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Ferhat Abbas, une vie au service de la nation algérienne

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admin"SNP1975"

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Il a été le premier président du GPRA en 1958 : Ferhat Abbas, une vie au service de la nation algérienne




Le cinquantième anniversaire de la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), avec la nomination de Ferhat Abbas à sa présidence le 19 septembre 1958, rappelle à nous la grandeur de l’homme, ce qu’il représentait pour son peuple et ce qu’il a donné de lui-même pour que les Algériens puissent vivre libres dans leur propre pays.



Mais cet anniversaire nous rappelle aussi (et malheureusement) des propos qu’on lui a attribués sur la nation algérienne, selon lesquels cette dernière n’existerait pas, qu’il l’aurait cherchée jusque dans les cimetières sans jamais la trouver, véhiculés de 1936 à ce jour et qui entachent son honneur jusque dans la tombe. Ferhat Abbas les récusa dès 1962 dans son livre La nuit coloniale, puis vers la fin de sa vie dans L’indépendance confisquée (1984) accusant ses détracteurs d’avoir déformé ce qu’il a écrit dans l’un de ses articles, en vain. Car ses détracteurs non seulement ont fait la sourde oreille, mais ont redoublé de férocité, puisque voilà les propos attribués à l’homme politique algérien objet d’études jusque dans les universités.
Cet article aurait été écrit selon les historiens en 1936 dans l’hebdomadaire L’Entente, où Ferhat Abbas fut la plume de prestige et est cité régulièrement par les historiens dans leurs ouvrages, qui en rapportent quelques phrases, ponctuées de points de suspension, comme preuve immuable que Ferhat Abbas aurait écrit que « la nation algérienne n’existe pas », ou « que la patrie algérienne n’existe pas », en d’autres termes que Ferhat Abbas n’était pas nationaliste. Ces phrases hachées de points de suspension ont été reconnues par les historiens français Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis et aujourd’hui par Julien Fromage, comme sorties de leur contexte et déformées par rapport aux points de ponctuation. Ce qui n’a pas empêché les historiens de continuer à les véhiculer. Le cinquantième anniversaire de la nomination de Ferhat Abbas en tant que premier président du GPRA est l’opportunité à saisir pour mettre les historiens face à leurs contradictions et d’émettre des réserves que Ferhat Abbas ait écrit en 1936 que la nation algérienne n’existe pas ou que la patrie algérienne n’existe pas ou quoi que ce soit en ce sens.
Les contradictions des historiens
Dans Ferhat Abbas une utopie algérienne, paru en 1995 aux éditions Garnier (réédité en Algérie), l’historien français Benjamin Stora écrit : « Les historiens Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis signalent que cet éditorial fameux de L’Entente est également paru dans le journal La Défense du 28 février 1936. Ils ont mis en évidence la forme suivante de cette phrase : « Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en caractères gras dans le texte de La Défense) parce que cette patrie n’existe pas ? » Pour ces chercheurs, les caractères gras de « patrie algérienne » et surtout la ponctuation terminant la phrase en point d’interrogation, « changent du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée comme une assertion définitive ». « Mais, précise Benjamin Stora, à l’époque, les formations politiques musulmanes ne s’attardent pas sur de telles nuances » De notre propre lecture de l’ouvrage de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis L’Emir Khaled premier Zaïm (L’Harmattan 1987), il est important de préciser que les propos rapportés par Benjamin Stora ne sont pas tout à fait conformes à ceux des historiens cités. En effet, ces deniers écrivent : « Ferhat Abbas publie dans La Défense (en bas de page La Défense du 28 février 1936) son article, depuis, célèbre, « La France c’est moi ! » « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne (en gras dans le texte) parce que cette patrie n’existe pas ? »
Parfois pressés, les historiens n’ont guère relevé ni les caractères gras de « patrie algérienne » ni surtout, la ponctuation terminant la phrase - un point d’interrogation - alors qu’elle change du tout au tout le sens d’une formule qui fut à l’envi présentée, comme assertion affirmative. (p 6-7) Il est clair que selon les propos de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, Ferhat Abbas a publié son article sur la nation algérienne dans le journal La Défense du 28 février 1936 et non dans L’Entente. Nous précisons aux lecteurs qu’il est ici question du journal La Défense dirigé par Lamine Lamoudi, journal proche des oulémas. Une question découle de source : l’article originel attribué à Ferhat Abbas a-t-il été publié dans le journal L’Entente comme l’affirme Benjamin Stora ou dans La Défense, comme l’affirment Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis ? Lors de notre prospection, nous avons constaté que seul Amar Naroun rapporte l’article attribué à Ferhat Abbas dans son intégralité (sauf erreur de notre part), et cela dans la biographie Ferhat Abbas ou les chemins de la souveraineté (Denoël 1961. p 162-166). Amar Naroun (1906-1988), homme politique, journaliste et écrivain, a été député de Constantine du 13 juillet 1952 au 1er décembre 1955 en tant que républicain indépendant. On le dit adversaire de Ferhat Abbas aux élections. L’article attribué à Ferhat Abbas et qu’il rapporte dans son ouvrage est dactylographié, il a été selon lui publié dans L’Entente, et Amar Naroun en apporte la preuve, un bout de la photocopie de l’article tel que publié à la une de ce journal.
