Par Ammar KOROGHLI *
« On s’obstine à relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et discréditées » (Lacheraf)
« On s’obstine à relancer sur le marché politique les vieilles élites corrompues, usées et discréditées » (Lacheraf)
« Lorsque les grands constatent qu’ils ne peuvent résister au peuple, ils gonflent un des leurs de prestige, puis le font prince afin de pouvoir, sous son aile, rassasier leur appétit » (Machiavel, Le Prince)
Après avoir assumé les fonctions de chef de l’Etat de janvier 1994 à avril 1999, Liamine Zeroual a, lors du conseil des ministres du 16 septembre 1998, indiqué : “Ma décision d’organiser avant terme une élection présidentielle exprime, en définitive, mon profond souhait de voir les vertus de la démocratie et de l’alternance au pouvoir définitivement ancrées dans notre culture politique et dans la conscience nationale...” (“El Watan” du 17/09/1998).
En ce sens, M’Hammed Yazid, figure du nationalisme algérien et ancien ministre du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) se définissant comme “démocrate, républicain et moderniste” et qui pense qu’il faut “éliminer” du marché politique les gens de sa génération, a eu ces mots : “Le discours du président Zeroual est au fond une abdication de chef d’Etat en faveur du collège électoral algérien et d’une déclaration d’impuissance, de renonciation à la magistrature suprême... Une incapacité politique qui trouve sa raison dans l’absence d’une moralité d’Etat et, sur ce plan, nous sommes en présence d’un pouvoir amoral” (1). De la même manière, il a indiqué que : “ L’Etat est un Etat réfugié dans le ghetto du Club des Pins. Les investisseurs étrangers se demandent comment croire aux assurances de sécurité des responsables algériens lorsque ces mêmes responsables vivent dans une zone sécurisée” (2).
En tout état de cause, plusieurs candidats, après avoir battu campagne (dont plusieurs ont fait partie du pouvoir –en tout cas, de l’appareil d’Etat : Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche, Mokdad Sifi qui ne pouvaient espérer apporter, en toute vraisemblance, que leurs expériences acquises au service de ce pouvoir) ont pu exprimer leurs craintes sur l’élection présidentielle d’avril 1999, avant de retirer leurs candidatures collectivement; ainsi, à titre illustratif, pour Aït Ahmed –opposant notoire-, dans une intervention du 7 décembre 1998, à Paris a pu relever que : “Cette élection ne pouvait –ne peut- rien régler pour une simple raison : dans notre pays, le pouvoir réel n’a jamais résidé dans les institutions. Ce pouvoir réel, c’est-à-dire l’armée et la police politique ont toujours utilisé ces institutions comme courroie de transmission et paravent : c’était le cas du parti unique. Ou comme faire-valoir et façade démocratique : c’est le cas du Parlement “pluraliste” mis en avant pour prouver la soi-disant démocratisation du pays” (3).
Par le biais d’ “El Djeïch” (février 1999), l’Armée indiqua que : “A la veille d’échéances qui engagent l’avenir du pays, l’institution militaire tient à lever les confusions entretenues par les uns et les autres, en rappelant, encore une fois, que l’Armée nationale populaire est irréversiblement républicaine et qu’à ce titre elle ne s’implique dans toute opération électorale que pour contribuer à créer les conditions à même d’assurer la sécurité de son déroulement et de permettre à notre peuple d’exprimer librement son choix, sans pression ni contrainte” (4).
Par ailleurs, aux yeux de beaucoup d’observateurs, au fur et mesure du déroulement de la campagne électorale, il était évident que le pouvoir réel avait choisi son candidat, en la personne de Abdelaziz Bouteflika, l’élection présidentielle devenant ainsi sinon obsolète, du moins inutile. Ainsi, Youssef El Khatib, qui fit partie du staff de Zeroual, reste convaincu que : “Bouteflika, comme d’autres, n’ont fait qu’exploiter le prestige de l’Algérie durant cette période où l’audience de notre pays était au zénith... Mais le plus grave, c’est qu’il a observé un silence total depuis le début des événements qui endeuillent le peuple. Il a préféré offrir ses services à une monarchie du Golfe” (5).
