Un agent de la CIA impliqué dans le viol de deux algériennes : Sexe, viols et vidéos à l’ambassade des USA à Alger
Cette affaire qui vient d’éclater à Washington, une semaine après l’investiture de Barack Obama, a tout pour servir de scénario à un thriller. Dedans, tout y est ou presque : d’abord, une affaire de sexe qui implique un agent de la CIA appointé dans un pays musulman, l’Algérie en l’occurrence. Ensuite, des enquêteurs américains qui traquent la vérité sur cet espion, puis des journalistes à l’affût de la moindre révélation pour alimenter leurs lecteurs, enfin le gouvernement US qui se retrouve avec un scandale sur les bras à un moment vraiment inopportun. Bref, un polar comme on les aime à Hollywood. Sauf qu’il ne s’agit pas de fiction, mais de réalité. De quoi s’agit-il au juste ? L’ancien chef de la CIA (Central Intelligence Agency) en Algérie, Andrew Warren, 41 ans, est formellement soupçonné d’avoir drogué et violé deux ressortissantes algériennes dans sa résidence, à l’ambassade des Etats-Unis, à Alger. Renvoyé à Washington par l’ambassadeur, David A. Pearce, cet officier fait actuellement l’objet d’une enquête du département de la Justice qui doit déterminer s’il est coupable ou non des allégations portées contre lui par les deux femmes dont l’identité n’a pas été révélée. Andrew Warren risque d’être traduit devant un grand jury. Révélée mercredi 28 janvier par la chaîne américaine ABC News, l’affaire est prise très au sérieux aussi bien au département d’Etat qu’au sein de la CIA. « L’individu en question est retourné à Washington et le gouvernement US suit l’affaire de près », affirme Robert A. Wood, porte-parole du département d’Etat américain. L’ambassade des USA à Alger confirme l’existence du scandale, mais refuse d’en dire davantage, s’en tenant à la version de l’US Department.
Parfait timing ou hasard du calendrier, jeudi 29 janvier, au lendemain de ces révélations, l’ambassadeur américain à Alger, M. Pearce, a été reçu par le ministre algérien de la Défense, Abdelmalek Guenaïzia. Cette entrevue était programmée depuis plusieurs semaines, affirme une source proche de cette ambassade. Hasard donc… Les faits. Ils remontent au mois de juin 2008 lorsqu’une Algérienne, détentrice d’un passeport allemand, se présente devant le chef du détachement des Marines à l’ambassade US pour se plaindre d’avoir été violée par l’officier Andrew Warren. Les faits sont transmis à Washington, qui ordonne l’ouverture d’une enquête préliminaire. Le 25 septembre 2008 donc, l’agent spécial Jared Campell, de la division sécurité au sein du département d’Etat, auditionne la victime pour connaître sa version. La voici dans le détail telle qu’elle a été transcrite dans un document intitulé Affidavit, un document officiel rédigé par l’enquêteur appointé par le département d’Etat et auquel El Watan a pu accéder. Rendu public par la chaîne ABC News, ce document est disponible sur internet. Entre le mois d’août et le mois de septembre 2007, la dame est invitée par des employés de l’ambassade à une party organisée dans la résidence de Warren. Ce dernier lui offre alors un cocktail à base de whisky et de Coca-Cola. Durant la soirée, elle consommera plusieurs verres de ce breuvage si bien qu’elle finira par se sentir passablement éméchée. Prise de nausées, elle se rend, en compagnie d’une autre personne, dans les toilettes pour vomir. Peu de temps après, Warren lui propose de passer la nuit dans la résidence. La suite ? Elle ne se souvient de rien ou vaguement.
Des réceptions filmées
Le lendemain, au réveil, elle s’est retrouvée allongée sur un lit, totalement nue, seule, avec des maux de tête et des douleurs vaginales. A côté du lit se trouvait un préservatif encore trempé de sperme. Outrée, elle quitta la résidence sans plus avoir de contacts ultérieurs avec Andrew Warren. Interrogé par un assistant de Jared Campell, un témoin qui a assisté à la réception affirme que Warren filmait son invitée avec une caméra vidéo à différents moments de la soirée. La seconde victime est une Algérienne résidant en Espagne. Le 15 septembre 2008, elle s’est confiée au chef de mission de l’ambassade des Etats-Unis à Alger, Thomas F. Daughton. Au cours de cet entretien, elle affirme avoir a eu des rapports sexuels non consentants avec le même Warren, le 17 février 2008. Les faits ayant été rapportés par Daughton à l’officier de sécurité régionale, l’agent DSS spécial Kevin Whiston, une enquête est aussitôt ordonnée. C’est ainsi que l’agent Gregory Schossler se rend en Espagne pour entendre la plaignante. Celle-ci affirme qu’elle connaissait Warren de longue date. Avec son mari, elle avait lié connaissance avec l’agent de la CIA lorsque celui-ci était en poste à l’ambassade US au Caire. Depuis, ils ont gardé des contacts. Invitée le 17 février 2008 dans la résidence de Warren à Alger, elle s’est vu offrir à boire après avoir été prise en photo avec le téléphone cellulaire de l’agent en question. Après avoir consommé deux Martini-pomme, la dame a des envies de vomir. Warren la conduit dans la chambre et tente de la déshabiller. Dans un état de semi-conscience, elle résiste. Il lui propose alors de prendre un bain pour mieux se sentir. Emmenée sur le lit, elle se débat encore une fois, mais arrive difficilement à résister aux assauts du bonhomme. « Personne ne s’allonge sur mes beaux draps avec ses habits », lui dit-il en substance. Warren passe à l’acte de force. Il lui enlève son jeans et ses sous-vêtements avant de la violer à plusieurs reprises. Le lendemain, dans un état second, la femme quitte la résidence. Quelques jours plus tard, elle enverra un texto à Warren en l’accusant de viol. Celui-ci lui répond d’une manière peu cavalière : « Je suis désolé ! » Après avoir informé son mari et son psychologue, elle n’en parlera à personne jusqu’à son retour en Algérie, en septembre 2008. Embarrassé par l’affaire, l’ambassadeur David A. Pearce décide de renvoyer le chef de l’antenne de la CIA pour le mettre à disposition des enquêteurs. Jusque-là, l’affaire est gardée secrète. Sensible, le dossier sera discrètement géré par les départements d’Etat et de la Justice ainsi que par la CIA.