Et il donne la date de publication, qui est celle du 27 février 1936. Sur cette photocopie apparaît clairement le titre du journal, mais pas la date d’édition. Or, dans L’Entente la date de jour se trouve juste au-dessus du titre. Qu’est-ce qui a empêché Amar Naroun, qui dit vouloir rendre service à l’histoire, de faire une photocopie en bonne et due forme ? Et pourquoi Amar Naroun n’ a-t-il pas rapporté la photocopie complète de l’article en question ? Cet article est daté en sa fin « Sétif le 23 février 1936 ». Mais en introduction au sujet, Amar Naroun donne la date du 27 février 1936. Nous avons consulté minutieusement l’hebdomadaire L’Entente, et nous avons constaté que Ferhat Abbas ne donne jamais un lieu et une date à ses articles (sauf erreur de notre part) et pourquoi le ferait-il, puisque le journal est daté de son édition du jour ? L’homme politique algérien signe ses articles F. Abbas ou Ferhat Abbas.
Par ailleurs, pourquoi Amar Naroun ne rapporte qu’une partie du titre, alors que sur la photocopie il semble bien qu’il y ait un titre et un sous-titre ? Nous ne demandons qu’à croire Amar Naroun. Mais les points signalés ci-dessus, nous donnent le droit d’émettre certaines réserves, vis-à-vis de cet article, car une personne qui dit en introduction de son ouvrage être d’une rigoureuse objectivité, il nous semble qu’il a davantage brouillé les cartes. Quant à Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, qui auraient pu résoudre le problème, ils n’ont fait que l’aggraver, du fait qu’ils disent que c’est dans le journal La Défense, que Ferhat Abbas a publié son article et selon eux le 28 février 1936. Par ailleurs, la phrase : « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne, parce que cette patrie n’existe pas ? » sur laquelle s’appuie leur démonstration, n’existe pas dans l’article rapporté dans son intégralité par Amar Naroun ni parmi les phrases rapportées par Benjamin Stora dans Ferhat Abbas une utopie algérienne.
De ce fait, cette question de points de ponctuation soulevée par Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis n’est pas en soi un problème. Ce qui pose problème, c’est le journal où cet article aurait été publié, La Défense ou L’Entente, ansi que sa date d’édition sur laquelle les historiens ne sont pas d’accord comme nous le verrons dans ce qui suit. Le lot de phrases de cet article en question rapportées par Benjamin Stora dans son ouvrage Ferhat Abbas une utopie algérienne (p73-74) sont celles qui nous ont le plus interpellés. D’une part, parce que cet historien spécialiste de l’Algérie contemporaine est très lu et apprécié des Algériens, d’autre part parce que son ouvrage Ferhat Abbas une utopie algérienne est une biographie de Ferhat Abbas, écrite d’ailleurs à deux mains, puisque Zakya Daoud, spécialiste du Maroc, y apporte sa contribution. Nous savons ce qu’est une biographie du fait que nous en avons lu beaucoup. Une biographie se doit, du moins en principe, se rapprocher le plus possible de la vérité. Mais comment approcher cette vérité si l’article attribué à Ferhat Abbas n’est pas rapporté dans son intégralité et les phrases rapportées ponctuées de points de suspension ? Est-ce que les phrases rapportées par Benjamin Stora sont tirées de l’article originel ? Il donne à la page 73 le titre de l’article « La France, c’est moi » Mais il donne d’autres références dans la notice « Ferhat Abbas, éditorial de L’Entente franco musulmane, n0 24, 27 février 1936 » : « En marge du nationalisme, la France c’est moi » (p101). Constater que Benjamin Stora en tant qu’historien et biographe n’a pas rapporté l’article en question dans son intégralité est des plus décevants.