En tout état de cause, après une campagne électorale, moyennement couverte par la télévision algérienne, les six candidats à la présidentielle décidèrent –après concertation- de se retirer de la course à la présidentielle dans la mesure où ils ont estimé que le pouvoir avait concocté un scénario devant se terminer par l’élection de Bouteflika, toute campagne électorale devenant, de ce fait, sans objet; ce geste fut qualifié de grave par le président Zeroual qui, dans son message télévisé du 14 avril 1999, a décidé que “le processus suivra son cours jusqu’au parachèvement de toutes ses phases” (6).
Le syndrome du candidat unique
Candidat unique, suite au retrait des autres candidats, Bouteflika fut officiellement élu par près de 70% des voix exprimées; au cours de la cérémonie de sa prestation de serment, il prononça une allocution de laquelle il résulte que : “Le plein rétablissement de la paix civile et l’élimination de la violence dans les actes et dans les esprits sont les objectifs prioritaires de toute politique qui réponde aux voeux profonds de la nation” (7).
A cet égard, il fit voter une loi sur la “concorde civile” aux fins annoncées de rétablir la paix, aidé en cela par une équipe “formée de financiers et d’économistes au fait des phénomènes qui gouvernent le monde actuel, cette troïka est composée de Ben Bitour, Abdelatif Benachenhou et Hamid Temmar” (...). A l’intérieur, figure Yazid Zerhouni... “son ami de toujours” (...). A l’agriculture, Bouteflika a placé un ami à lui, Saïd Barkat (...). A l’hydraulique (Ressources en eau) figure Selim Saâdi (...). A l’Energie ...Chakib Khelil. Cet ancien cadre de la Sonatrach qui a passé près de vingt ans à la Banque mondiale... L’arrivée de Abdelmadjid Tebboune à la communication n’est pas fortuite puisque, selon plusieurs sources, il serait un proche de Bouteflika” (8), le gouvernement ayant été constitué après sept à huit mois de tractations avec certains partis d’opposition présents à l’Assemblée nationale, notamment le MSP (Mouvement Social pour la Paix) et le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie). De même, le nouveau Président a procédé, le 25 février 2000, à un remaniement au niveau de la direction de l’Armée, notamment au niveau des Régions militaires, de la Gendarmerie nationale, de l’Armée de terre et des Forces navales...
En tout état de cause, bien que l’espace de communication (médias audio-visuels particulièrement) soit verrouillé, des critiques furent formulées à l’endroit de la politique menée par le président Bouteflika pendant plus d’une année; ainsi, pour Rachid Ben Yelles, Général à la retraite : “C’est même un échec personnel pour l’homme qui a fait de “la démarche pour la paix” son axe d’effort principal... A l’entendre, les massacres, les attentats à l’explosif, les embuscades tendues aux forces de l’ordre ne seraient que vue de l’esprit ou propagande malveillante” (9).
Pour Sid Ahmed Ghozali, ancien premier ministre sous Chadli Bendjedid et Mohamed Boudiaf : “En vérité, nous ne voyons rien d’autre que la consolidation des pratiques passées, qui se caractérisent par la contradiction permanente entre le discours et l’acte...La substance dominante dans notre vie politique n’est, côté action, que vide sidéral et, côté verbe, qu’un flot torrentiel de logorrhée (NDLR propos creux, verbiages)... Les incessants va-et-vient, les gesticulations, les faux sommets à l’étranger, tout cela fait très animé certes, mais ça ne met rien de plus dans le panier de la ménagère algérienne ni dans l’escarcelle des investissements en Algérie; que du vent”.
Il ajoute, relativement à la loi de finances 2000 “basée sur des prévisions sous-estimant déraisonnablement le prix du baril prévu à 15 dollars” : “Si nous supposons donc que le prix du baril sera en moyenne de 25 dollars en 2000, cela veut dire que baser toute une loi des finances sur l’hypothèse d’un prix de 15 dollars, comme le fait le gouvernement, équivaut donc à cacher aux Algériens 6 à 7 milliards de dollars de revenus extérieurs, soit au moins les deux tiers des revenus déclarés” (10).
