Le président Bouteflika récuse un modèle "unique" de démocratie
Cinq cents voix ont dit oui (...) !, vingt et un non et huit abstentions. C'est par un score de parti unique que la révision constitutionnelle permettant au président algérien, Abdelaziz Bouteflika, 71 ans, de briguer un nouveau mandat a été adoptée, mercredi 12 novembre, par les deux chambres réunies du Parlement algérien, sans débat préalable et à main levée.
Une formalité expédiée en deux heures. Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a présenté les amendements en les justifiant par le droit de l'Algérie "de renforcer sa stabilité".
Les trois partis de l'alliance présidentielle - Front de libération nationale (FLN), Rassemblement national démocratique (RND) et Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamique) -, ainsi que des petits partis, dont le Parti des travailleurs (PT, trotskiste, 26 députés), ont voté les amendements.
Seuls les élus du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) ont dérogé à cet unanimisme et voté contre, avant de quitter la salle. Un peu plus tôt, le docteur Saïd Saadi avait dénoncé ce qu'il a appelé un "nouveau coup d'Etat".
Ces rares opposants au Parlement n'ont donc pas entendu le message du président Bouteflika, lu immédiatement après le vote, saluant un "jour mémorable" et faisant l'éloge de la "clairvoyance" et du "sens de la responsabilité des représentants du peuple". Le chef de l'Etat a défendu un droit à une application spécifique de la démocratie en Algérie. Tout en faisant part de sa foi "immuable" en la démocratie,
Abdelaziz Bouteflika considère qu'elle ne saurait "constituer un modèle universel unique pour toutes les nations, un modèle à observer et à appliquer systématiquement en tout lieu et en tout temps".
"VIE POLITIQUE ILLUSOIRE"
Si le pouvoir algérien rejette l'idée d'un modèle universel, il n'en rejoint pas moins, selon ses détracteurs, un modèle arabe de gouvernance. La limitation du nombre de mandats présidentiels fixée par l'article 74 de la Constitution est désormais levée et elle ouvre la voie à la présidence à vie.
M. Bouteflika, qui termine son second mandat, sera donc candidat à l'élection présidentielle au printemps 2009. Plusieurs autres amendements renforcent son pouvoir, déjà exorbitant aux yeux des opposants, et affaiblissent automatiquement ceux de l'Assemblée nationale.
La fonction de chef du gouvernement responsable devant l'Assemblée disparaît au profit d'un premier ministre. C'était déjà le cas dans les faits.
Le président Bouteflika n'a jamais accepté que la Constitution algérienne puisse, comme en France, ouvrir la possibilité (même théorique) qu'un chef de gouvernement issu d'une majorité parlementaire puisse appliquer un autre programme que le sien.
Le nouveau premier ministre pourrait être assisté d'un ou de plusieurs vice-premiers ministres.
Les autres amendements - emblème national, hymne, écriture de l'Histoire et promotion des droits politiques de la femme - ne peuvent masquer l'objet principal de la révision accomplie en cette journée "mémorable" : la reconduction de M. Bouteflika à la tête de l'Etat.
La révision consacre le "césarisme présidentiel" et rend "illusoire une vie politique algérienne bâtie sur de vrais contre-pouvoirs", ironisent amèrement
Quelques observateurs avertis : "Ces députés, quel courage !!?".
Vive la nouvelle "monarchie" de Yaz