Si cet article devait figurer quelque part, c’est bien dans une biographie de Ferhat Abbas, puisque c’est cet article même qui a porté « préjudice à l’honneur de l’homme et Benjamin Stora le signale lui-même ». Pourquoi Benjamin Stora rapporte-t-il un texte ponctué de points de suspension qui empêchent la compréhension du texte dans son ensemble, alors que c’est bien la ponctuation qui est mise à l’index par Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis ? Benjamin Stora cite l’ouvrage d’Amar Naroun dans la notice de son livre (pour d’autres raisons que l’article de Ferhat Abbas). S’il cite cet ouvrage, c’est qu’il aiguille le lecteur vers Amar Naroun. Le biographe ne savait-il pas qu’en consultant l’ouvrage d’Amar Naroun, le lecteur y trouverait l’article dans son intégralité ? Il le savait forcément. Deux fois de suite (dans le texte et dans les notices), Benjamin Stora dit aux lecteurs qu’Amar Naroun est ami de Ferhat Abbas. Mais lorsqu’on veut servir l’histoire, doit-on servir l’amitié ? Et à ce niveau, nous rappelons les propos de Lucien de Samosate : « Il (l’historien) mettra l’intérêt de la vérité au-dessus de la haine et il ne pardonnera pas une faute même à l’amitié ». (Lucien de Samosate. XXI. Comment il faut écrire l’histoire. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Par ailleurs Benjamin Stora écrit : « Déclaration occultée dans sa totalité et dans son contexte » puis « Déclaration mal comprise qui poursuivra Ferhat Abbas toute sa vie et qui aujourd’hui encore, dans tous les écrits qui lui sont consacrés, lui colle à la mémoire ». (p 73) A partir de là, Benjamin Stora n’ignore pas ce que ces phrases tirées de leur contexte ont causé des dégâts à l’honneur de l’homme. Rapporter l’article de Ferhat Abbas dans son intégralité aurait permis aux lecteurs d’être éclairés, et d’être juges.
Mais Benjamin Stora ne l’a pas fait. Rapporter l’article dans son intégralité dans une biographie aurait levé une bonne fois pour toute tout malentendu, en faveur ou en défaveur de Ferhat Abbas (en faveur ou en défaveur de Amar Naroun), car ce qui compte, ce n’est pas de faire plaisir à l’homme, il n’est plus là. Ce qui compte, c’est la vérité. Car « la biographie pose la question de la vérité » ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Mais trop de citations dans l’ouvrage de Benjamin Stora relatives à Ferhat Abbas sont ponctuées de points de suspension et de surcroît ne comportent aucune référence. Mais fait étrange, une dizaine d’années plus tard, Benjamin Stora revient sur ses propos de la biographie. En effet, dans un article intitulé « Un pharmacien à Sétif » et publié dans l’édition du 7 juillet 2004 du quotidien français Le Monde, l’historien donne d’autres phrases de ce fameux article, attribuées à Ferhat Abbas et donne carrément une autre date.
Ce n’est plus le 27 février 1936, donné pourtant dans la biographie, mais désormais c’est L’Entente du 23 février 1936. Le contenu est différent et la phrase : « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas » qu’il rapporte en 2004 n’existe pas dans le lot de phrases rapportées dans la biographie. Nous constatons que Benjamin Stora ne tient pas compte du résultat de la recherche de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, pour lesquels « la patrie algérienne » a été écrite en majuscule, en gras et avec à sa fin un point d’interrogation. Si les historiens n’ont pas confiance eux-mêmes les uns aux autres, que devront faire les pauvres communs des mortels que nous sommes ? Charles-Robert Ageron est la référence en la matière en ce qui concerne l’histoire de l’Algérie. Dans son ouvrage L’Algérie de Napoléon III à de Gaulle (Sindbad 1980), l’historien écrit : « Abbas entendit donc se démarquer aux yeux des Français de ce pays de Métropole » et expliqua dans son célèbre article de L’Entente du 23 février 1936 : « La France c’est moi ! » « Nous, amis politiques du docteur Bendjelloul, nous serions des nationalistes.

