Tahar Djaout Les intellectuels, le pays, l’école… Trois jours avant l’attentat contre lui, Djaout avait accordé cette interview* dont seul un bref extrait a été diffusé sur la BBC
Pourquoi les intellectuels algériens observent-ils le silence sur ce qui se passe en Algérie ? On a l’impression qu’ils ne sont pas concernés par la répression, le processus démocratique en cours et les violences armées.
A vrai dire, les intellectuels algériens n’ont jamais été silencieux, tel qu’on le prétend parfois. Le problème qu’il faudrait soulever, c’est peut-être celui du peu de moyens dont ils disposent pour s’exprimer et celui d’un fossé qui s’est creusé entre eux et le reste de la société ; fossé dû notamment à la qualité de l’école algérienne et qui n’a pas permis une relève au niveau intellectuel. Donc une école qui produit une jeunesse coupée des intellectuels, une jeunesse qui n’a pas d’outils d’analyse, qui a peu de moyens d’appréhender la réalité sous l’angle de l’intelligence, sous l’angle de l’analyse. Les intellectuels, à vrai dire, s’expriment—pas tous, mais pour quelques uns par les moyens qui leur sont donnés, c’est-à-dire les livres qui n’ont pas, hélas, la répercussion voulue, des interventions dans la presse. Je crois que c’est déjà suffisant pour un intellectuel. Parce qu’un intellectuel ne dispose pas forcément de tribunes importantes comme les tribunes politiques, il ne dispose pas d’adhérents, d’une foule qui le soutient, qui lui permet de tenir des meetings. Donc, je crois que l’intellectuel algérien et je parle encore ici d’un certain profil d’intellectuel qui prend ses responsabilités donc l’intellectuel algérien s’exprime avec les moyens qui sont les siens. Mais c’est vrai aussi qu’il y a eu l’intellectuel officiel, le prototype de l’intellectuel qui était là pendant le parti unique, qui était le porte-parole du pouvoir qui, avec la démocratie, se découvre soudain l’âme de démocrate et qui, lorsqu’il s’agit de prendre ses responsabilités, lorsque les jeux ne sont pas clairs, cet intellectuel généralement se terre chez lui en attendant que les choses s’éclaircissent pour qu’il puisse s’exprimer sans prendre aucun risque. Mais peut-on appeler intellectuel ce genre de personnage ?
Vous avez déclaré récemment que l’intégrisme est une excroissance du régime en place. Vous pouvez préciser un peu votre pensée ?
Je pense que lorsqu’on regarde l’idéologie du FLN, l’intégrisme islamique n’est que l’aboutissement de cette idéologie. C’est une expression paroxystique de l’idéologie du FLN. Lorsque nous prenons la Constitution élaborée par le FLN qui stipule que l’Islam est religion de l’Etat, il est évident que les islamistes, dans leur logique, ne demandent que l’application de cet article de la Constitution. Nous voyons aujourd’hui le FLN dans le champ politique. Lors du dialogue avec le HCE par exemple, le FLN avait des positions tout à fait proches de celles des islamistes. Et la presse du FLN est devenue la presse des islamistes. Donc le passage de la logique et de l’idéologie du FLN vers la logique et l’idéologie intégriste est un passage extrêmement ténu. Le pas est très vite franchi. Je pense que c’est l’arabo-islamisme du FLN qui, en évoluant d’un point de vue idéologique, a donné l’islamisme tout simplement.
Vous estimez que la lutte contre le terrorisme et l’intégrisme n’est pas une condition suffisante pour l’avènement de la démocratie en Algérie et que ce n’est pas par la répression qu’on peut vaincre ce phénomène (intégrisme). Que proposez-vous ? Quelles sont les solutions ?
