Editorial
L'autonomie, c'est la légalité internationale
Publié le : 26.05.2008 | 18h28
«L'affaire du Sahara», fomentée depuis 1973 par le gouvernement de feu Houari Boumediène, comporte ses mystères et ses secrets d'alcôve. Et la notion d'autonomie s'y blottit comme la plus opaque des clés. Les protagonistes algériens sont, soit disparus, soit retirés, soit enfin reclus dans une chape de plomb. En l'occurrence, il s'agit de Houari Boumediène, décédé en 1979 et emportant avec lui ses plans tracés sur la comète et ses rêves brisés.
Ensuite de Chadli Bendjedid dont la jovialité apparente n'avait d'égale que le durcissement enfoui que lui imposait un Establishment politico-militaire en proie à l'antimarocanisme primaire, enfin le président Bouteflika qui est le plus «marocain» de tous, défenseur zélé du principe révolu «d'autodétermination du peuple sahraoui».
Les trois présidents de l'Algérie qui, exceptés quelques figures éphémères comme Liamine Zéroual, se sont succédé à intervalles plus ou moins réguliers, ont imprimé chacun à sa façon leur marque diplomatique, entièrement vouée à contrecarrer le Maroc sur la scène internationale, à instrumentaliser une machiavélique hostilité de leur peuple, bref à fabriquer un «ennemi» extérieur, logé à l'ouest, là où précisément se cristallisent leurs ambitions atlantiques…
Ce sont ces ambitions, conjuguées aux difficultés internes, qui justifient sur fond d'un indécrottable orgueil, l'hostilité des gouvernements algériens successifs à l'endroit du Maroc. Et le rappeler aujourd'hui nous incline à prendre en compte le contexte régional et international de l'époque, dominé par la guerre froide qui opposait les Etats-Unis à l'Union soviétique, confrontés sur divers champs de bataille par pays africains ou asiatiques interposés.
Comme une retombée directe de cette rivalité entre grandes puissances, une tension latente s'est instaurée depuis 1975 entre le Maroc et l'Algérie. Cependant, en juin 1988 s'était tenu à Alger un Sommet arabe extraordinaire auquel feu S.M. Hassan II, parti en bateau par Tanger, a activement participé. Il avait été précédé une année plus tôt par la tenue d'un Sommet tripartite qui réunissait à Akid Loutfi, à la frontière maroco-algérienne, feu S.M. Hassan II, feu le Roi Fahd d'Arabie saoudite et l'ancien président Chadli Bendjedid et, en mai 1988, par l'annonce de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, gelées depuis la création de la rasd à Alger.
C'est l'époque en effet où, d'un sommet restreint à une réunion entre deux, d'un échange de propos à une rencontre impromptue ou organisée, le réchauffement maroco-algérien devenait plus qu'évident aux yeux des observateurs. Un autre sommet bilatéral s'était tenu à Alger, en marge de celui de la Ligue arabe, au cours duquel s'était esquissée, en épure, une réconciliation impossible. « Le National Intelligence Daily », bulletin d'information de la CIA, pouvait pérorer à loisir pour dire notamment que « les récentes ouvertures pour restaurer les liens entre le Maroc et l'Algérie, confirment les récentes demandes du président Chadli Bendjedid pour un compromis avec le Maroc, visant l'annexion du Sahara occidental avec un statut d'autonomie limitée à ce dernier ».
Autrement dit, le gouvernement algérien proposait implicitement au Maroc ni plus ni moins d'accepter « l'autonomie limitée » au polisario. Les analystes de la Centrale Intelligence Agency avaient même estimé qu'une telle « position plus flexible du président Bendjedid s'explique par sa frustration de voir que le Front polisario n'arrive pas à obtenir une victoire militaire, mais aussi par son désir de voir le Roi Hassan II se rendre au Sommet extraordinaire de la Ligue arabe, prévu à Alger le 7 juin » (1988). Le voyage de feu S.M. Hassan II à Alger pour participer au Sommet arabe avait été suivi trois ans après par une autre visite du défunt Souverain à Oran en juin 1991 pour rencontrer Chadli Bendjedid.