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admin"SNP1975"

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L’accusation n’est pas nouvelle (...) Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste et je n’en rougirais pas comme d’un crime (...) Cette patrie n’existe pas, je ne l’ai pas découverte. On ne bâtit pas sur du vent. Nous avons donc écarté une fois pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l ’œuvre française dans ce pays (...) Personne d’ailleurs ne croit sérieusement à notre nationalisme. Ce que l’on veut combattre derrière ce mot, c’est notre émancipation économique et politique... Sans l’émancipation des indigènes, il n’y a pas d’Algérie française durable... Les intérêts de la France sont les nôtres dès l’instant où nos intérêts deviennent ceux de la France. » (p 436). A penser que l’article rapporté par Amar Naroun soit le bon article, nous pouvons constater que Charles-Robert Ageron commence son texte par une majuscule, alors que selon l’article de Amar Naroun le début de la phrase commence par : « Si les oulémas étaient des ‘’racistes’’, des ‘’pan-islamistes’’, nous, amis politiques du docteur Bendjelloul, nous serions des nationalistes... »
Par ailleurs « cette patrie n’existe pas, je ne l’ai pas découverte » rapportée par charles-robert Ageron n’existe pas dans l’article rapporté par Amar Naroun, comme signalé précédemment. Sans oublier que la suite accolée juste après cette phrase se trouve plus loin dans l’article incriminé. Robert Aron (1898-1975) écrivain et académicien français. Dans son livre Les origines de la guerre d’Algérie (Laffond.1962), s’exprimant au sujet de Ferhat Abbas, Robert Aron écrit : « Devenu pharmacien et établi à Sétif, Ferhat Abbas fonde en 1933 un journal, L’Entente. C’est dans ce journal qu’il écrit le 23 février 1936 les lignes célèbres qui serviront d’arguments aux adversaires du nationalisme. » (p 68). André Noushi dans son ouvrage La naissance du nationalisme algérien 1914-1954 (Les éditions de Minuit 1962) renvoie ses lecteurs à L’Entente du 23 février 1936 cité par Charles André Julien (p89). Mais sans donner le titre de l’ouvrage. Pierre Montagnon, dans son ouvrage La guerre d’Algérie (Pygmalion. 1984) va doubler la mise en rapportant deux fois de suite le lot de phrases en question sur la nation algérienne et en donnant deux dates différentes.
A la page 29, il parle de L’Entente du 23 février 1936 et à la page 87, il parle de L’Entente du 23 avril 1936. Et l’on a pu constater des différences notoires entre les phrases rapportées à la page 29 et celles de la page 87. Charles Henri Favrod La révolution algérienne (Plon 1959). Ouvrage réédité en Algérie et actuellement en devanture des librairies algériennes. Cet historien écrit en 1959 : « Ferhat Abbas a publié en 1931 ‘’Le Jeune Algérien’’, un recueil d’études où il définit sa position. Il se refuse à croire au nationalisme : « Ce que l’on veut combattre derrière ce mot, c’est notre émancipation économique et politique... Nous avons écarté une fois pour toutes les nuées et les chimères pour lier définitivement notre avenir à celui de l’œuvre française dans ce pays... Mais rattachement ne veut pas dire assimilation ». (Nous rappelons que ces phrases se trouvent dans l’article rapporté par Amar Naroun) Abbas est en effet soucieux de conserver à l’Algérie son caractère et ses traditions. » Et deux pages plus loin : « Et dit Abbas : « Comme tous les peuples asservis, le peuple d’Algérie prend conscience de sa personnalité et ne conçoit plus d’issue au problème de sa libération que dans le cadre naturel de la patrie algérienne. » Cette patrie dont en 1936, il pouvait encore dire : « J’ai interrogé l’histoire, j’ai interrogé les vivants et les morts, j’ai visité les cimetières, personne ne m’en a parlé... » (citation rapportée par l’historien sans références).