Je dis d’abord que la lutte contre l’intégrisme est une condition nécessaire. Parce qu’il y a effectivement des partis qui disent que la lutte contre l’intégrisme n’est pas une condition suffisante. Moi j’ajoute en plusqu’elle est nécessaire. Parce que ces partis ne disent pas que cette lutte est nécessaire. Moi, ce que je veux dire, il ne faut pas combattre les extrémistes intégristes avec leurs propres armes qui sont des armes de la violence. Il faut les combattre avec les armes qui sont les armes d’un Etat de droit, c’est-à-dire qu’il faut les combattre d’abord sur le plan culturel, en essayant d’implanter une culture humaniste. Il faut les combattre sur le plan juridique par tout l’arsenal de la loi qui sauvegarde, à la fois, les droits de l’homme et sa dignité. Donc, il ne faut pas combattre les intégristes par la violence qui est leur arme à eux, mais qui n’est pas l’arme d’un Etat de droit.
Le dialogue actuel engagé par le pouvoir avec les partis d’opposition et les associations de la société civile a-t-il une chance d’aboutir sans la participation de représentants de l’ex-Front islamique du salut (FIS) ?
Je pense qu’à ce niveau il y a un projet de société, il y a un projet civilisationnel. Quelle que soit l’importance du Front islamique du salut dissous, on ne peut dialoguer avec ce parti. Quelle que soit son implantation sociale, son idéologie totalitaire fait qu’on ne peut pas dialoguer avec lui. Et là, c’est un choix politique que la société algérienne doit assumer. C’est comme le problème du nazisme et le problème du fascisme : quelle que soit l’implantation de ces deux idéologies, il fallait les combattre, parce que ce sont des idéologies négatrices de tout ce qui fait la valeur de l’homme, de tout ce qui fait la démocratie. Je pense que l’annulation du processus électoral en janvier 92 ne voudrait rien dire si aujourd’hui le pouvoir qui a décidé d’annuler ce processus —parce qu’il voyait dans ce processus un départ non seulement vers l’inconnu mais vers le chaos de l’Algérie, donc ce serait un retour en arrière terrible — se met soudain à dialoguer avec les islamistes. Je crois que l’islamisme, comme nous l’avons dit tout à l’heure, c’est l’aboutissement de toute la pratique politique et idéologique en place depuis 1962. Je pense que des gens au pouvoir en janvier 1992 ont eu un sursaut d’intelligence devant ce qui attendait l’Algérie. Ils ont dit non à la poursuite d’une telle logique électorale. Si, aujourd’hui, on se met à dialoguer avec ces gens-là qui ont pris les armes, qui, chaque jour que Dieu fait, assassinent des citoyens ou des agents de l’ordre, ça ne veut plus rien dire. Je crois qu’aucun Etat de droit ne peut se permettre de dialoguer avec un parti qui a pris les armes et qui assassine les citoyens.
Passons à autre chose, si vous le voulez bien. Depuis quelques temps, on assiste à un débat sur le système éducatif algérien. Il se trouve que ce débat-là tourne autour d’un seul point : l’introduction de la langue anglaise en 4e année aux côtés du français. Cette décision a suscité une levée de boucliers, a provoqué une polémique dans le pays. Que pensez-vous de cette décision ?
L’école algérienne se porte très mal. Parmi l’une des causes, il y a le fait que cette école tourne le dos à la réalité linguistique du pays. L’Algérie est un pays trilingue : on y parle l’arabe, le berbère et le français. Cette école, malheureusement, pour des raisons idéologiques, des raisons de légitimité politique, n’a pas voulu prendre en considération cette réalité de la langue que nous rencontrons chaque jour dans les rues de l’Algérie. Les langues en Algérie ont un statut idéologique qui n’est pas toujours conforme ou même n’est jamais conforme à la réalité du terrain. Le courant idéologique connu, arabo-islamique, qui a fait main basse sur l’école algérienne depuis une vingtaine d’années (…), revendique, nous le savons depuis longtemps, l’exclusion du français du système d’enseignement. Et aujourd’hui, il veut introduire l’anglais en concurrence avec le français. C’est totalement absurde. L’anglais est une langue internationale, qu’on peut apprendre, mais cette langue n’aura jamais la même place ou le même statut que le français. Le français est une langue extrêmement prégnante dans la société algérienne. Regardez le tirage des journaux de langue française est supérieur au tirage des journaux de langue arabe. Regardez toute la littérature algérienne produite en langue française. Donc, il y a une réalité de la langue qu’on veut ignorer. Le français est une langue pratiquée par les Algériens, c’est une langue qui n’est pas à proprement parlé une langue étrangère même si, idéologiquement, elle n’a pas le statut de langue disant nationale. Mais ce n’est pas du tout une langue étrangère. Les Algériens ne pourront jamais écrire en langue anglaise des chefs-d’œuvre littéraires comme ceux qu’ont écrit Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et Mohamed Dib en langue française. Donc, on ne peut pas mettre sur le même plan ces deux langues. Moi, je souhaite que l’anglais puisse avoir une place dans notre école. J’ai fait mes études en français et en arabe et j’ai appris l’anglais comme langue étrangère, comme d’autres ont appris l’allemand, l’espagnol ou le russe. Mais l’anglais ne pourra jamais être maîtrisé comme le français l’est en Algérie.