Il est vrai que le président Bouteflika n’a eu de cesse, au cours de ses nombreuses interventions retransmises par la télévision algérienne, d’indiquer que les caisses de l’Etat sont vides et que les vingt dernières années sont la source des maux de l’Algérie actuelle. Quoi qu’il en soit, la presse algérienne a eu l’occasion d’apporter également sa critique; ainsi, à titre illustratif, pour “El Watan”, Bouteflika serait “un homme gagné par le doute et l’incertitude et qui se cache derrière de faux prétextes”; de même : “Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le chef de l’Etat parle beaucoup sans faire grand chose. Il limoge, par un coup spectaculaire, des walis avant de remettre en cause sa décision en installant une commission de recours. Du jamais vu. (...) Il évoque la liberté d’expression et il ferme entièrement les médias publics qu’il assimile, sans aucune crainte, à sa propre personne. Il s’étale, sans limites, sur la politique intérieure avec ses détails à l’extérieur du pays et il reproche aux Algériens de vouloir “nuire à leur pays” à partir des capitales étrangères” (11).
Cette situation s’apparente, par son caractère récidivant à du présidentialisme où le président de la République croit avoir vie et mort sur la nation dont il dit qu’elle l’a porté au pouvoir en qualité de candidat indépendant. Dans cette perspective, il paraît évident qu’il existe en Algérie un déficit chronique en matière d’équilibre des pouvoirs dans la mesure où ce présidentialisme, sorte de technologie constitutionnelle artisanale de pays encore rivés au sous-développement politique par la grâce d’une gérontocratie qui n’a de grand qu’une rhétorique démesurée et une attitude arrogante dont le populisme est le moindre mal.
En effet, la caractéristique essentielle du système politique algérien repose sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République, sans contrepoids réel, à savoir : un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une Magistrature indépendante, une Presse libre et une Société civile structurée. Il y a là une déviation et une dégénérescence du régime présidentiel. Aussi, pour prévenir des risques certains de l’autoritarisme et de l’arbitraire, les éléments sus évoqués constituent le meilleur rempart afin de tempérer les abus d’un Exécutif envahissant.
Stratocratie et cercle des décideurs
La stratocratie semble être la définition qui convient le mieux pour qualifier le système politique algérien car dominé par l’armée et, dans une moindre mesure, comme une oligarchie dès lors qu’on a affaire à un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques personnes (le cercle des décideurs).
En ce sens, M’Hammed Yazid, figure du nationalisme algérien et ancien ministre du GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) se définissant comme “démocrate, républicain et moderniste” et qui pense qu’il faut “éliminer” du marché politique les gens de sa génération, a eu ces mots : “Le discours du président Zeroual est au fond une abdication de chef d’Etat en faveur du collège électoral algérien et d’une déclaration d’impuissance, de renonciation à la magistrature suprême... Une incapacité politique qui trouve sa raison dans l’absence d’une moralité d’Etat et, sur ce plan, nous sommes en présence d’un pouvoir amoral” (1). De la même manière, il a indiqué que : “ L’Etat est un Etat réfugié dans le ghetto du Club des Pins. Les investisseurs étrangers se demandent comment croire aux assurances de sécurité des responsables algériens lorsque ces mêmes responsables vivent dans une zone sécurisée” (2).
En tout état de cause, plusieurs candidats, après avoir battu campagne (dont plusieurs ont fait partie du pouvoir –en tout cas, de l’appareil d’Etat : Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche, Mokdad Sifi qui ne pouvaient espérer apporter, en toute vraisemblance, que leurs expériences acquises au service de ce pouvoir) ont pu exprimer leurs craintes sur l’élection présidentielle d’avril 1999, avant de retirer leurs candidatures collectivement; ainsi, à titre illustratif, pour Aït Ahmed –opposant notoire-, dans une intervention du 7 décembre 1998, à Paris a pu relever que : “Cette élection ne pouvait –ne peut- rien régler pour une simple raison : dans notre pays, le pouvoir réel n’a jamais résidé dans les institutions. Ce pouvoir réel, c’est-à-dire l’armée et la police politique ont toujours utilisé ces institutions comme courroie de transmission et paravent : c’était le cas du parti unique. Ou comme faire-valoir et façade démocratique : c’est le cas du Parlement “pluraliste” mis en avant pour prouver la soi-disant démocratisation du pays” (3).