Annie Rey Goldzeiguer. Professeur honoraire à l’université de Reims. Dans son ouvrage Les origines de la guerre d’Algérie (La Découverte 2001) Réédité en Algérie par Casbah édition, l’historienne écrit au sujet de Ferhat Abbas : « Le docteur Bendjelloul prend sous son aile protectrice pour assurer sa carrière politique ; influencé par les idées socialistes, il écrit dans La Défense (organe officieux des réformistes, de 1934 à 1939). Puis il devient rédacteur en chef de L’Entente franco-musulmane, l’organe des élus musulmans, où le 28 février 1936, il publie un article choc intitulé « La France c’est moi », qui provoque des réactions contradictoires et violentes ». (p88-89) pour Annie Rey-Goldzeiguer, l’article incriminé est daté du 28 février 1936. Ici, elle rejoint Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, mais se sépare d’eux en ce qui concerne le journal où cet article aurait été publié. Pour l’historienne, il s’agit de L’Entente, alors que pour les deux historiens il s’agit de La Défense. Mais pourquoi l’historienne ne rapporte-t-elle pas l’article incriminé, et s’appuie-t-elle simplement sur les propos d’un homme politique en l’occurence Belaïd Abdeslem.
Mais l’historienne se ressaisit et s’aligne à temps sur certains de ses confrères, puisqu’en bas de page, elle donne la date du 23 février 1936. Jean Lacouture, connu pour son livre Cinq hommes et la France (1961), vient de publier son dernier livre L’Algérie algérienne (Gallimard. 2008) avec une préface de Jean Daniel. L’on aurait espéré ne point rencontrer en 2008 ces fameuses phrases sur la nation algérienne. Et bien elles y sont bel et bien à la page 93. Mais, prudent, Jean Lacouture parle en 2008 de L’Entente de 1936, sans donner le jour. Alors que Robert Aron, disant s’appuyer sur Jean Lacouture dans Cinq hommes et la France, parle de L’Entente du 23 février 1936. Il est important de souligner que cette phrase « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne, parce que cette patrie n’existe pas », cité par Benjamin Stora dans son article du Monde (mais pas dans la biographie), par Robert Aron et Pierre Montagnon, s’avère différente de celle citée par Charles-Robert Ageron qui écrit « Cette patrie n’existe pas, je ne l’ai pas découverte ».
Pour Jean Lacouture, en 1961, (cité par Robert Aron) « Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne, parce que cette patrie n’existe pas » et en 2008 rapporté par lui-même : « Je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas » (Et cependant ainsi que la ponctuation ont sauté). Dans l’article rapporté dans son intégralité par Amar Naroun, cette phrase sur la patrie algérienne n’existe pas. Voilà Amar Naroun bien seul face à une armada d’historiens. Quant à Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, le fait d’émettre des réserves par rapport aux phrases véhiculées, et qui seraient, selon eux, déformées, nous supposons qu’ils ont consulté l’article en question, dans ce cas, nous devrions leur faire confiance lorsqu’ils disent que l’article attribué à Ferhat Abbas a paru dans La Défense du 28 février 1936. Mais pourquoi ne l’ont-ils pas rapporté dans son intégralité, et n’ont-ils appuyé leur démonstration que sur une seule phrase ?

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admin"SNP1975"

admin
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Cette phrase sur la patrie algérienne, et sur laquelle tous les historiens se sont alignés, au point d’oublier celle de la nation, devient on ne peut mieux dire, intrigante. Mais il est vrai que le concept de nation n’est pas très éloigné de celui de patrie, et qu’il n’est plus de bon ton aujourd’hui de parler de nationalisme dans un monde en perpétuel mouvement d’ensemble. Quel est le bon journal où cet article a été publié ? Quelle est la bonne date ? Quelles sont les bonnes phrases de cet article en question ? Quel est donc le contenu exact de cet article qu’aucun historien ne veut nous donner, à part Amar Naroun, et ce dernier qui laisse peser la suspicion sur lui, puisqu’il est le seul à ne pas rapporter cette phrase sur la patrie algérienne, lâché en 2004 par Benjamin Stora. En ce qui nous concerne, nous avons étudié le journal L’Entente, collection papier et microfilmée, à la Bibliothèque Nationale de France et à celle d’Alger, et nous avons eu la désagréable surprise de constater que l’année 1936 est amputée de tous ses numéros, à l’exception de celui du 19 janvier. Comme nous venons de le voir, le 23 février 1936 fait l’unanimité (corpus et ouvrages consultés), mais après prospection, nous avons constaté à notre grande stupéfaction que le 23 février 1936 est un dimanche, jour de repos hebdomadaire. L’Entente hebdomadaire paraissait le jeudi. Ferhat Abbas ne pouvait donc avoir écrit quoi que ce soit dans L’Entente un 23 février 1936.
