C'est un silence lourd, une sorte de chape de plomb qui pèse sur le Maghreb. Le dire aujourd'hui relève d'une rhétorique de dépit qui ne cesse de nous infliger la leçon de l'échec. Ne pas le dire, c'est se résigner à ce qui s'apparente à la fatalité. Le Maghreb est entre deux ! Deux statuts, celui de l'immobilisme total et celui de l'attente marquée du sceau de l'espoir qu'un jour cette situation changera. Le conflit du Sahara, seule et unique pomme de discorde entre le Maroc et l'Algérie, surplombe à vrai dire tout projet maghrébin, il le mine en vérité. Depuis trente-cinq ans maintenant, son édification est suspendue à un préalable : la solution du conflit du Sahara, la normalisation maroco-algérienne, l'ouverture des frontières terrestres entre le Maroc et l'Algérie enfin. Comme une poupée russe où s'emboîtent les secrets, le problème entre nos deux pays demeure global, articulé sur des séquences qu'il faudrait isoler les unes des autres et, bien entendu, régler.
Ce n'est pas tellement difficile, non plus aisé tant il est vrai que le contentieux est lourd et imprégné de stigmates qui ont davantage caractérisé notre rapport à l'Algérie que ne l'ont marqué des circonstances heureuses. En tout et pour tout, le Maroc et l'Algérie ont vécu dans la « normalité » quelque dix ans seulement. Et encore, les premières années de l'indépendance algérienne ont été marquées par la tristement célèbre « Guerre des sables », suivie d'une longue rupture, avant qu'un coup d'Etat militaire – conduit par le colonel Houari Boumedienne – ne renversât en juin 1965 l'ancien président Ahmed Ben Bella et ne remodifie la donne entre nos deux pays. Si en janvier 1969, le président Boumedienne a effectué une importante visite au Maroc, signé ensuite à Ifrane un traité d'amitié avec feu S.M. Hassan II, les relations ne s'étaient pas pour autant détendues. A preuve : quatre ans plus tard, l'Algérie abritait le polisario et engageait tous ses moyens, diplomatiques, financiers, militaires même pour contrer et combattre notre revendication sur le Sahara et porter un coup à notre intégrité territoriale.
Les relations entre le Maroc et l'Algérie ont connu, à l'évidence, une évolution en dents de scie.
L'embellie, si tant est que l'on puisse invoquer cet euphémisme, n'aura jamais dépassé trois ou autre ans. A contrario, la phase de ressentiment, de rupture et de crise latente l'en aura plus marquée et affectée qu'une naturelle normalisation entre deux Etats voisins. C'est une situation exceptionnelle que nous sommes au XXIe siècle. S'il fallait encore caractériser cette situation, l'on dirait que les deux pays se trouvent dans cette formule de Raymond Aron : « paix introuvable, guerre impossible » ! Jamais voisinage entre deux peuples, que tout semble lier, n'a été aussi délibérément trituré, violé et manipulé. La géographie, qui transcende toutes les volontés, nous prouve chaque jour que Dieu fait non seulement l'appartenance à une même aire, mais une cohabitation ethnique, historique, culturelle qui est et demeurera le fait têtu, l'imparable destin.
Le Maghreb serait-il condamné ainsi à germer dans ses limbes embryonnaires parce que la politique l'a plombé et enterré ses rêves ? La volonté politique en est venue à bout, renvoyant chaque jour aux calendes grecques les proclamations vertueuses de ses pères fondateurs, réunis en avril 1958 à Tanger, les accords signés au plan bilatéral, les conventions et les songes caressés depuis près de cinquante ans. La logique de confrontation, même latente, larvée et non ouverte, persiste au creux des discours et surplombe sans discontinuer les agissements des responsables. Qui conditionne donc la réalisation du projet maghrébin ? Une normalisation entre le Maroc et l'Algérie, elle-même conditionnée par un règlement de l'affaire du Sahara ? Un dépassement de la dimension bilatérale du conflit qui oppose les deux pays ? Un fléchissement de l'attitude du gouvernement algérien sur cette question globale ? Quel que soit le côté dans lequel on se place pour jauger les critères, les chances et les handicaps de cette construction devenue impossible pour l'heure, le processus maghrébin dépend ni plus ni moins d'une volonté politique enfermée aujourd'hui dans une option de refus catégorique des responsables algériens.
On aura compris depuis belle lurette que leur langage ambivalent, leur propension à souffler le chaud et le froid participent d'une culture et d'une certaine formation, caractéristique de toute une génération d'hommes au pouvoir en Algérie. Ils ne sont pas près de quitter leur attitude, faite de conservatisme revanchard et de méthodes révolues, ils incarnent un modèle de gestion, celui des années soixante et soixante-dix. S'ils rejettent la proposition d'autonomie que le Royaume du Maroc propose au Sahara, c'est parce qu'ils sont dépassés, parce qu'elle incarne une solution moderne, audacieuse, voire révolutionnaire et s'inscrit contre leurs reflexes velléitaires. Si de surcroît ils ne saisissent pas la portée de cette proposition originale et démocratique, pilier de la construction du Maghreb, cela prouve un certain archaïsme chez eux, à tout le moins un décalage aggravé alors que, partout, dans le monde les ensembles géoéconomiques se réalisent, les conflits majeurs se résolvent sur la base d'un certain volontarisme et de discussions sincères.