Par le biais d’ “El Djeïch” (février 1999), l’Armée indiqua que : “A la veille d’échéances qui engagent l’avenir du pays, l’institution militaire tient à lever les confusions entretenues par les uns et les autres, en rappelant, encore une fois, que l’Armée nationale populaire est irréversiblement républicaine et qu’à ce titre elle ne s’implique dans toute opération électorale que pour contribuer à créer les conditions à même d’assurer la sécurité de son déroulement et de permettre à notre peuple d’exprimer librement son choix, sans pression ni contrainte” (4).
Par ailleurs, aux yeux de beaucoup d’observateurs, au fur et mesure du déroulement de la campagne électorale, il était évident que le pouvoir réel avait choisi son candidat, en la personne de Abdelaziz Bouteflika, l’élection présidentielle devenant ainsi sinon obsolète, du moins inutile. Ainsi, Youssef El Khatib, qui fit partie du staff de Zeroual, reste convaincu que : “Bouteflika, comme d’autres, n’ont fait qu’exploiter le prestige de l’Algérie durant cette période où l’audience de notre pays était au zénith... Mais le plus grave, c’est qu’il a observé un silence total depuis le début des événements qui endeuillent le peuple. Il a préféré offrir ses services à une monarchie du Golfe” (5).
En tout état de cause, après une campagne électorale, moyennement couverte par la télévision algérienne, les six candidats à la présidentielle décidèrent –après concertation- de se retirer de la course à la présidentielle dans la mesure où ils ont estimé que le pouvoir avait concocté un scénario devant se terminer par l’élection de Bouteflika, toute campagne électorale devenant, de ce fait, sans objet; ce geste fut qualifié de grave par le président Zeroual qui, dans son message télévisé du 14 avril 1999, a décidé que “le processus suivra son cours jusqu’au parachèvement de toutes ses phases” (6).
Le syndrome du candidat unique
Candidat unique, suite au retrait des autres candidats, Bouteflika fut officiellement élu par près de 70% des voix exprimées; au cours de la cérémonie de sa prestation de serment, il prononça une allocution de laquelle il résulte que : “Le plein rétablissement de la paix civile et l’élimination de la violence dans les actes et dans les esprits sont les objectifs prioritaires de toute politique qui réponde aux voeux profonds de la nation” (7).
A cet égard, il fit voter une loi sur la “concorde civile” aux fins annoncées de rétablir la paix, aidé en cela par une équipe “formée de financiers et d’économistes au fait des phénomènes qui gouvernent le monde actuel, cette troïka est composée de Ben Bitour, Abdelatif Benachenhou et Hamid Temmar” (...). A l’intérieur, figure Yazid Zerhouni... “son ami de toujours” (...). A l’agriculture, Bouteflika a placé un ami à lui, Saïd Barkat (...). A l’hydraulique (Ressources en eau) figure Selim Saâdi (...). A l’Energie ...Chakib Khelil. Cet ancien cadre de la Sonatrach qui a passé près de vingt ans à la Banque mondiale... L’arrivée de Abdelmadjid Tebboune à la communication n’est pas fortuite puisque, selon plusieurs sources, il serait un proche de Bouteflika” (8), le gouvernement ayant été constitué après sept à huit mois de tractations avec certains partis d’opposition présents à l’Assemblée nationale, notamment le MSP (Mouvement Social pour la Paix) et le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie). De même, le nouveau Président a procédé, le 25 février 2000, à un remaniement au niveau de la direction de l’Armée, notamment au niveau des Régions militaires, de la Gendarmerie nationale, de l’Armée de terre et des Forces navales...
