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L'exil des algériens et le drame Marocain

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admin"SNP1975"

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La seul question qui reste est la suivante faut-il se soumettre aux chretiens ou à Moulay Abderhmane .Vous pouvez choisir ce qui vous parait le plus convenable .
Quand à moi mon choix est fait.Je préfère capituler devant l'ennemi que j'ai combattu et à qui j'ai infligé bien des défaites , plutot qu'à un musulman qui m'a trahi .
Je reclamerai de me rendre en terre Musulmane , avec ma famille , et ceux d'entre vous qui voudraient me suivre. Emir Abdelkader





Ainsi, à la veille de la conquête française, les Béni Amer ne se distinguent plus guère des autres tribus raïa d'Oranie. On les tient pour «bien dégénérés de leur ancienne bravoure» (69'. En revanche, ils jouissent d'une réputation de cultivateurs avertis.

Quelle va être leur attitude lorsqu'Oran passe sous notre contrôle ? Vont-ils retrouver la tradition du makhzen espagnol ? Il n'en sera rien, et cela pour deux raisons. D'abord, le rôle de makhzen est pris par les Douairs et les Smela qui ne demandent qu'à passer à notre service. Ensuite l'encadrement derkaoua leur interdit toute alliance avec les Chrétiens. Les Béni Amer vont donc adopter une attitude assez déroutante, qui ne peut s'expliquer que par leur appartenance confrérique.

Quand le pouvoir turc s'effondre en Oranie, les regards se tournent vers les chefs derkaoua qui ont été ses plus farouches adversaires. Des notables des confédérations voisines (Flitta, Harrar, Hachem) vinrent trouver leur Cheikh, Si Mohammed ben Brahim, qui résidait chez les Hazedj, près de l'Oued el Abd, et lui demandèrent de se mettre à leur tête. Mais Si Mohammed, fidèle à la doctrine, refusa de se substituer aux autorités terrestres *70'. Il n'en fallait pas plus aux Béni Amer pour refuser de participer à la proclamation d'Abd el Kader dans la plaine d'Eghris, d'autant que ce dernier était un Hachem. Ils ne se rallièrent à lui que contraints et forcés l'année suivante (1833) et lorsque fut signé le traité Desmichels qui ramenait la paix en Oranie, ils prétendirent recouvrer leur indépendance et refusèrent de payer l'achour à l'émir *71). Ce dernier, avant de lancer contre eux le makhzen des Douairs qui avait dû, à contre-cœur, passer à son service, réussit à faire revenir les Béni Amer sur leur décision. Mais les Douairs, emportés par l'habitude acquise du temps des Turcs, avaient déjà commencé de razzier ces raïa. Abd el Kader les obligea à restituer leurs prises et cet incident fut un des motifs de la défection des Douairs survenue peu après. Les Béni Amer allaient, sans enthousiasme, suivre dès lors la fortune de l'émir. Ce dernier d'ailleurs les ménagea, respectant leur personnalité et reconstituant pour eux l'ancienne confédération scindée en deux par les Turcs, sous l'appellation d'Aghalik des Béni Amer. Il comprenait les tribus suivantes : Ouled Slimane; Ouled Brahim, flanqués de deux tribus maraboutiques : Ouled Sidi Khaled et Ouled Sidi Bouzid; Ouled Sidi Ali ben Youb; Douï Aïssa; Ouled Mimoun; Mahimat; Ouled Sidi Abdelli, flanqués d'une fraction maraboutique d'Ouled Sidi Ahmed Youssef; Ouled Khalfa; Ouled Djebarra; Ouled Sidi Messaoud; Ouled Rou Amer; Ouled Abdallah; Ouled Zaer; Haze^j; Ouled Sidi Machou; Djeza: Ouled Sidi Ghalem; Ouled Ali; M aida; Cheurfa Guetarnia. Relevaient également de cet Aghalik, les Hassasna, implantés par Mohammed el Kebir et assimilés depuis, et une fraction des El An nouât, installé' par le khalifa d'Abd el Kader, Bou Hamedi.

