à ouvrir deux camps en métropole afin d'accueillir les harkis menacés. Le général Meyer a organisé un des premiers convois officiels, qui quitte l'Algérie le 13 juin, soit trois mois après le cessez-le-feu. « J'avais prévenu mon colonel que je ne partirais pas sans les familles de mes soldats. » Quelques semaines plus tard, l'officier réitère. Mais cette fois le sauvetage manque de tourner court. Le 5 juillet, l'Algérie fête son indépendance, dans les rues l'ambiance est survoltée. « La population insultait les hommes et les femmes assis dans les camions », se souvient le général. Le convoi est stoppé par un barrage de l'Armée de libération nationale (ALN) qui refuse de laisser partir les « traîtres » . Le convoi passera en force sous la menace des automitrailleuses. Une fois à Oran, aucune caserne militaire ne veut des familles. « Heureusement, l'amiral a accepté de nous accueillir dans la citadelle de Mers el-Kébir pendant cinq jours, jusqu'à ce que le bateau arrive. » Finalement, le lieutenant Meyer ramènera en France 300 anciens harkis, moghaznis et spahis avec femmes et enfants.

Mais les rapatriements qui se font au compte-gouttes vont bientôt s'arrêter sur l'initiative de Pierre Messmer. Le 19 juillet 1962, dans un message estampillé « extrême urgence » adressé à Louis Joxe, il demande que cesse l'accueil des anciens supplétifs dans les camps militaires français, en raison de la « somme de charges et d'efforts considérables » que cela représente. « L'armée est ainsi arrivée à la limite du concours qu'elle peut accorder », écrit-il. Aujourd'hui, Pierre Messmer estime que cette décision était justifiée : « Nous n'avions plus de places dans les camps, l'armée supportait seule la charge des rapatriements. Il y avait quasiment 1 million de pieds-noirs à rapatrier et nos militaires qui revenaient avec leur matériel. »

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4GUERRE D'ALGERIE Empty Re: GUERRE D'ALGERIE Lun 19 Mai - 17:57

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Suite
Pourtant, en Algérie, les exactions redoublent. « A partir de juillet 1962 débute une vague de massacres organisés dans pratiquement toutes les régions d'Algérie » , indique l'historien Maurice Faivre. Dans une note confidentielle adressée en 1963 au vice-président du Conseil d'Etat, Jean-Marie Robert, le sous-préfet d'Akbou, en Kabylie, fait état de 2 000 victimes dans son arrondissement, entre mars et décembre 1962. Il rapporte que des « massacres généralisés » ont eu lieu « dans des villages qui avaient été les premiers à se rallier à la France en 1957 » . Quelques dizaines de harkis furent « promenés habillés en femmes, nez, oreille, et lèvres coupés, émasculés, enterrés vivants dans la chaux ou même dans le ciment, ou brûlés vifs à l'essence » . Les élus ne furent pas épargnés : cinq des onze maires de l'arrondissement d'Akbou furent ainsi tués. Le document relate aussi le supplice d'un conseiller général qui avait pris position pour la France : « Il fut enterré vivant le 7 août, la tête dépassant et recouverte de miel. » Son agonie, « le visage mangé par les abeilles et les mouches » , dura cinq heures. Et le sous-préfet de préciser : « Les supplices dans cette région n'atteignirent pas la cruauté de ceux d'un arrondissement voisin à quelque 15 kilomètres de là : harkis morts, crucifiés sur des portes, nus sous le fouet en traînant des charrues, ou les muscles arrachés avec des tenailles. » Selon Maurice Faivre : « 50 000 à 70 000 Français musulmans auraient disparu ou auraient été tués en Algérie entre mars 1962 et la fin de l'année 1966. »

Des « sauvetages »

Pendant que se déroulent les massacres, les militaires français ont pour consigne de rester l'arme au pied. Le 24 août 1962, dans une note sur la protection des harkis, l'état-major Interarmées précise qu'il ne faut « procéder en aucun cas à des opérations de recherche dans les douars de harkis ou de leurs familles » . Pierre Messmer a confié au Point avoir demandé au général de Gaulle au mois de juin 1962 « l'intervention de l'armée à trois endroits différents pour faire cesser les exactions commises par le FLN. Le général m'a dit : il n'en est pas question, vous allez recommencer la guerre d'Algérie. Il avait raison » . Cette passivité est mal vécue par les militaires. Le rapport sur le moral de l'année 1962 du général Masson, en poste à Alger, en atteste. Il évoque « le sentiment de culpabilité » des militaires vis-à-vis « des Européens et plus encore des harkis livrés sans défense à la vengeance d'Algériens fanatiques ».

