Pour te faire encore plaisir , voici un vibrant hommage rendu par MAG3, qui vient de temps en temps ècrire sur ce forum.
Mag 3 a cotoyé Cherif, quand j'ai posé la question pourquoi MAG3, ce dernier m'a rèpondu tout simplement MAGHREB 3, ALGERIE MAROC TUNISIE.
Je rappelle que MAG 3 natif de Bechar a connu l'exil aussi.Mais cela est une autre histoire , je vous laisse lire son hommage à ce grand Cherif dont la rèputation reste encore grande ...même à Alger où un blog lui est consacré animé par un certain Rabah:
Bonjour,
Le 20 octobre de l’année 2004, il nous quitta. Il fut encore jeune et plein de talent. Il alla rencontrer notre créateur. Je suis certain que la presse marocaine l’a oublié. Celle de Basri l’ignorait, le craignait, l’occultait parce qu’il lui faisait peur. Pourtant ce ne fut qu’un simple artiste, un simple guitariste, le premier à introduire la mandoline dans la musique Marocaine. Il s’agit de Cherif de Lemchahab. Ce fut un homme engagé et qui marquera à jamais ceux qui l’ont connu.
J’ai vu Chérif grandir et je me permets de vous livrer un témoignage en sa mémoire pour prier en son âme ainsi que pour tous ceux qui nous ont quitté.
Il s’appelait Moulay Chérif LAMRANI. Il méritait son nom de Chérif parce que depuis son enfance parmi les jeunes , ce nom lui avait porté bonheur, il détermina ainsi son caractère, sa spécificité et le chemin qu’il allait prendre dans sa vie. Chérif, n’est pas un simple agrégat de lettres, c’est une affirmation de ce qu’espéraient Zahra et M’barek pour fixer d’où venait Chérif et nouer des relations profondes avec le passé des Chorfas du Tafilalet.
Chérif du groupe Lemchaheb fut le fruit d’un mélange du Maghreb Arabe. Sa mère Zahra d’origine algérienne pour laquelle il avait chanté tout petit mais aussi en souvenir d’une autre Zohra…
Zohra ! Occupe mes tolérances
Tu es ma joie et mes souffrances
Tu es ma vie, tu es mon bonheur
Tu es la fille qui occupe mon cœur….
Et d’un père aussi grand artiste, Moulay M’Barek El Boudnibi. Cet homme a longtemps vécu à Oran durant les moments difficiles de la colonisation française. Il fut chassé par les autorités de l’Oranais, pour son engagement pour la libération du Maghreb. Il fut chanteur à la radio locale d’Oran et fut connu sous son vrai nom. Il reçut plein de menaces lorsqu’en 1959, il composa la chanson qu’à déformé Khaled en Rouhi Ya Wahran Rouhi Baslama.
Voici les véritables paroles écrites par un Marocain pur souche, le père de Chérif Lemchaheb en 1959. Khaled n’était pas encore né.
Lillah Ya Franess Amli Lamzya
Blad Dzair Mahyachi Lik
Wal Wakt Rah Nada Kal Al Hourya
Kabli Bladek Bezzaf Aleik....
Après cela, M’Barek fut chassé d’Algérie et rejoint son cousin Mohamed Ben Mehdi, de Boudenib aussi. Son cousin fut mécanicien dans la mine de Zellidja-Boubeker avant de devenir chauffeur. Sidi Boubeker est un village distant d’une quarantaine de kilomètre d’Oujda. Chérif n’a que neuf ans à peine.
Les deux cousins, formèrent un duo pour égayer les soirées .
Ils furent rejoint par un excellent « rythmiste » (le mot n’existe pas mais je signifie percussioniste…je préfère rythmiste), Mohammed El Hasnaoui touchait à tout ce qui est fait en peau.
En 1962, le quartet qui bouleversa l’oriental fut composé des deux cousins Lamrani, de El Hassnaoui et de Benyounes Bouchenak communément appelé FANDI. Le père des frères Bouchenak
C’est dans cette ambiance que Chérif grandit. Une maman, excellente couturière et cuisinière, un papa qui tentait de faire vivre sa famille en exerçant le métier d’horloger et de musicien à ses heures. Mais cette famille fut embarrassée par la crainte qui résulte de l’accident survenu à l’âge de huit ans à Chérif. Il se cassa le tibia. Cela fut considéré comme une infortune. Effectivement, Chérif traîna cet handicap durant le restant de ses jours.
