Dans cet entretien qu’il nous a accordé, le chef de la délégation de la Commission européenne en Algérie, M. Wolfgang Plasa, est revenu sur l’accord d’association signé entre l’Algérie et l’UE, le programme Meda I et II et sur d'autres sujets d’actualité. Concernant le projet de l’Union pour la Méditerranée (UPM), il affirme avoir préparé un ensemble de propositions qui seront dévoilées durant le sommet de l’Union prévu à Paris le 13 juillet en cours. Entretien réalisé par Fatma Haouari Le Soir d'Algérie: Vous venez de lancer conjointement avec le ministre de la PME et de l'Artisanat le programme Meda II, en quoi consiste-t-il, quelles sont les nouvelles modalités de ce programme et quelle évaluation faites-vous de Meda I ? Wolfgang Plasa : Le programme d'appui aux PME I, qui a soutenu la mise à niveau des PME algériennes, s'est achevé en décembre 2007. Dans l'ensemble, l'évaluation de ce programme est très positive. C'est la raison pour laquelle il y a une suite décidée conjointement par les autorités algériennes et la Commission européenne. Nous avons signé en mars 2008 un nouveau programme d'appui aux PME II avec le ministère de la PME et de l'Artisanat en tant que chef de file. Le nouveau programme poursuit les activités déjà entamées mais d'une façon plus ciblée, notamment autour de quelques filières choisies par les autorités algériennes. Les autres éléments nouveaux mettent l’accent plus fort sur l'utilisation des NTIC dans les PME ainsi qu'un appui aux institutions et aux systèmes de qualité en Algérie. Ces derniers constituent un élément-clé pour la compétitivité des PME algériennes dans un contexte international. L'appui aux PME/PMI, la 2e phase (PME II) pour laquelle on a alloué un budget de 40 millions d’euros dans la continuation du premier programme (PME I), vise à améliorer de manière durable la compétitivité des entreprises algériennes tant sur le marché national que sur le marché régional et/ou international. En premier lieu, nous avons l'appui au secteur des ressources en eau d'un montant de 20 millions d’euros. Ce programme vise à contribuer à la satisfaction durable de la demande en eau des consommateurs, à restaurer l’image de qualité des services du secteur de l’eau, à améliorer l’adéquation des acteurs à leurs missions dans le cadre de la gestion intégrée des ressources en eau et favoriser l’économie de l’eau et la sauvegarde de la ressource et du milieu. En second lieu, nous avons l'appui au secteur des transports également d'un montant de 20 millions d'euros. Le troisième programme concerne l'appui à la libéralisation et à la réforme du secteur des transports : réorganisation du système portuaire, sécurité maritime, rationalisation et ouverture à la concurrence des activités portuaires ; mise en valeur du réseau ferroviaire et urbain ainsi que la libéralisation de l'activité aéroportuaire. Il y a aussi l'appui au développement socioéconomique local dans le nord-est de l'Algérie qui a bénéficié d’un budget de 50 millions d’euros. Il s'agit de promouvoir les initiatives de lutte contre la pauvreté en favorisant le développement local, notamment à vocation productive. La participation active de la population, sa responsabilisation et le renforcement des capacités des acteurs locaux constituent les fondements essentiels de la stratégie du projet. Ce dernier concentre ses actions sur un territoire limité à 50 communes essentiellement rurales sélectionnées dans 6 wilayas pauvres du nord-est du pays. Quant à la proximité rurale d'un montant de 11 millions d’euros, c'est un programme, fondé sur l'approche territoriale de proximité intégrée et participative. Il a pour objectif d'appuyer le niveau central et surtout des zones de migration primaire dans les efforts qu'ils mènent pour enclencher en milieu rural défavorisé une dynamique de développement rural impulsée par la demande et fondée sur la gestion et la maîtrise des potentialités naturelles du territoire. Ce programme est en cours de démarrage. Sans oublier que le volet formation /éducation est tout aussi important. Nous avons mis en place un programme d'appui à la mise à niveau du système de formation professionnelle d'un montant de 45 millions d’euros. Le projet vise à accroître les capacités du système de formation professionnelle, à répondre à la demande des individus et des entreprises par une meilleure adaptation de l’offre de formation à la demande, à favoriser la compétitivité des entreprises dans la perspective de la création de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne, à adapter le système de FP à une économie du marché, et enfin à fournir à la population de meilleures opportunités d’insertion et de recyclage dans le marché du travail. Quant à l'appui à la réforme de l'éducation d'un budget de 16 millions d’euros, ce programme cible l’amélioration qualitative du système éducatif par l’appui à la formation initiale et continue des encadreurs et l’évaluation des acquis et du