Volonté de normalisation, manœuvre dilatoire encore, ou disposition sincère ? La question n'est pas là. Le document de la CIA, aujourd'hui objet d'une déclassification comme l'on dit, nous renvoie à nous-mêmes, incrédules que nous sommes. Le gouvernement algérien avait donc bel et bien envisagé l'hypothèse d'une autonomie, à plus forte raison « limitée » au Sahara pour le polisario. L'époque pouvait en effet expliquer un tel choix qu'il ne pouvait manifestement entériner de gaieté de cœur. Car, le Maroc était militairement, diplomatiquement et sur le front intérieur fortement positionné.
Pourquoi donc, quelques années plus tard, le même gouvernement algérien a-t-il changé de fusil d'épaule ? L'année 1991-1992 a vu à la fois la promulgation de l'accord du 15 juin 1972 qui mettait fin au conflit frontalier entre les deux pays et la mise en œuvre par les Nations unies du plan de règlement au Sahara avec, à la clé, la disposition sur le cessez-le-feu. Janvier 1992, c'est aussi la déposition « manu militari » par un quarteron de généraux – qu'il avait pourtant promus – de Chadli Bendjedid et la radicalisation sur le dossier du Sahara. Un véritable tournant, le retour au brouillard et au mouvement « brownien » infernal. On remit au goût du jour le « référendum d'autodétermination », que feu Hassan II avait pourtant en son temps accepté au Sommet de l'OUA de Naïrobi mais que l'Algérie… combattit de toutes ses forces !
Les retournements et l'inconstance du gouvernement algérien (dans sa constance) ne laissent pas de nous surprendre. Tandis qu'il y a quelques années, il feignait de se contenter officiellement d'une « autonomie limitée », aujourd'hui il croit la combattre. Nous en avons pris le parti de cette malveillante hostilité sur fond d'arrogance. L'autonomie, c'est la légalité internationale proclamée, mais aussi le cadre d'une nouvelle dynamique à laquelle l'Algérie, dans toutes ses composantes, devrait contribuer.
Par LE MATIN
L'autonomie, c'est la légalité internationale
Publié le : 26.05.2008 | 18h28
«L'affaire du Sahara», fomentée depuis 1973 par le gouvernement de feu Houari Boumediène, comporte ses mystères et ses secrets d'alcôve. Et la notion d'autonomie s'y blottit comme la plus opaque des clés. Les protagonistes algériens sont, soit disparus, soit retirés, soit enfin reclus dans une chape de plomb. En l'occurrence, il s'agit de Houari Boumediène, décédé en 1979 et emportant avec lui ses plans tracés sur la comète et ses rêves brisés.
Ensuite de Chadli Bendjedid dont la jovialité apparente n'avait d'égale que le durcissement enfoui que lui imposait un Establishment politico-militaire en proie à l'antimarocanisme primaire, enfin le président Bouteflika qui est le plus «marocain» de tous, défenseur zélé du principe révolu «d'autodétermination du peuple sahraoui».
Les trois présidents de l'Algérie qui, exceptés quelques figures éphémères comme Liamine Zéroual, se sont succédé à intervalles plus ou moins réguliers, ont imprimé chacun à sa façon leur marque diplomatique, entièrement vouée à contrecarrer le Maroc sur la scène internationale, à instrumentaliser une machiavélique hostilité de leur peuple, bref à fabriquer un «ennemi» extérieur, logé à l'ouest, là où précisément se cristallisent leurs ambitions atlantiques…
Ce sont ces ambitions, conjuguées aux difficultés internes, qui justifient sur fond d'un indécrottable orgueil, l'hostilité des gouvernements algériens successifs à l'endroit du Maroc. Et le rappeler aujourd'hui nous incline à prendre en compte le contexte régional et international de l'époque, dominé par la guerre froide qui opposait les Etats-Unis à l'Union soviétique, confrontés sur divers champs de bataille par pays africains ou asiatiques interposés.