Comment interprétez-vous cette décision de mettre en concurrence l’anglais et le français ? Vous savez, c’est une vieille revendication, comme je l’ai dit, du courant qui a investi l’école depuis maintenant deux décennies. Je pense que c’est une concession faite par le ministre actuel à ce courant idéologique qui est très fort au sein de l’institution éducative. Je pense que c’est une concession à ces gens-là. Est-ce que le ministère de l’Enseignement va maintenir cette décision qui est extrêmement critiquée comme vous le voyez chaque jour dans les journaux en Algérie ? Est-ce que, quand bien même elle est maintenue, cette décision donnera des fruits réellement à l’école ? C’est des questions qui restent posées. Mais je crois que, fondamentalement, le fait de poser l’introduction de la langue anglaise à l’école algérienne en ces termes c’est-à-dire en termes de concurrence avec une langue qui est maîtrisée, qui est implantée qu’est le français c’est encore une fois une preuve que les vrais problèmes de l’éducation en Algérie ne sont pas abordés et qu’on essaie de gagner du terrain, qu’on essaie de dévoyer le débat par des questions qui sont de fausses questions.
*Interview réalisée le 23 mai 1993 au siège de l’hebdomadaire Ruptures près de la Faculté centrale d’Alger. Victime d’un attentat le 26 mai, Tahar Djaout est décédé le 2 juin à l’hôpital de Baïnem à l’ouest d’Alger.
Mohamed Arezki-Himeur in El Watan du 29 05 08
Pourquoi les intellectuels algériens observent-ils le silence sur ce qui se passe en Algérie ? On a l’impression qu’ils ne sont pas concernés par la répression, le processus démocratique en cours et les violences armées.
A vrai dire, les intellectuels algériens n’ont jamais été silencieux, tel qu’on le prétend parfois. Le problème qu’il faudrait soulever, c’est peut-être celui du peu de moyens dont ils disposent pour s’exprimer et celui d’un fossé qui s’est creusé entre eux et le reste de la société ; fossé dû notamment à la qualité de l’école algérienne et qui n’a pas permis une relève au niveau intellectuel. Donc une école qui produit une jeunesse coupée des intellectuels, une jeunesse qui n’a pas d’outils d’analyse, qui a peu de moyens d’appréhender la réalité sous l’angle de l’intelligence, sous l’angle de l’analyse. Les intellectuels, à vrai dire, s’expriment—pas tous, mais pour quelques uns par les moyens qui leur sont donnés, c’est-à-dire les livres qui n’ont pas, hélas, la répercussion voulue, des interventions dans la presse. Je crois que c’est déjà suffisant pour un intellectuel. Parce qu’un intellectuel ne dispose pas forcément de tribunes importantes comme les tribunes politiques, il ne dispose pas d’adhérents, d’une foule qui le soutient, qui lui permet de tenir des meetings. Donc, je crois que l’intellectuel algérien et je parle encore ici d’un certain profil d’intellectuel qui prend ses responsabilités donc l’intellectuel algérien s’exprime avec les moyens qui sont les siens. Mais c’est vrai aussi qu’il y a eu l’intellectuel officiel, le prototype de l’intellectuel qui était là pendant le parti unique, qui était le porte-parole du pouvoir qui, avec la démocratie, se découvre soudain l’âme de démocrate et qui, lorsqu’il s’agit de prendre ses responsabilités, lorsque les jeux ne sont pas clairs, cet intellectuel généralement se terre chez lui en attendant que les choses s’éclaircissent pour qu’il puisse s’exprimer sans prendre aucun risque. Mais peut-on appeler intellectuel ce genre de personnage ?