L'ensemble, mais ces chiffres sont très sujets à caution t'2', aurait représenté dans les 7 400 tentes, fournissant 5 200 cavaliers et 4 400 fantassins, le caractère maraboutique de bon nombre de fractions diminuant sérieusement leur potentiel militaire. La tribu la plus importante était celle des Hazedj (1 400 tentes), suivie des Ouled Zaer (900), des Ouled Khalfa (800), des Ouled Slimane (700) et des Ouled Brahim (500). L'alliance avec Abd el Kader se révéla d'abord bénéfique. Les Béni Amer réoccupèrent une partie de la M'Ieta sur les Douairs qui les en avaient évincés au siècle précédent. Les opérations des deux premières années épargnèrent leur territoire et le succès de la Macta (1835) ralliait à l'émir les Ouled Abdallah qui s'étaient montrés les plus réticents *73>. La première campagne de Bugeaud (1836-37) allait tout remettre en question. Ayant battu Abd el Kader sur Tisser, ravitaillé Tlemcen, il traversa la plaine de la Mekerra brûlant tout sur son passage jusqu'à Mascara. Aussitôt les Ouled Ali firent soumission pour éviter pareil traitement. Soumission d'ailleurs sans conséquence puisque le traité de la Tafna (1837) devait exclure le Tessala de la zone française. Mais les razzias systématiques entreprises à compter d'octobre 1840 par Lamoricière, à la limite de la zone contrôlée par Oran, touchèrent en premier lieu les Béni Amer limitrophes. Les Ouled Ali furent deux fois sévèrement pillés. Les Ouled Khalfa perdirent peu après plus d'un millier de bêtes *74'. Aussi, les Béni Amer que Daumas tenait en 1839 pour sincèrement ralliés à l'émir ne tardèrent pas à remettre en cause leur option politique. Abd el Kader, à qui rien ne les attachait puisqu'il était Hachem et Qadryia, ne leur apportait désormais que des désagréments. Il convenait donc d'abandonner son camp. Mais il n'était pas question pour autant de se rallier au Français. Par un réflexe normal, c'est à la Derkaouyia que les Béni Amer se raccrochent et, en 1841, ils se regroupent derrière un compétiteur derkaoua, Mohammed ben Abdallah, le futur cherif d'Ouargla des années 1849, qui tente alors de se dresser contre l'émir. Ce dernier réagit promptement. Il fait enlever les principaux chefs de la confédération et les expédie à Oujda, dont le caïd, inquiet de nos rassemblements de troupe, s'empresse de les remettre en liberté. La soumission des Béni Amer à la France eut lieu peu après, à la fin de l'année 1842. Seules quelques tentes des Ouled Zaer accompagnèrent Abd el Kader sur les confins marocains. Elles revinrent peu après, désabusées et ruinées. Ce précédent évita peut-être à la tribu de participer massivement à l'émigration de 1845 G».

Passés sous contrôle français, les Béni Amer allaient être scindés en deux groupements, l'administration française ayant le même réflexe que l'administration turque face à cette trop importante confédération. Les Béni Amer Cheraga, reconstitués, furent rattachés à la subdivision d'Oran, tandis que les Gheraba dépendirent de celle de Tlemcen.

Les premiers recensements (1843-44) firent apparaître une diminution sensible du nombre des tentes, près d'un tiers, par rapport aux chiffres de 1839. Etant donné le rôle modeste joué par les Béni Amer dans la lutte contre les Français, il faut admettre que la différence est en partie due à une surévaluation antérieure, facilement explicable puisque nous ne contrôlions pas directement, à cette époque, la confédération et que la statistique fut le résultat de renseignements de seconde main.

Les Béni Amer subirent avec réticence notre domination, d'autant qu'ils retrouvaient à nos côtés le makhzen des Douairs, comme au temps des Turcs. Mais ils conservaient également leur défiance envers Abd el Kader. Lorsque celui-ci, en septembre 1843, s'approche de leur territoire, ils font le coup de feu. En représailles, l'émir effectuera, quelques semaines après, une fructueuse razzia sur les Ouled Slimane. Ce qui n'empêche pas, l'année suivante, certaines fractions de passer au Maroc (76'.