Mandat de perquisition
Le 9 octobre 2008 donc, Andrew Warren s’envole vers les Etats-Unis. Il descend à l’hôtel Hilton, à Washington DC. Le lendemain, au siège de la CIA à Langley (Virginie), il est enfin interrogé sur les accusations portées contre lui par les deux femmes. Warren accepte de coopérer. Certes, il reconnaît avoir eu des relations sexuelles, mais il affirme qu’elles étaient consentantes. Plutôt coopératif, il informe l’enquêteur chargé du dossier que son ordinateur portable contient des photos des deux dames. S’il consent à se dessaisir de son téléphone portable ainsi que de la caméra qu’il a utilisée à Alger, il refusera en revanche de rendre son micro portable. Devant ce refus, l’enquêteur sollicite un mandat de perquisition auprès d’un juge. L’enquête prend une nouvelle tournure. Placé sous surveillance, filé par deux agents de la CIA postés devant son hôtel, il finira par remettre l’ordinateur en question. Déposé auprès du bureau du procureur du district de Columbia, l’ordinateur de Warren fait l’objet d’analyses. Même effacé, altéré ou abîmé, son disque est encore susceptible de parler. Par ailleurs, sur la base d’un mandat de perquisition, la résidence de Warren à Alger a fait l’objet d’une fouille minutieuse en date du 13 octobre 2008. Il faut croire que la pêche a été miraculeuse, sinon fructueuse. A l’intérieur, on a récupéré divers documents et pièces à conviction, dont les restes du Martini, plusieurs disques durs, des cartes mémoire, des comprimés de valium et de xanax, un manuel sur le harcèlement sexuel et des vidéos. Outre des séquences mettant en scène les deux plaignantes, les enquêteurs auraient mis la main sur d’autres vidéos tournées en Egypte, du temps où Warren travaillait comme agent au Caire. Des dates incrustées sur les séquences saisies en feraient foi. Bien que l’affaire soit encore au stade des investigations, l’agent qui a conduit l’enquête est persuadé qu’Andrew Warren a commis des atteintes sexuelles en violation des règles et de la législation américaine. Il est également convaincu que les preuves attestant de ses crimes se trouvent dans l’ordinateur de l’agent de la CIA.
L’ESPION PAR QUI LE SCANDALE ARRIVE
Andrew Warren serait-il un violeur récidiviste, un « bad guy » (un mauvais garçon) comme le laisse entendre la presse américaine ? A ce stade de l’enquête, il est toujours présumé innocent. Contacté par plusieurs journaux, Andrew, ses parents et ses sœurs demeurent injoignables. Pourtant, cet Afro-Américain était promis à une belle carrière au sein de la CIA. Comme tout espion qui se respecte, on sait peu de choses sur lui. On s’en doute, son CV est indisponible sur internet. Tout de même, Warren est réputé pour être un agent de talent, du moins un espion qui a du coffre. Recruté par la CIA, il la quittera quelque temps plus tard pour travailler dans le secteur de la finance à New York. Au lendemain des attaques du 11 septembre, il décide de regagner la Centrale. Converti à l’islam, il a fait preuve d’une grande habileté à s’attacher la sympathie de la communauté musulmane dans les pays où il a eu à exercer son métier. D’abord en Afghanistan, où il a été expédié au lendemain de l’invasion US conséquente aux attentats du 11 septembre. Là-bas, Warren s’est senti, semble-t-il, comme un poisson dans l’eau. Parlant l’arabe et l’afghan, capable de réciter des versets du Coran, il n’hésitait pas à participer aux prières, surtout celles du vendredi. Affecté à l’ambassade US au Caire, il aurait également fait preuve d’une grande habileté. Sa nomination comme chef de l’antenne de la CIA à Alger était-elle une promotion ? Nul ne le sait. Une chose est sûre : Andrew Warren n’est pas un inconnu des services de renseignement algériens. Avec eux, il a étroitement collaboré dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Un bon espion promis à un bel avenir ? « C’est exactement l’homme qu’il faut », dit de lui un haut responsable américain qui s’est exprimé sous le couvert de l’anonymat et qui l’avait rencontré l’été dernier, peu de temps avant que le scandale ne soit porté à la connaissance de ses supérieurs. C’est un Afro-Américain, un musulman, il parle arabe et semble avoir de l’expérience. Warren, un espion modèle ? Peut-être, mais ses incartades risquent d’avoir des conséquences incalculables sur l’image des services de renseignement américains et, au-delà, celle de l’Amérique, au moment même où le nouveau président américain tente de refonder les relations entre les Etats-Unis et les pays musulmans.
Par [url=mailto://]Samy Ousi-Ali[/url]