Le doute est permis
Le fait que les historiens ne rapportent pas l’article attribué à Ferhat Abbas dans son intégralité, mais des phrases ponctuées de points de suspension. Le fait que les phrases rapportées soient différentes d’un historien à l’autre. Le fait que les historiens ne soient pas d’accord entre eux sur la date de l’article de L’Entente incriminé. Le fait que des historiens changent d’avis d’une année à l’autre au sujet de la date de cet article en question. Le fait que Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis parlent de l’article publié par Ferhat Abbas dans La Défense du 28 février 1936, et non dans L’Entente, et que pour Charles-Henri Favrod, c’est en 1931 dans Le Jeune Algérien que Ferhat Abbas s’est exprimé sur la nation algérienne. Le fait que Benjamin Stora ne rapporte pas dans la biographie parue en 1995, la phrase « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette dernière n’existe pas » et qu’il la rapporte quelque dix ans plus tard dans son article du Monde en 2004 mais sans tenir compte du résultat de la recherche de ses confrères Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, nous empêchent de donner crédit aux propos de ces historiens.
En ne rapportant pas l’article attribué à Ferhat Abbas dans son intégralité, et en faisant référence à quatre dates de L’Entente. En parlant de l’article de Ferhat Abbas publié dans L’Entente du 23 février 1936, alors que ce jour est un dimanche, jour de repos hebdomadaire, L’Entente paraissant le jeudi. En parlant de Ferhat Abbas publiant son article dans La Défense le 28 février 1936 pour Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, et de propos exprimés plutôt dans Le Jeune Algérien pour Charles-Henri Favrod, ces historiens confirmeraient-ils que le numéro incriminé de L’Entente « n’existe pas » ? En rapportant l’article dans son intégralité, mais dactylographié et non pas l’original, en donnant la date du 27 février 1936, alors que le document est signé du 23 février 1936, et que la photocopie de L’Entente produite comme preuve est amputée de la date d’édition, et du contenu de l’article, Amar Naroun, aurait-il servi l’histoire, comme il le dit, ou l’aurait-il au contraire desservie ? Tous ces points cités nous permettent d’émettre des réserves que Ferhat Abbas ait écrit en 1936 que la nation algérienne n’existe pas, ou que la patrie algérienne n’existe pas.
Voilà en effet une sommité d’historiens qui affirment que ces phrases ont été sorties de leur contexte et même déformées, et qui pourtant continuent d’être véhiculées par les historiens eux-mêmes c’est, on ne peut mieux dire, étrange. Surtout lorsque nous savons ce qu’une phrase ou des phrases sorties de leur contexte peuvent causer des dégâts. Pour seul exemple, un fait récent. Les propos de Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle 2007, demandant aux professeurs de travailler plus sont largement diffusés sur le net. Inquiétude, colère et polémique. A quelques jours de la primaire au PS, les couteaux sont tirés. Réaction de Julien Drey, porte-parole du PS, soutien de Ségolène Royal à la question du journaliste du Parisien : - Est-ce une méthode malhonnête, comme le dit Ségolène Royal ? Réponse de Julien Drey : Oui, c’est malhonnête de sortir une phrase de son contexte sans offrir la possibilité d’expliquer sa démarche. Cela peut donner lieu à toutes les manipulations et interprétations (Le Parisien du 12 / 11 / 2006)
La vérité de Julien Fromage
Les propos de Julien Fromage tenus en juin 2006, au sujet de l’article incriminé, nous réconcilient avec l’histoire et nous nous disons que tout est encore possible, puisqu’il est des jeunes chercheurs qui peuvent venir à contre-courant des idées reçues. Pour la compréhension du sujet, nous rapportons les propos de Julien Fromage dans leur intégralité et pour leur nouveauté. Julien Fromage écrit en 2006 : « En février 1936, la figure d’Abbas n’est en rien comparable à celle de Bendjelloul. Il fait partie des cadres du mouvement. Son article « La France c’est moi » a pourtant justifié la classification officielle des élus comme « francisés » et, in fine, comme antinationalistes, par opposition à la réponse célèbre du cheikh Ben Badis dans La Défense en avril.