rendement du système éducatif. Il vise également le renforcement du management du système éducatif au niveau central et local. En clair, il est attendu, en particulier, l’amélioration du rendement du système de l’éducation, une qualité accrue de l’enseignement, la réduction des disparités régionales et une meilleure efficience des dépenses sectorielles. A cela s'ajoute une série de micro-projets et de macro-projets concernant des actions menées par des ONG européennes en partenariat avec des associations locales. Enfin, l'Algérie participe aussi à des projets régionaux dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen. Quel est le nombre d'entreprises algériennes qui ont réussi leur mise à niveau et quelles sont les causes de l'échec ou de l'abandon de bon nombre d'entre elles ? Dans le cadre du programme d'appui aux PME I, nous dénombrons 450 PME algériennes ayant bénéficié d'un soutien pour leur mise à niveau. De plus, le programme a organisé un grand nombre de formations qui ont touché plus des 4 000 participants venant des PME ainsi que des associations professionnelles. La mise à niveau des PME est un processus à long terme qui nécessite des efforts substantiels de la part de l'entreprise. Comme les PME algériennes ne se trouvent pas toutes au même stade d'avancement, une certaine présélection a été nécessaire. On reproche aux initiateurs de ce programme de faire appel à des cabinets d'expertise européens dans le cadre du programme Meda et de reprendre de la main gauche ce qu'ils donnent à l'Algérie de la main droite. En clair, de récupérer leur argent par le biais de ces cabinets. Quel commentaire faites-vous ? L'expertise internationale est un atout pour avoir accès à la meilleure pratique dans les domaines aussi divers que le marketing, la production, la technologie et le financement. En même temps, le programme a veillé à un transfert des compétences vers les experts locaux à travers la formation et d'autres actions. Le programme d'appui aux PME I a fait un effort important pour équilibrer l'utilisation de cabinets d'expertise européens et l'expertise locale. Comme résultat, un nombre important des consultants algériens ont pu acquérir de nouveaux outils et méthodes de travail. Quelle est la part du BTP dans le nouveau programme, sachant que seulement 1% des PME activant dans ce secteur a été retenu dans l'ancien programme ? Le programme d'appui aux PME I, en accord avec les autorités algériennes, avait mis l'accent sur la PME productive dans des secteurs importants comme l'agroalimentaire, la chimie, la mécanique et d'autres. Pour le nouveau programme, l'approche sera plus ciblée pour approfondir les efforts autour de quelques filières sélectionnées. On s'interroge sur les effets de l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE qu’on dit ne pas profiter à l'économie nationale algérienne et qui risque même de détériorer à long terme son tissu des PME qui activent dans le secteur privé, ce dernier n'étant pas assez outillé pour faire face à la concurrence, mais aussi en raison d'un déséquilibre dans la balance des exportations. Que répondez- vous à ces interrogations ? L'expérience a montré que la libération des échanges commerciaux internationaux apporte des bénéfices à l'ensemble des partenaires. Mais l'expérience a également montré que l'ouverture des marchés entraîne des ajustements, qui engendrent des coûts économiques et sociaux. Or, ces coûts sont le prix à payer pour avoir les bénéfices qui, à terme, sont beaucoup plus importants. Afin de réduire les coûts, la Commission européenne offre un vaste programme de coopération à ses partenaires, ce qui leur permet d'augmenter la compétitivité de leurs structures productives, notamment des PME. En ce qui concerne l'Algérie, nous venons de lancer un deuxième projet en faveur des PME. Avec le démantèlement tarifaire, on s'attendait à ce que les échanges commerciaux entre les deux parties augmentent, cependant, ils ont connu une diminution de l'ordre de 10% au profit des Asiatiques et au détriment de la qualité. Que compte faire l'UE pour redresser la situation ? Depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association, les exportations de l'Union européenne vers l'Algérie ont diminué, alors que les exportations algériennes vers l'Europe ont augmenté. Il est vrai que les exportateurs européens ne doivent pas seulement faire face au handicap que constitue le taux très élevé de l'euro mais aussi à la concurrence en provenance de certains pays d'Asie. Or, les exportateurs algériens font face à ces derniers problèmes également sur le marché européen. La seule réponse ne peut être qu'une amélioration du rapport qualité/prix. Après la visite du secrétaire d'Etat européen chargé du commerce, M. Peter Mandelson, la partie européenne s'est engagée à accepter les demandes de l'Algérie concernant la révision d'un certain nombre d'articles et d'aspects. Peut-on les connaître et doit-on comprendre que