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Fatima Benali " L'Algérie n'est plus mon pays"
Fatima Benali est née en Algérie d’un père marocain et d’une mère algérienne. Dans un livre autobiographique de 265 pages qu’elle vient de publier en France chez Thélès sous le titre « C’était mon pays », elle raconte sa propre souffrance. Celle d’une victime « collatérale » du conflit sempiternel et sournois entre l’Algérie et le Maroc. Elle raconte aussi, à travers moult témoignages, les tristes histoires d’autres Marocaines et Marocains qui ont été expulsés par l’Etat algérien après la marche verte et même avant cet événement. Loin d’être littéraire, son ouvrage a un cachet particulier. Celui de la sincérité du ton. Entretien avec l’auteur.
C'était mon pays, éditions Thélès
« C’était mon pays » est le titre de votre premier ouvrage. Le pays dont vous parlez est l’Algérie, celui qui vous a vu naître. Cela veut-il dire que vous reniez votre pays natal ?
Effectivement, l’Algérie était mon pays, mais il ne l'est plus. J'ai perdu tous mes repères là bas malheureusement. Du temps où j’avais grand besoin de revenir au bercail, il me fallait un visa qu’il m’était difficile d’obtenir puisque je vivais au Maroc. Il fut un temps où j’étais très attachée à l’Algérie parce que c’est la patrie de ma mère et celle de toute ma famille. Aujourd’hui, je sens que j’ai perdu quelque chose, que j’ai perdu un pays.
Diriez-vous la même chose du Maroc ?
Je me sens marocaine aujourd’hui. J’ai passé 30 ans au Maroc. C’est ici que j’ai travaillé et fait ma vie après avoir été rejetée, très jeune, par l’Algérie pour la seule raison que mon père est d’origine marocaine. C’est donc au Maroc que je me sens le plus chez moi, mais pas en Algérie où je me sens totalement étrangère.
« C’était mon pays » est l’histoire d’une vie, la vôtre. On peut bien se demander pourquoi ce livre, maintenant ?
Ce n’est pas tout récemment que j’ai commencé à écrire mon livre, mais depuis 2000 ; une fois que j’ai quitté mon travail dans le cadre du départ volontaire pour aller en France rejoindre mon mari (à l’époque). A ce moment-là, j’ai abandonné la seule famille que j’avais, celle que constituaient mes collègues. Tout mon passé était revenu d’un coup, avec force. Je voulais alors parler de cette tragédie humaine. Je voulais dire aux responsables concernés qu’on ne peut pas tout cacher. Je m’étais mise à écrire. Ce faisant, je revivais mon passé et je pl
eurais. Tous les événements remontaient à la surface comme si les événements venaient tout juste de se passer. Ce qui m’a fait le plus mal, c’est qu’on n’a même pas parlé de ce drame ayant touché des milliers de familles expulsées par l’Algérie. Je n’ai jamais d’ailleurs compris le pourquoi de ce silence. Depuis que je suis partie en France, je faisais des recherches sur ces expulsions. J’allais dans des bibliothèques, je cherchais aussi sur internet… Il n’y avait rien. En France, ma vie, mon passé, m’ont poursuivi. C’est comme s’il y avait un voile qui est tombé tout à coup…
Résultat : nous avons aujourd’hui entre les mains un témoignage sincère. Vous y parlez de souffrance, de déchirure, de tiraillement… Ce livre n’a-t-il pas été pour vous en fin de compte une sorte de « thérapie » ?
Absolument. Une fois mon livre écrit, je me dis tout le monde sait. Curieusement, oui c’est une thérapie. Je me sens mieux maintenant.
Votre parcours est vraiment particulier. L’Etat algérien a refusé de vous embaucher parce que vous êtes à moitié marocaine. Très jeune, vous êtes revenue au Maroc pour prendre votre revanche en quelque sorte et vous avez réussi à le faire malgré de nombreux déboires. Malgré tout, votre déchirure n’est pas la même que ceux qui ont été expulsés d’une manière directe et brutale. Qu’en dites-vous ?
Juste après mon retour à Oujda, j’ai vu pleurer énormément de femmes et d’hommes qui ont été expulsés au Maroc par l’Algérie, rien que parce que c’étit des Marocains. Bien des vies ont été brisées de la sorte. Dans certains cas, des familles entières ont été jetées sans ménagement dehors à cause des origines marocaines des parents. Dans d’autres cas, des femmes, parce que marocaines, ont été séparées à jamais de leurs hommes algériens et de leurs enfants... Et tout cela avait bien commencé avant 1975. C’est pour ces nombreuses vic
times aussi que j’ai écrit mon livre.
Votre livre s’achève, malgré tout, sur une note d’espoir. Vous rêvez de voir les frontières maroco-algériennes rouvertes et les relations entre les deux pays normalisées pour de vrai…
De toutes les façons, il n’y a pas d’autres issues logiques que celle de la réouverture des frontières. Je garde espoir de voir un jour la frontière de « Zouj bghal » devenir réellement invisible. C’est mon plus grand souhait.