Tout d’abord, comme l’ont fait remarquer Ahmed Koulakssis et Gilbert Meynier, la phrase qui a fait couler beaucoup d’encre : « Et cependant, je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas ? », est interrogative. D’autre part, sans entrer dans le vaste débat sur le nationalisme en creux, avéré ou non des élus, le travail de l’historien face à des enjeux de mémoire bien compréhensibles est, en première intention, d’éviter l’« essentialisation » des points de vue et des concepts, de replacer les mots et les faits dans leur contexte. Or, celui de la publication de cet article semble avoir été singulièrement négligé. Le 6 février le docteur Bendjelloul publie dans L’Entente un article intitulé « L’Algérie à feu et à sang ».
Il y attaque la gestion tyrannique de l’administration et traite le gouverneur général de « dictateur sanguinaire ». Le 21 février, Le Temps, vraisemblablement sur demande des Affaires indigènes, publie un article intitulé « L’agression » à la veille de l’ouverture de la session du Haut Comité méditerranéen. Il accuse les Algériens de ne pas payer l’impôt et traite les élus de nationalistes et les oulémas de panislamistes et de racistes. (A ce niveau, Julien Fromage écrit en bas de page « Le Temps cite à l’appui de ses thèses l’article de Bendjelloun ainsi qu’une conférence d’El Okbi et Ben Badis au cercle du Progrès d’Alger). Les élus, indignés, interviennent à Paris auprès de Maurice Viollette, par l’intermédiaire de Amar Naroun, pour qu’il fasse pression sur l’auteur de l’article, Paulaine, et qu’un correctif soit publié. Le 27 février, Abbas, impatient, publie un article « La France c’est moi », dans lequel il prend la défense des oulémas, pour leur action éducative et religieuse, là où la France dédaigne ses devoirs à l’égard des Algériens.
Son article est une menace à l’Etat colonial, le « moi » du titre n’est pas Abbas mais bien l’Algérien colonisé, la force du nombre. Cet article ne suscite pas de réaction des oulémas. (Julien Fromage précise en notes que dans ce même numéro, L’Entente reproduit l’article du Temps sous le titre « L’agression : la riposte » ). Les élus partent en délégation à Paris et le 18 mars le Dr Bendjelloul donne une interview au journal Paris-Midi, indiquant qu’il n’y a pas de mystique du projet Viollette, qu’un autre projet pourrait être acceptable car la représentation parlementaire seule compte. Ce discours est destiné aux Français de Métropole et aux parlementaires en premier lieu. Les oulémas s’en offusquent et saisissent l’occasion de disputer le leadership, d’autant que leur projet d’union des forces politiques algériennes est resté jusque-là lettre morte chez les fédérés. Le 20 mars, Lamine Lamoudi écrit dans La Défense « La France ce n’est pas toi », s’en prenant nommément à Abbas et à travers lui aux élus. Enfin, début avril, le cheikh Ben Badis monte au créneau. L’affaire pour être comprise gagne donc à être replacée dans son contexte. Les oulémas par leur prise de position hostile obtiennent le ralliement des élus au congrès. Ces brouilles entre les deux groupes sont fréquentes sans que se démente pour autant leur profonde solidarité. Julien Fromage précise que « Le débat essentialiste sur la terminologie employée n’éclaire pas ici la controverse d’ailleurs douteuse sur les ‘‘origines’’ du nationalisme ». La classification rigide, a posteriori, des groupes politiques semble peu en adéquation avec les faits historiques. Le 11 juin 1936, le cheikh Ben Badis déclare dans L’Entente que la Fédération des élus des musulmans du département de Constantine « a appris aux Algériens à se servir du bulletin de vote et à penser politiquement ». (Julien Fromage. La fédération des élus musulmans du département de Constantine. A l’Est se lève la notabilité ( 1930-1943) ? Colloque pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l’histoire franco-algérienne. 20-22 juin 2006. Lyon ENS LSH. 2007. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] loh.fr
Que dire après tout cela ?