cet accord a été paraphé dans la précipitation et que son application est difficile ? Etant donné que l'Algérie était l'un des derniers pays à signer un accord d'association avec l'Union européenne, je ne suis pas convaincu que cet accord ait été signé dans la précipitation. Nous n'avons pas rencontré de problèmes particuliers d'application. La possibilité d'une révision est prévue dans l'accord lui-même et le commissaire, Peter Mandelson, s'est déclaré prêt à avancer la date prévue pour cette révision. Jusqu'ici, nous n'avons pas reçu de demande formelle de la part des autorités algériennes en ce sens, ni une liste de produits qui devraient faire l'objet d'une révision. L'Algérie a demandé à l'UE de l'aider dans sa démarche d'adhésion à l'OMC face aux blocages qu'elle rencontre de la part notamment des Américains, liés au fait que l'accord d'association avec l'UE accorde des avantages à la partie européenne et dont voudraient bénéficier au même titre les autres membres de cette organisation. Il y a comme une guerre d'influence qui ne dit pas son nom. Qu'en pensez-vous et comment l'UE compte aider l'Algérie à régler ce problème ? Comme l'Algérie, l'Union européenne est soucieuse de maintenir le caractère préférentiel du régime commercial défini par l'accord d'association. L'Algérie est dans une période de transition. Elle a entamé des réformes économiques profondes, cependant, cette transition se fait dans la douleur : compressions d'effectifs du fait des privatisations tous azimuts. En face, l'UE reste pratiquement indifférente et réticente devant les besoins de l'Algérie en IDE hors hydrocarbures. N'y a-t-il pas là une dichotomie dans le discours des Européens qui prônent un partenariat actif mais qui ne le concrétisent pas sur le terrain ? Que compte faire l’UE pour une plus grande coopération avec l’Algérie ? L'ampleur du programme de coopération avec l'Algérie est la preuve que l'Union européenne ne reste pas indifférente aux difficultés que rencontre l'Algérie dans son processus de transition économique. Les projets de coopération visant à faciliter les réformes économiques en Algérie peuvent préparer celles-ci mais ne peuvent pas les remplacer. La coopération poursuit donc quelques grands objectifs : appui aux réformes économiques et au renforcement des institutions de l'économie de marché dans la perspective d'un développement durable, réalisation des infrastructures économiques et des ressources humaines. Enfin la consolidation de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance. Actuellement, le portefeuille de la coopération avec l'Algérie compte quelque 450 millions d’euros de projets en cours sur une période de cinq ans. A divers stades de mise en œuvre, cela représente environ 50 millions d’euros. Parmi les principaux programmes en cours ou en voie de lancement, la modernisation et l'assistance aux réformes administratives qui représentent un budget de 25 millions d'euros : moderniser l’administration et les instruments d’application de la législation liés à l’activité économique et commerciale. Le management de l'économie bénéficie d’une enveloppe financière de 20 millions d’euros. Il a pour objectif de renforcer le poids de l'information économique dans le processus de décision en matière de définition des politiques macroéconomiques, sectorielles et régionales. Il contribuera ainsi à renforcer le processus de décision et facilitera la mise en œuvre des réformes structurelles dans le contexte notamment du futur accord d'association, tout en permettant de prendre en considération les aspects conjoncturels. Le volet qu’on appelle facilitation du commerce est évalué à 5 millions d’euros. Ce programme vient renforcer les capacités des structures du ministère du Commerce dans leur adaptation au processus de libéralisation économique et des échanges commerciaux dans lequel s'est engagé le gouvernement algérien. Il est en cours de démarrage. L’accompagnement de l'accord d'association (P3A) d'un montant de 10 millions d’euros s'inscrit dans la continuité du programme de modernisation administrative et vise plus particulièrement à apporter des expertises et moyens connexes. Il va aider à rapprocher le cadre législatif et réglementaire algérien avec celui de l'UE et renforcer le cadre institutionnel pour l'application effective de cette législation. Cela dans le but d'appuyer la mise en œuvre de l'ensemble de l'accord d'association et surtout pour permettre la mise en œuvre des accords de libre-échange régionaux avec d'autres pays méditerranéens. Mme Benita Ferrero Waldner, commissaire aux Relations extérieures et à la Politique européenne de voisinage, qualifie la PEV de politique sur mesure. Des voix critiquent son incohérence du fait de son caractère bilatéral alors qu'elle est censée avoir un cachet collégial avec une vision d'ensemble. Comment expliquez-vous le flou qui entoure cette politique ? |
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