En réalité, leur attitude est toujours motivée par leur appartenance à la Derkaouyia. C'est sous sa bannière qu'ils veulent reprendre le combat. Or, les circonstances font

(75) A.O.M., 50 JJ 20 — Lettre du Commandant supérieur de la Province d'Oran au Commandant de Tlemcen.

(76) Pellissier de Reynaud (E.), op. cit., t. Ill, pp. 83 et 114, A.O.M., 2 EE 4, Lettre de Bugeaud au Ministre de la Guerre, du 14 avril 1844.


(71) Pellissier de Reynaud (E.), Annales algériennes. Alger, Bastide, 1854, 3 vol., t.l, p. 374.

(72) Tableaux..., op. cit.,

(72) Tableaux..., op. cit., 1839, p. 295.

(73) Pellissier de Reynaux [E.),op. cit., t. Il, p. 91.

(74) Yver (G.), Correspondance du Maréchal Valée, t. V, p. 120, in Documents inédits sur l'Histoire de l'Algérie. Pans, Larose, 1957.


(68) A.O.M. 10 H 53, op. cit.. Notice concernant les Ou led Brahim. Pour le statut du sol, voir 2 N 77 (Oran), rapport du Conseiller du Gouvernement, 30.8.1865.

(69) Tableaux des Etablissements français dans la Régence d'Alger. 1839, Paris, Imprimerie Royale, p. 293.

(70) Rmn (L.)# Marabouts et Khouan. Alger, Jourdan, 1884, p. 237.



Dernière édition par admin le Sam 9 Mai - 12:53, édité 2 fois

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que la direction de l'ordre, à l'échelon local, passe peu après entre les mains d'un Moqqadem ambitieux, Si Abd er Rahman Touti, qui va tenter de relancer un grand soulèvement confrérique, analogue à celui qui secoua le beylik d'Oran au début du XIXe siècle. Accompagné de soixante fidèles, en majorité Ouled Brahim, il pénètre de force, le 30 janvier 1845, dans le poste nouvellement créé de Sidi Bel Abbès et tente de s'en emparer. L'entreprise échoua de peu et les assaillants furent pour la plupart massacrés *77'. L'enquête qui suivit permit de reconstituer un réseau de complicités, dont nous ne saisîmes pas exactement la portée étant donné que nos connaissances sur l'organisation des confréries religieuses algériennes étaient alors des plus rudimentaires.

La répression s'abattit sur les responsables des Ouled Brahim. Sept cheikhs furent internés à l'île Sainte Marguerite, le caïd réussit à s'enfuir au Maroc, la tribu elle- même fut désarmée et privée de ses chevaux et de ses bœufs.

L 'EXIL ET LE DRAME MAROCAIN.

L'échec de cette action prématurée explique sans doute pourquoi les Béni Amer ne se soulevèrent pas lorsque la confrérie Taybyia, dont procédait la Derkaouyia, organisa la grande révolte du Dahra et de l'Ouarsenis, plus connue sous le nom de révolte de Bou Maza. Il est vraisemblable en effet qu'ils attendirent que le mouvement déborde en Oranie pour s'y joindre. Or, cette éventualité fut écartée par l'action de Bugeaud qui craignait, de son côté, que l'émir, quittant les confins marocains, ne rejoigne les révoltés.