Comme une retombée directe de cette rivalité entre grandes puissances, une tension latente s'est instaurée depuis 1975 entre le Maroc et l'Algérie. Cependant, en juin 1988 s'était tenu à Alger un Sommet arabe extraordinaire auquel feu S.M. Hassan II, parti en bateau par Tanger, a activement participé. Il avait été précédé une année plus tôt par la tenue d'un Sommet tripartite qui réunissait à Akid Loutfi, à la frontière maroco-algérienne, feu S.M. Hassan II, feu le Roi Fahd d'Arabie saoudite et l'ancien président Chadli Bendjedid et, en mai 1988, par l'annonce de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, gelées depuis la création de la rasd à Alger.
C'est l'époque en effet où, d'un sommet restreint à une réunion entre deux, d'un échange de propos à une rencontre impromptue ou organisée, le réchauffement maroco-algérien devenait plus qu'évident aux yeux des observateurs. Un autre sommet bilatéral s'était tenu à Alger, en marge de celui de la Ligue arabe, au cours duquel s'était esquissée, en épure, une réconciliation impossible. « Le National Intelligence Daily », bulletin d'information de la CIA, pouvait pérorer à loisir pour dire notamment que « les récentes ouvertures pour restaurer les liens entre le Maroc et l'Algérie, confirment les récentes demandes du président Chadli Bendjedid pour un compromis avec le Maroc, visant l'annexion du Sahara occidental avec un statut d'autonomie limitée à ce dernier ».
Autrement dit, le gouvernement algérien proposait implicitement au Maroc ni plus ni moins d'accepter « l'autonomie limitée » au polisario. Les analystes de la Centrale Intelligence Agency avaient même estimé qu'une telle « position plus flexible du président Bendjedid s'explique par sa frustration de voir que le Front polisario n'arrive pas à obtenir une victoire militaire, mais aussi par son désir de voir le Roi Hassan II se rendre au Sommet extraordinaire de la Ligue arabe, prévu à Alger le 7 juin » (1988). Le voyage de feu S.M. Hassan II à Alger pour participer au Sommet arabe avait été suivi trois ans après par une autre visite du défunt Souverain à Oran en juin 1991 pour rencontrer Chadli Bendjedid.
Volonté de normalisation, manœuvre dilatoire encore, ou disposition sincère ? La question n'est pas là. Le document de la CIA, aujourd'hui objet d'une déclassification comme l'on dit, nous renvoie à nous-mêmes, incrédules que nous sommes. Le gouvernement algérien avait donc bel et bien envisagé l'hypothèse d'une autonomie, à plus forte raison « limitée » au Sahara pour le polisario. L'époque pouvait en effet expliquer un tel choix qu'il ne pouvait manifestement entériner de gaieté de cœur. Car, le Maroc était militairement, diplomatiquement et sur le front intérieur fortement positionné.
Pourquoi donc, quelques années plus tard, le même gouvernement algérien a-t-il changé de fusil d'épaule ? L'année 1991-1992 a vu à la fois la promulgation de l'accord du 15 juin 1972 qui mettait fin au conflit frontalier entre les deux pays et la mise en œuvre par les Nations unies du plan de règlement au Sahara avec, à la clé, la disposition sur le cessez-le-feu. Janvier 1992, c'est aussi la déposition « manu militari » par un quarteron de généraux – qu'il avait pourtant promus – de Chadli Bendjedid et la radicalisation sur le dossier du Sahara. Un véritable tournant, le retour au brouillard et au mouvement « brownien » infernal. On remit au goût du jour le « référendum d'autodétermination », que feu Hassan II avait pourtant en son temps accepté au Sommet de l'OUA de Naïrobi mais que l'Algérie… combattit de toutes ses forces !
Les retournements et l'inconstance du gouvernement algérien (dans sa constance) ne laissent pas de nous surprendre. Tandis qu'il y a quelques années, il feignait de se contenter officiellement d'une « autonomie limitée », aujourd'hui il croit la combattre. Nous en avons pris le parti de cette malveillante hostilité sur fond d'arrogance. L'autonomie, c'est la légalité internationale proclamée, mais aussi le cadre d'une nouvelle dynamique à laquelle l'Algérie, dans toutes ses composantes, devrait contribuer.
Par LE MATIN