La tentation est grande en somme de considérer que le gouvernement algérien-jusqu'à nouvel ordre-ne souhaite ni projet maghrébin, ni bon voisinage avec le Maroc et encore moins une solution juste, équitable et durable au conflit du Sahara. Il procède par reculs successifs, s'enferme dans sa propre logique, celle du rejet et du ressentiment érigé, notamment envers le Maroc, comme une politique d'Etat. Comme si le gâchis causé par le «Non Maghreb», la perte irréversible d'espoir ne suffisaient pas à le convaincre que le temps use le temps…
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Ce n'est pas tellement difficile, non plus aisé tant il est vrai que le contentieux est lourd et imprégné de stigmates qui ont davantage caractérisé notre rapport à l'Algérie que ne l'ont marqué des circonstances heureuses. En tout et pour tout, le Maroc et l'Algérie ont vécu dans la « normalité » quelque dix ans seulement. Et encore, les premières années de l'indépendance algérienne ont été marquées par la tristement célèbre « Guerre des sables », suivie d'une longue rupture, avant qu'un coup d'Etat militaire – conduit par le colonel Houari Boumedienne – ne renversât en juin 1965 l'ancien président Ahmed Ben Bella et ne remodifie la donne entre nos deux pays. Si en janvier 1969, le président Boumedienne a effectué une importante visite au Maroc, signé ensuite à Ifrane un traité d'amitié avec feu S.M. Hassan II, les relations ne s'étaient pas pour autant détendues. A preuve : quatre ans plus tard, l'Algérie abritait le polisario et engageait tous ses moyens, diplomatiques, financiers, militaires même pour contrer et combattre notre revendication sur le Sahara et porter un coup à notre intégrité territoriale.
Les relations entre le Maroc et l'Algérie ont connu, à l'évidence, une évolution en dents de scie.
L'embellie, si tant est que l'on puisse invoquer cet euphémisme, n'aura jamais dépassé trois ou autre ans. A contrario, la phase de ressentiment, de rupture et de crise latente l'en aura plus marquée et affectée qu'une naturelle normalisation entre deux Etats voisins. C'est une situation exceptionnelle que nous sommes au XXIe siècle. S'il fallait encore caractériser cette situation, l'on dirait que les deux pays se trouvent dans cette formule de Raymond Aron : « paix introuvable, guerre impossible » ! Jamais voisinage entre deux peuples, que tout semble lier, n'a été aussi délibérément trituré, violé et manipulé. La géographie, qui transcende toutes les volontés, nous prouve chaque jour que Dieu fait non seulement l'appartenance à une même aire, mais une cohabitation ethnique, historique, culturelle qui est et demeurera le fait têtu, l'imparable destin.
Le Maghreb serait-il condamné ainsi à germer dans ses limbes embryonnaires parce que la politique l'a plombé et enterré ses rêves ? La volonté politique en est venue à bout, renvoyant chaque jour aux calendes grecques les proclamations vertueuses de ses pères fondateurs, réunis en avril 1958 à Tanger, les accords signés au plan bilatéral, les conventions et les songes caressés depuis près de cinquante ans. La logique de confrontation, même latente, larvée et non ouverte, persiste au creux des discours et surplombe sans discontinuer les agissements des responsables. Qui conditionne donc la réalisation du projet maghrébin ? Une normalisation entre le Maroc et l'Algérie, elle-même conditionnée par un règlement de l'affaire du Sahara ? Un dépassement de la dimension bilatérale du conflit qui oppose les deux pays ? Un fléchissement de l'attitude du gouvernement algérien sur cette question globale ? Quel que soit le côté dans lequel on se place pour jauger les critères, les chances et les handicaps de cette construction devenue impossible pour l'heure, le processus maghrébin dépend ni plus ni moins d'une volonté politique enfermée aujourd'hui dans une option de refus catégorique des responsables algériens.
On aura compris depuis belle lurette que leur langage ambivalent, leur propension à souffler le chaud et le froid participent d'une culture et d'une certaine formation, caractéristique de toute une génération d'hommes au pouvoir en Algérie. Ils ne sont pas près de quitter leur attitude, faite de conservatisme revanchard et de méthodes révolues, ils incarnent un modèle de gestion, celui des années soixante et soixante-dix. S'ils rejettent la proposition d'autonomie que le Royaume du Maroc propose au Sahara, c'est parce qu'ils sont dépassés, parce qu'elle incarne une solution moderne, audacieuse, voire révolutionnaire et s'inscrit contre leurs reflexes velléitaires. Si de surcroît ils ne saisissent pas la portée de cette proposition originale et démocratique, pilier de la construction du Maghreb, cela prouve un certain archaïsme chez eux, à tout le moins un décalage aggravé alors que, partout, dans le monde les ensembles géoéconomiques se réalisent, les conflits majeurs se résolvent sur la base d'un certain volontarisme et de discussions sincères.
La tentation est grande en somme de considérer que le gouvernement algérien-jusqu'à nouvel ordre-ne souhaite ni projet maghrébin, ni bon voisinage avec le Maroc et encore moins une solution juste, équitable et durable au conflit du Sahara. Il procède par reculs successifs, s'enferme dans sa propre logique, celle du rejet et du ressentiment érigé, notamment envers le Maroc, comme une politique d'Etat. Comme si le gâchis causé par le «Non Maghreb», la perte irréversible d'espoir ne suffisaient pas à le convaincre que le temps use le temps…
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