C'est le Premier ministre Georges Pompidou qui prendra l'initiative d'autoriser à nouveau les arrivées d'anciens supplétifs sur le sol français. Nous sommes le 19 septembre 1962. « 50 000 personnes, engagés démobilisés, supplétifs et familles, ont pu être rapatriées entre 1962 et 1965 » , précise le général Faivre. Au moins 40 000 autres ont pu gagner la France grâce aux filières clandestines. La plus importante d'entre elles sera montée par Nicolas d'Andoque (2), un ancien lieutenant qui organisera des milliers de « sauvetages » avec l'aide, à Paris, de l'Association des anciens des affaires algériennes, constituée d'ex-officiers SAS. Des familles de harkis sont cachées là où l'on peut, dans plusieurs propriétés privées et même dans les locaux d'une banque. En fait, les harkis n'étaient pas les bienvenus sur le sol français. Les autorités françaises, obnubilées par la lutte contre Organisation de l'armée secrète (OAS), les considéraient comme des recrues potentielles pour le groupe terroriste. Le 16 mai 1962, Louis Joxe annonce au Comité des affaires algériennes : « Il faut combattre une infiltration qui, sous prétexte de bienfaisance, aura pour effet de nous faire accueillir des éléments indésirables. » Surtout, le gouvernement est persuadé que les harkis ne pourront pas s'intégrer à la société française. Dès novembre 1961, Alain Peyrefitte, qui sera nommé un an plus tard ministre délégué chargé des Rapatriés, explique clairement dans son livre « Faut-il partager l'Algérie ? » (Plon) pourquoi l'arrivée en France des anciens supplétifs n'est pas souhaitable. Ils sont trop nombreux ! « Environ 1 100 000 » , a-t-il calculé en tenant compte du « coefficient familial appliqué aux familles musulmanes » . Un afflux de réfugiés qui provoquerait selon lui « un grave traumatisme » et « ôterait toute retenue à la bête hideuse du racisme que la présence de 400 000 musulmans en France n'est déjà pas loin de lâcher » . Et Alain Peyrefitte de conclure : « Voulant être humain, on serait inhumain. » Inhumain, le sort des harkis le sera...

1. « Les archives inédites de la politique algérienne », L'Harmattan. 2. « Guerre et paix en Algérie, 1955-1962 », Société de production littéraire.

Chronologie

Septembre 1958 :Le général de Gaulle propose en vain au FLN une reddition honorable : « la paix des braves »

16 septembre 1959 : Discours de De Gaulle sur l'autodétermination en Algérie.

4 novembre 1960 : De Gaulle évoque pour la première fois une « République algérienne qui existera un jour »

8 janvier 1961 : Référendum d'autodétermination.

Février 1961 : Création de l'OAS

22-25 avril 1961 : Putsch des généraux. Début des négociations avec le FLN.

18 mars 1962 : Signature des accords d'Evian.

19 mars 1962 : Cessez-le-feu.

26 mars 1962 : L'armée française tire sur la foule à Alger.

3 juillet 1962 : Proclamation de la République algérienne.

5 juillet 1962 : L'Algérie fête son indépendance. Massacres et enlèvements d'Européens à Oran.


Terminologie

Harki désigne l'ensemble des musulmans, armés ou civils, recrutés par l'administration française pendant la guerre d'Algérie. Les harkis proprement dits sont les membres des « harkas », des groupes militaires supplétifs créés en 1956. Ils sont utilisés en forces d'appoint ou en commandos. Les harkis sont recrutés par contrat d'un mois renouvelable.

Les moghaznis ont pour mission de protéger les 700 sections administratives spécialisées (SAS) chargées de maintenir l'ordre et surtout d'assurer des fonctions sociales auprès de la population musulmane.

Les GMS (groupes mobiles de sécurité) sont recrutés essentiellement parmi les anciens combattants musulmans.

Les GAD (groupes d'autodéfense) sont constitués de civils volontaires, non rétribués, auxquels l'armée distribue des armes pour protéger leurs « douars » (villages) contre le FLN.

En janvier 1961, on comptait :

61 000 harkis, 62 000 GAD, 19 000 moghaznis, 8 600 GMS et 2 270 sentinelles. Soit près de 153 000 hommes. Auxquels s'ajoutaient environ 50 000 élus et fonctionnaires musulmans.

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5GUERRE D'ALGERIE Empty Re: GUERRE D'ALGERIE Lun 19 Mai - 18:37

admin"SNP1975"

admin
Admin

Pourquoi de Gaulle les a-t-il laissé tomber ?

Il a aussi abandonné les Français. Quant aux harkis, il ne voulait pas augmenter le nombre d'Algériens sur le sol français. Et puis de Gaulle a toujours détesté l'Algérie, car les pieds-noirs avaient été en majorité pétainistes

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