Interview de l'auteur au journal le Reporter
Fatima Benali " L'Algérie n'est plus mon pays"
Fatima Benali est née en Algérie d’un père marocain et d’une mère algérienne. Dans un livre autobiographique de 265 pages qu’elle vient de publier en France chez Thélès sous le titre « C’était mon pays », elle raconte sa propre souffrance. Celle d’une victime « collatérale » du conflit sempiternel et sournois entre l’Algérie et le Maroc. Elle raconte aussi, à travers moult témoignages, les tristes histoires d’autres Marocaines et Marocains qui ont été expulsés par l’Etat algérien après la marche verte et même avant cet événement. Loin d’être littéraire, son ouvrage a un cachet particulier. Celui de la sincérité du ton. Entretien avec l’auteur.
C'était mon pays, éditions Thélès
« C’était mon pays » est le titre de votre premier ouvrage. Le pays dont vous parlez est l’Algérie, celui qui vous a vu naître. Cela veut-il dire que vous reniez votre pays natal ?
Effectivement, l’Algérie était mon pays, mais il ne l'est plus. J'ai perdu tous mes repères là bas malheureusement. Du temps où j’avais grand besoin de revenir au bercail, il me fallait un visa qu’il m’était difficile d’obtenir puisque je vivais au Maroc. Il fut un temps où j’étais très attachée à l’Algérie parce que c’est la patrie de ma mère et celle de toute ma famille. Aujourd’hui, je sens que j’ai perdu quelque chose, que j’ai perdu un pays.
Diriez-vous la même chose du Maroc ?
Je me sens marocaine aujourd’hui. J’ai passé 30 ans au Maroc. C’est ici que j’ai travaillé et fait ma vie après avoir été rejetée, très jeune, par l’Algérie pour la seule raison que mon père est d’origine marocaine. C’est donc au Maroc que je me sens le plus chez moi, mais pas en Algérie où je me sens totalement étrangère.
« C’était mon pays » est l’histoire d’une vie, la vôtre. On peut bien se demander pourquoi ce livre, maintenant ?
Ce n’est pas tout récemment que j’ai commencé à écrire mon livre, mais depuis 2000 ; une fois que j’ai quitté mon travail dans le cadre du départ volontaire pour aller en France rejoindre mon mari (à l’époque). A ce moment-là, j’ai abandonné la seule famille que j’avais, celle que constituaient mes collègues. Tout mon passé était revenu d’un coup, avec force. Je voulais alors parler de cette tragédie humaine. Je voulais dire aux responsables concernés qu’on ne peut pas tout cacher. Je m’étais mise à écrire. Ce faisant, je revivais mon passé et je pl
eurais. Tous les événements remontaient à la surface comme si les événements venaient tout juste de se passer. Ce qui m’a fait le plus mal, c’est qu’on n’a même pas parlé de ce drame ayant touché des milliers de familles expulsées par l’Algérie. Je n’ai jamais d’ailleurs compris le pourquoi de ce silence. Depuis que je suis partie en France, je faisais des recherches sur ces expulsions. J’allais dans des bibliothèques, je cherchais aussi sur internet… Il n’y avait rien. En France, ma vie, mon passé, m’ont poursuivi. C’est comme s’il y avait un voile qui est tombé tout à coup…
Résultat : nous avons aujourd’hui entre les mains un témoignage sincère. Vous y parlez de souffrance, de déchirure, de tiraillement… Ce livre n’a-t-il pas été pour vous en fin de compte une sorte de « thérapie » ?
Absolument. Une fois mon livre écrit, je me dis tout le monde sait. Curieusement, oui c’est une thérapie. Je me sens mieux maintenant.
Votre parcours est vraiment particulier. L’Etat algérien a refusé de vous embaucher parce que vous êtes à moitié marocaine. Très jeune, vous êtes revenue au Maroc pour prendre votre revanche en quelque sorte et vous avez réussi à le faire malgré de nombreux déboires. Malgré tout, votre déchirure n’est pas la même que ceux qui ont été expulsés d’une manière directe et brutale. Qu’en dites-vous ?
Juste après mon retour à Oujda, j’ai vu pleurer énormément de femmes et d’hommes qui ont été expulsés au Maroc par l’Algérie, rien que parce que c’étit des Marocains. Bien des vies ont été brisées de la sorte. Dans certains cas, des familles entières ont été jetées sans ménagement dehors à cause des origines marocaines des parents. Dans d’autres cas, des femmes, parce que marocaines, ont été séparées à jamais de leurs hommes algériens et de leurs enfants... Et tout cela avait bien commencé avant 1975. C’est pour ces nombreuses vic
times aussi que j’ai écrit mon livre.
Votre livre s’achève, malgré tout, sur une note d’espoir. Vous rêvez de voir les frontières maroco-algériennes rouvertes et les relations entre les deux pays normalisées pour de vrai…
De toutes les façons, il n’y a pas d’autres issues logiques que celle de la réouverture des frontières. Je garde espoir de voir un jour la frontière de « Zouj bghal » devenir réellement invisible. C’est mon plus grand souhait.
Interview de l'auteur au journal le Reporter