En tout état de cause, bien que l’espace de communication (médias audio-visuels particulièrement) soit verrouillé, des critiques furent formulées à l’endroit de la politique menée par le président Bouteflika pendant plus d’une année; ainsi, pour Rachid Ben Yelles, Général à la retraite : “C’est même un échec personnel pour l’homme qui a fait de “la démarche pour la paix” son axe d’effort principal... A l’entendre, les massacres, les attentats à l’explosif, les embuscades tendues aux forces de l’ordre ne seraient que vue de l’esprit ou propagande malveillante” (9).
Pour Sid Ahmed Ghozali, ancien premier ministre sous Chadli Bendjedid et Mohamed Boudiaf : “En vérité, nous ne voyons rien d’autre que la consolidation des pratiques passées, qui se caractérisent par la contradiction permanente entre le discours et l’acte...La substance dominante dans notre vie politique n’est, côté action, que vide sidéral et, côté verbe, qu’un flot torrentiel de logorrhée (NDLR propos creux, verbiages)... Les incessants va-et-vient, les gesticulations, les faux sommets à l’étranger, tout cela fait très animé certes, mais ça ne met rien de plus dans le panier de la ménagère algérienne ni dans l’escarcelle des investissements en Algérie; que du vent”.
Il ajoute, relativement à la loi de finances 2000 “basée sur des prévisions sous-estimant déraisonnablement le prix du baril prévu à 15 dollars” : “Si nous supposons donc que le prix du baril sera en moyenne de 25 dollars en 2000, cela veut dire que baser toute une loi des finances sur l’hypothèse d’un prix de 15 dollars, comme le fait le gouvernement, équivaut donc à cacher aux Algériens 6 à 7 milliards de dollars de revenus extérieurs, soit au moins les deux tiers des revenus déclarés” (10).
Il est vrai que le président Bouteflika n’a eu de cesse, au cours de ses nombreuses interventions retransmises par la télévision algérienne, d’indiquer que les caisses de l’Etat sont vides et que les vingt dernières années sont la source des maux de l’Algérie actuelle. Quoi qu’il en soit, la presse algérienne a eu l’occasion d’apporter également sa critique; ainsi, à titre illustratif, pour “El Watan”, Bouteflika serait “un homme gagné par le doute et l’incertitude et qui se cache derrière de faux prétextes”; de même : “Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que le chef de l’Etat parle beaucoup sans faire grand chose. Il limoge, par un coup spectaculaire, des walis avant de remettre en cause sa décision en installant une commission de recours. Du jamais vu. (...) Il évoque la liberté d’expression et il ferme entièrement les médias publics qu’il assimile, sans aucune crainte, à sa propre personne. Il s’étale, sans limites, sur la politique intérieure avec ses détails à l’extérieur du pays et il reproche aux Algériens de vouloir “nuire à leur pays” à partir des capitales étrangères” (11).
Cette situation s’apparente, par son caractère récidivant à du présidentialisme où le président de la République croit avoir vie et mort sur la nation dont il dit qu’elle l’a porté au pouvoir en qualité de candidat indépendant. Dans cette perspective, il paraît évident qu’il existe en Algérie un déficit chronique en matière d’équilibre des pouvoirs dans la mesure où ce présidentialisme, sorte de technologie constitutionnelle artisanale de pays encore rivés au sous-développement politique par la grâce d’une gérontocratie qui n’a de grand qu’une rhétorique démesurée et une attitude arrogante dont le populisme est le moindre mal.
En effet, la caractéristique essentielle du système politique algérien repose sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République, sans contrepoids réel, à savoir : un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une Magistrature indépendante, une Presse libre et une Société civile structurée. Il y a là une déviation et une dégénérescence du régime présidentiel. Aussi, pour prévenir des risques certains de l’autoritarisme et de l’arbitraire, les éléments sus évoqués constituent le meilleur rempart afin de tempérer les abus d’un Exécutif envahissant.
Stratocratie et cercle des décideurs
La stratocratie semble être la définition qui convient le mieux pour qualifier le système politique algérien car dominé par l’armée et, dans une moindre mesure, comme une oligarchie dès lors qu’on a affaire à un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques personnes (le cercle des décideurs).