Chérif se toisa à la mandoline de son père à l’âge de dix ans exactement. Avec quelques Boubekris, ils formèrent un petit groupe de Yéyé : « The Beavers ».
Leur première chanson, nostalgique démontrait d’une capacité étonnante de ces jeunes villageois enfouis entre la frontière algéro-marocaine.
Au crépuscule
Au bord de l’eau
La-bas au loin
Un chant d’oiseau
Évoque en moi
Des souvenirs
D’un passé
Assez lointain
……….
Te souviens-tu ?
Toi la mer ?
De tes massacres
De tes colères
De ces navires
Coulé en ton bassin…
Chérif alla rendre visite à ses oncles maternels et rapporta d’Oran en 1961, sa première guitare électrique de couleur bleue. Ce fut la découverte d’une merveille pour les enfants de l’époque du Twist. Chérif et ses amis Boubekris imitèrent les Beatles, Enrico Macias et d’autres artistes de l’époque. Adolescent, il fréquenta le lycée Omar Ibn Abdelaziz d’Oujda. Il quitta le Maroc orientale pour travailler Chez Carnot à Casablanca.
Un jour, il surprit tout le monde avec un citare qu’il dénicha on ne sait d’où.…
La rencontre avec Bakhti résidant aux Roches Noires à Casablanca allait être déterminante. Ils eurent l’idée de composer un groupe Lemchaheb. Il fallait des éléments sûrs et valables. Surtout qui ne reculent devant rien et qu’on ne peut en aucun acheter. La rigueur Sahraoui-algéro-marocaine de Chérif est déterminante. Batma junior et Khadija, plus tard devenue son épouse furent les premiers à être conviés. Ironie du sort, un quartet comme son père avec son premier groupe à Sidi-Boubeker fut arrondi avec l’arrivée de Chadili. Hamada viendra plus tard remplacé madame Batma.
La mère de Chérif, Zahra l’Oranaise s’occupa de la couture des habits de scène comme l’avait imaginé son fils.
Lemchaheb est un terme filali qui signifie les étoiles filantes mais aussi très chaudes. Décidément, le nom valait la teneur des chansons du groupe. Ils marquèrent d’un sceau chauffé à blanc la génération des années 70. Leurs chansons ouvertement engagées venaient tracer des lumières blanches dans le ciel ténébreux du Maroc. Lemchaheb filaient dans les cieux et subjuguaient avec leur rythme, leur verbe et leur engagement. Ils écrivirent comme parle le peuple. La recherche du vocabulaire n’est jamais allé jusqu’à leur faire utiliser un jargon obscure. L’emphase des mots, la trop grande recherche dans le choix des termes furent jugés mauvais goût. L’expression la plus simple et la plus naturelle fut souvent celle qui rendait mieux leur pensée. Chérif avait dit une fois : «…il faut songer toujours pour quel public on écrit ou dans quel genre on écrit…. » avec l’accent typiquement Filali emprunté à son père il martela ses mots « …chaque sujet a sa clarté propre…Afham Yaman Tafham… »
Mais ils dérangèrent et reçurent des remontrances, des avertissements, ensuite des menaces. Ce fut du sérieux avec Ahaydouh…Ahaydouh… qui sous l’emprise de l’atténuation prit comme euphémisme Ahaydouss…Ahaydouss…L’étoile filante doit filer, elle file du mauvais coton… !
Chérif sut qu’il était difficile d’évoluer comme il le voulait dans un Maroc où la liberté d’expression faisait défaut. Il quitta son pays pour s’installer en France chez son cousin dans la région parisienne. Son cousin avait un studio d’enregistrement et lui présenta les Dissidentens, le célèbre groupe allemand de Nina Hagen. Ensemble, ils composèrent des morceaux de musique qui propulsèrent aussi bien la musique marocaine que les Dissidenten parmi les stars de ce monde.
Il quitta la France pour la Tunisie pour enfin revenir au Maroc.
Le roi Mohammed VI fit un geste louable et l’envoya en France pour se faire soigner. Le voyage fut prévu avec le célèbre écrivain du « pain nu » Mohammed Choukri, mais hélas la destinée avait choisi un jour avant l’embarquement pour nous prendre un grand penseur.
De jeunes RME avaient eu vent de l’hospitalisation de Chérif à Paris et ont pris en charge sa dernière visite dans leur ville ROUEN. Dieu les récompensera pour ce dernier adieu. La maladie l’emporta à l’âge de 55 ans, le 20 octobre, il y a une année jour pour jour.
Allah Yarham Jamii Al Mouslimin Amin
Mag3