On a envie de dire « merci Julien Fromage », non pas tant pour la vérité, mais pour la nouveauté. En fait de vérité, si celle-là est la bonne, nous sommes preneurs, d’autant plus que Julien Fromage ne mentionne nulle part dans cet article que Ferhat Abbas aurait écrit que la nation algérienne n’existe pas. Il est vrai que la notion de patrie n’est pas très éloignée de celle de nation. Mais fait étrange, Julien Fromage ne relève pas les propos de Gilbert Meynier et de Ahmed Koulakssis selon lesquels Ferhat Abbas a publié son article sur la nation algérienne dans La Défense du 28 février 1936. Mais comment le pouvait-il puisque pour lui cet article a été publié dans L’Entente le 27 février 1936 ? Au point où en sont les choses, les historiens n’aidant en rien puisque aucun d’eux n’a rapporté l’article dans son intégralité (sauf erreur de notre part), des questions s’imposent :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Ferhat Abbas a-t-il oui ou non publié un article sur la nation algérienne en 1936 ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] L’a-t-il fait dans le journal L’Entente ou dans La Défense ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] La Défense a-t-elle oui ou non déformé l’article de Ferhat Abbas le 28 février 1936 ? Pour Julien Fromage, Lamine Lamoudi, directeur de La Défense, a répondu à Ferhat Abbas le 20 mars 1936 par un article intitulé « La France ce n’est pas toi », soit près d’un mois plus tard. Ferhat Abbas, dans Le Jeune Algérien, édition de 1981, rend hommage aux intellectuels algériens qui dédièrent leur vie à leur peuple, au moment où peu d’entre eux pouvaient élever leur voix, laissant leurs noms à la postérité, parmi ces noms figure celui de Lamine Lamoudi. En rendant hommage à l’homme, Ferhat Abbas fait de Lamine Lamoudi un homme au-dessus de tout soupçon. Quant à la phrase « Et cependant je ne mourrai pas pour la patrie algérienne parce que cette patrie n’existe pas ? » phrase qui aurait été écrite en gras et avec un point d’interrogation par Ferhat Abbas, selon Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis, et à laquelle adhère Julien Fromage, elle continue d’être rapportée par les historiens sans point d’interrogation.
Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis en résumant l’article incriminé à cette seule phrase sur la patrie algérienne, entendent-ils par là que Ferhat Abbas n’a pas écrit que la nation algérienne n’existe pas ? Julien Fromage, en adhérant aux propos de Gilbert Meynier et Ahmed Koulakssis ne rapporte ni la phrase sur la patrie algérienne ni celle sur la nation algérienne. En rapportant le lot de phrases suivantes : « Les hommes morts pour l’idéal national sont journellement honorés et respectés (...) J’ai interrogé les morts et les vivants... j’ai visité les cimetières » L’Entente 27 février 1936 » Julien Fromage confirmerait-il que Ferhat Abbas n’a jamais écrit que la nation algérienne n’existe pas ou que la patrie algérienne n’existe pas ? Dans cette affaire, Amar Naroun devient l’homme-clé. Mais ne l’était-il pas dès le départ de cette réflexion puisqu’il est le seul (sauf erreur de notre part) à rapporter l’article dans son intégralité, mais dactylographié et non l’original. Amar Naroun au cœur de la question, au moment même des événements, puisque, selon Julien Fromage, c’est lui qui a été chargé de porter plainte au nom des élus auprès de Maurice Viollette, au sujet de l’article du Temps. Dans ce cas, pourquoi Ferhat Abbas a-t-il répondu au journal Le Temps sans attendre la réponse parisienne d’Amar Naroun ? Ferhat Abbas a été remplacé à la tête du GPRA en août 1961, nous nous hasardons à cette question : est-ce que l’article rapporté l’été 1961 par Amar Naroun dans son livre Ferhat Abbas ou les chemins de la souveraineté aurait porté préjudice au premier président du GPRA ?
L’auteure est Docteur en communication


Par [url=mailto://]Leïla Benammar Benmansour[/url]

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