Les troupes françaises s'interposèrent entre les deux foyers de rébellion. Mais alors que les opérations se déroulaient de façon routinière, éclatait comme un coup de ton- nerre l'annonce du combat de Sidi Brahim (23 septembre 1845) où Abd el Kader avait écrasé la colonne Montagnac, et que suivit la capitulation, peu après, du détachement du lieutenant Martin à Aïn Tekbalet. Ce fut le signal d'un soulèvement pour de nombreuses tribus de l'Oranie occidentale, tandis que nos colonnes s'efforçaient à la fois de contrôler la frontière marocaine, de combattre les populations hostiles, d'impressionner les hésitantes, de rassurer les pacifiques, et surtout d'interdire à Abd el Kader le chemin de l'est. Tout cela avec des effectifs désormais insuffisants. Aussi fut-il relativement facile à l'émir de s'infiltrer entre les colonnes de Cavaignac et de Lamoricière, jusqu'à Aïn Temouchent, chez les Béni Amer Gharaba. Mi par conviction, mi par contrainte, ceux-ci suivirent l'émir qui les conduisit dans les Traras avant de les diriger vers le Maroc *78* .
Quelques semaines plus tard (début octobre), son khalifa, Bou Hamedi, poussait une pointe chez les Béni Amer Cheraga et ramenait par le même itinéraire la masse des Ouled Brahim, des Hazedj, des Djaffara de la Yacoubia et quelques Ouled Slimane. Les Ouled Ali du Tessala refusèrent en revanche de se joindre au mouvement. La grande émigration des Béni Amer, dont les conséquences devaient être si tragiques, venait de commencer.

Son résultat immédiat fut de laisser à l'abandon un immense territoire : «Depuis la pointe du lac (la Sebkha), jusqu'à Tlemcen... on ne rencontre personne, c'est le désert» pouvait écrire Lamoricière ^79L

Mais on devait s'apercevoir rapidement qu'il ne s'était pas agi d'un mouvement uniforme, aux raisons identiques. Les Béni Amer Gharaba étaient visiblement partis sans enthousiasme. La plupart des tentes s'arrêtèrent d'ailleurs dans les Traras, refusant de suivre l'émir plus loin. Lamoricière n'eut aucune peine à les convaincre de regagner leurs territoires *80* .

En revanche, les Béni Amer Cheraga avaient émigré volontairement car Bou Hamedi s'était présenté sans armes. Bien plus, ce mouvement, rassemblant un jour donné des milliers d'individus avec leurs animaux séparés habituellement les uns des autres par des dizaines de kilomètres, ne pouvait avoir été improvisé *81'. Nous pensons, mais ce n'est là qu'une hypothèse, que l'affaire fut menée par la Derkaouyia, qui possédait le réseau de transmission nécessaire, et que son but réel n'était pas de rejoindre Abd el Kader, comme la suite devait le montrer, mais simplement d'émigrer au Maroc, comme les tribus l'avaient fait dans de pareilles circonstances un demi siècle plus tôt.

Ce manque d'unité dans les motivations se traduisit rapidement par de multiples retours isolés. Dans un premier temps, on rassembla les Béni Amer repentis autour d'Ain Temouchent, chez les Gharaba, où ils s'efforcèrent de récupérer ce que les réguliers d'Abd el Kader et les Douairs à notre service avaient bien voulu leur laisser de blé dans les silos (82).

L'émigration des Béni Amer avait en effet posé au commandement français deux problèmes sérieux. Le premier était celui de la sécurité. Alors que l'on était toujours en guerre avec l'émir, dont on ignorait les intentions et les forces réelles, d'immenses territoires désormais vides d'habitants, lui offraient sur nos flancs la possibilité d'infiltrations incontrôlables. La tentative de concentration des Béni Amer à Ain Temou- chent n'avait pour but que d'assurer la protection de nos convois entre Oran et Tlem- cen. Elle n'eut guère de successes Gharabas revenant des Traras préférant s'installer dans la M'Ieta, sous le contrôle des Douairs (83). Un essai analogue pour protéger l'axe Oran — Sidi Bel Abbès avait échoué de même : «entre Oran et Sidi Bel Abbès, ce que nous avons pu recueillir des Hazedj et des Hassasna en les appuyant aux Ouled Slimane ne suffirait pas pour obtenir le même résultat» '84L Aussi voit-on naître des projets de transfert de tribus sahariennes dans les territoires abandonnés (Ouled Balegh et Djaffra rentrés depuis en masse) (85). Trois mois plus tard Cavaignac constate : «Aujourd'hui, en tenant compte de ce qu'ils ont été, les Béni Amer n'existent plus. Déjà les cinq ou six cents tentes qui me restent demandent à se rapprocher de Tlemcen» *86'. Et dans une lettre du 17 octobre, il ajoutait «j'attends d'être informé que la trouée entre Tlemcen et Mascara est fermée par des forces suffisantes. C'est alors seulement que je n'aurai plus d'inquiétude pour les Ghossels et les Béni Amer.»