Vous avez déclaré récemment que l’intégrisme est une excroissance du régime en place. Vous pouvez préciser un peu votre pensée ?
Je pense que lorsqu’on regarde l’idéologie du FLN, l’intégrisme islamique n’est que l’aboutissement de cette idéologie. C’est une expression paroxystique de l’idéologie du FLN. Lorsque nous prenons la Constitution élaborée par le FLN qui stipule que l’Islam est religion de l’Etat, il est évident que les islamistes, dans leur logique, ne demandent que l’application de cet article de la Constitution. Nous voyons aujourd’hui le FLN dans le champ politique. Lors du dialogue avec le HCE par exemple, le FLN avait des positions tout à fait proches de celles des islamistes. Et la presse du FLN est devenue la presse des islamistes. Donc le passage de la logique et de l’idéologie du FLN vers la logique et l’idéologie intégriste est un passage extrêmement ténu. Le pas est très vite franchi. Je pense que c’est l’arabo-islamisme du FLN qui, en évoluant d’un point de vue idéologique, a donné l’islamisme tout simplement.
Vous estimez que la lutte contre le terrorisme et l’intégrisme n’est pas une condition suffisante pour l’avènement de la démocratie en Algérie et que ce n’est pas par la répression qu’on peut vaincre ce phénomène (intégrisme). Que proposez-vous ? Quelles sont les solutions ?
Je dis d’abord que la lutte contre l’intégrisme est une condition nécessaire. Parce qu’il y a effectivement des partis qui disent que la lutte contre l’intégrisme n’est pas une condition suffisante. Moi j’ajoute en plusqu’elle est nécessaire. Parce que ces partis ne disent pas que cette lutte est nécessaire. Moi, ce que je veux dire, il ne faut pas combattre les extrémistes intégristes avec leurs propres armes qui sont des armes de la violence. Il faut les combattre avec les armes qui sont les armes d’un Etat de droit, c’est-à-dire qu’il faut les combattre d’abord sur le plan culturel, en essayant d’implanter une culture humaniste. Il faut les combattre sur le plan juridique par tout l’arsenal de la loi qui sauvegarde, à la fois, les droits de l’homme et sa dignité. Donc, il ne faut pas combattre les intégristes par la violence qui est leur arme à eux, mais qui n’est pas l’arme d’un Etat de droit.
Le dialogue actuel engagé par le pouvoir avec les partis d’opposition et les associations de la société civile a-t-il une chance d’aboutir sans la participation de représentants de l’ex-Front islamique du salut (FIS) ?
Je pense qu’à ce niveau il y a un projet de société, il y a un projet civilisationnel. Quelle que soit l’importance du Front islamique du salut dissous, on ne peut dialoguer avec ce parti. Quelle que soit son implantation sociale, son idéologie totalitaire fait qu’on ne peut pas dialoguer avec lui. Et là, c’est un choix politique que la société algérienne doit assumer. C’est comme le problème du nazisme et le problème du fascisme : quelle que soit l’implantation de ces deux idéologies, il fallait les combattre, parce que ce sont des idéologies négatrices de tout ce qui fait la valeur de l’homme, de tout ce qui fait la démocratie. Je pense que l’annulation du processus électoral en janvier 92 ne voudrait rien dire si aujourd’hui le pouvoir qui a décidé d’annuler ce processus —parce qu’il voyait dans ce processus un départ non seulement vers l’inconnu mais vers le chaos de l’Algérie, donc ce serait un retour en arrière terrible — se met soudain à dialoguer avec les islamistes. Je crois que l’islamisme, comme nous l’avons dit tout à l’heure, c’est l’aboutissement de toute la pratique politique et idéologique en place depuis 1962. Je pense que des gens au pouvoir en janvier 1992 ont eu un sursaut d’intelligence devant ce qui attendait l’Algérie. Ils ont dit non à la poursuite d’une telle logique électorale. Si, aujourd’hui, on se met à dialoguer avec ces gens-là qui ont pris les armes, qui, chaque jour que Dieu fait, assassinent des citoyens ou des agents de l’ordre, ça ne veut plus rien dire. Je crois qu’aucun Etat de droit ne peut se permettre de dialoguer avec un parti qui a pris les armes et qui assassine les citoyens.
Passons à autre chose, si vous le voulez bien. Depuis quelques temps, on assiste à un débat sur le système éducatif algérien. Il se trouve que ce débat-là tourne autour d’un seul point : l’introduction de la langue anglaise en 4e année aux côtés du français. Cette décision a suscité une levée de boucliers, a provoqué une polémique dans le pays. Que pensez-vous de cette décision ?
L’école algérienne se porte très mal. Parmi l’une des causes, il y a le fait que cette école tourne le dos à la réalité linguistique du pays. L’Algérie est un pays trilingue : on y parle l’arabe, le berbère et le français. Cette école, malheureusement, pour des raisons idéologiques, des raisons de légitimité politique, n’a pas voulu prendre en considération cette réalité de la langue que nous rencontrons chaque jour dans les rues de l’Algérie. Les langues en Algérie ont un statut idéologique qui n’est pas toujours conforme ou même n’est jamais conforme à la réalité du terrain. Le courant idéologique connu, arabo-islamique, qui a fait main basse sur l’école algérienne depuis une vingtaine d’années (…), revendique, nous le savons depuis longtemps, l’exclusion du français du système d’enseignement. Et aujourd’hui, il veut introduire l’anglais en concurrence avec le français. C’est totalement absurde. L’anglais est une langue internationale, qu’on peut apprendre, mais cette langue n’aura jamais la même place ou le même statut que le français. Le français est une langue extrêmement prégnante dans la société algérienne. Regardez le tirage des journaux de langue française est supérieur au tirage des journaux de langue arabe. Regardez toute la littérature algérienne produite en langue française. Donc, il y a une réalité de la langue qu’on veut ignorer. Le français est une langue pratiquée par les Algériens, c’est une langue qui n’est pas à proprement parlé une langue étrangère même si, idéologiquement, elle n’a pas le statut de langue disant nationale. Mais ce n’est pas du tout une langue étrangère. Les Algériens ne pourront jamais écrire en langue anglaise des chefs-d’œuvre littéraires comme ceux qu’ont écrit Kateb Yacine, Mouloud Mammeri et Mohamed Dib en langue française. Donc, on ne peut pas mettre sur le même plan ces deux langues. Moi, je souhaite que l’anglais puisse avoir une place dans notre école. J’ai fait mes études en français et en arabe et j’ai appris l’anglais comme langue étrangère, comme d’autres ont appris l’allemand, l’espagnol ou le russe. Mais l’anglais ne pourra jamais être maîtrisé comme le français l’est en Algérie.
Comment interprétez-vous cette décision de mettre en concurrence l’anglais et le français ? Vous savez, c’est une vieille revendication, comme je l’ai dit, du courant qui a investi l’école depuis maintenant deux décennies. Je pense que c’est une concession faite par le ministre actuel à ce courant idéologique qui est très fort au sein de l’institution éducative. Je pense que c’est une concession à ces gens-là. Est-ce que le ministère de l’Enseignement va maintenir cette décision qui est extrêmement critiquée comme vous le voyez chaque jour dans les journaux en Algérie ? Est-ce que, quand bien même elle est maintenue, cette décision donnera des fruits réellement à l’école ? C’est des questions qui restent posées. Mais je crois que, fondamentalement, le fait de poser l’introduction de la langue anglaise à l’école algérienne en ces termes c’est-à-dire en termes de concurrence avec une langue qui est maîtrisée, qui est implantée qu’est le français c’est encore une fois une preuve que les vrais problèmes de l’éducation en Algérie ne sont pas abordés et qu’on essaie de gagner du terrain, qu’on essaie de dévoyer le débat par des questions qui sont de fausses questions.
*Interview réalisée le 23 mai 1993 au siège de l’hebdomadaire Ruptures près de la Faculté centrale d’Alger. Victime d’un attentat le 26 mai, Tahar Djaout est décédé le 2 juin à l’hôpital de Baïnem à l’ouest d’Alger.
Mohamed Arezki-Himeur in El Watan du 29 05 08