L'autre problème, contradictoire en son essence, était la récupération des terres pour la colonisation. Mais il passait pour le moment au second plan. Il fallait d'abord dissuader les tribus de quitter leur territoire.

Le 18 avril 1846, le Gouverneur général avait signé un arrêté soumettant au séquestre les terres des émigrés. Cette mesure avait été prise le 17 en Conseil supérieur de Gouvernement et aussitôt publiée, vu l'urgence. Elle était assortie de commentaires fort clairs, destinés à apaiser les bureaux du Ministère de la guerre que l'on avait omis de consulter. «Au premier abord, on pourrait penser que l'abandon du sol par les indigènes est chose heureuse au point de vue de la colonisation européenne. Cela pourrait être, pour l'avenir, mais pour le présent c'est tout à la fois une perte et un danger. Si le vide de population organisées se fait autour de nous, il n'y aura plus de sécurité pour les communication car c'est par la responsabilité des tribus que nous sommes parvenus à rendre les routes praticables pour les individus isolés et à faire nos convois sur les places et postes de l'intérieur sans avoir besoin d'escorte». Et d'indiquer plus loin que les tribus assurent les 9/10 des transports pour l'armée'87*.

(83) A.O.M. 1 J 69. Lettre de Cavaignac du 17 novembre 1846. Déjà dans une lettre du 9 Octobre adressée à Bazaine, il est annoncé que deux agents des Affaires arabes procèdent au recensement des tentes des Gharaba pour les reconduire dans leur ancien territoire.

(84) A.O.M., 50 JJ 20. Lettre de Cavaignac du 16 août 1846.

(85) A.O.M., 1 JJ 20. Lettre du 26 août 1846.

(86) A.O.M., 1 J 69. Lettres du 14 et du 1 7 octobre 1846.

(87) A.O.M., Rapport de Bugeaud au Ministre de la guerre. Le caractère d'urgence est signalé à plusieurs reprises dans le procès-verbal du Conseil de Gouvernement. «... C'est avec raison qu'il a


(79) Azan (P.), op. cit., p. 287, Lettre de Lamoricière du 10.10.1845.

(80) Azan (P.), op. cit., p. 452-53.

(81 ) Azan (P.), op. cit., p. 575, Lettre de Lamoricière à Soult du 24 octobre. (82) Azan (P.), op. cit., p. 604.


(77) Rinn (L.), Marabouts..., op. cit., p. 239. Selon l'auteur, la garnison aurait été prévenue de l'attaque par un derkaoui appartenant è la tendance non violente, fidèle de Si Mohammed ben Brahim.

(78) Azan (P.), Récits d'Afrique. Sidi Brahim, Paris, Lavauzelle, s. d., p. 235.

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Cependant, par souci d'efficacité et peut-être aussi pour se réserver des possibilités de manœuvre, le séquestre des émigrés ne fut pas confié à l'administration des Domaines, mais aux bureaux arabes. Des modalités transitoires étaient prévues du fait que les tribus n'avaient pas émigré en bloc. Des états précis des biens séquestrés devaient être établis famille par famille. Inutile de dire qu'ils ne le furent jamais car on ignorait alors tout du cadastre des terres occupées. Un contentieux s'ouvrit rapidement et dès août 1846, la direction des Domaines priait avec une belle hypocrisie la direction des Affaires arabes de lui fournir tous renseignements sur la conduite des Béni Amer «en instance pour obtenir la restitution des bien séquestrés» *88' .

En effet, contrairement aux prévisions qui considéraient l'émigration comme définitive, un flot incessant de familles refluait du Maroc. Le 25 mai, le Moniteur algérien signalait : «Quelques tentes des Hazedj continuent de rentrer dans un complet dénuement.» Le 30 décembre, il devait constater : «Plus des deux tiers des Béni Amer sont pareillement revenus dans leur pays, appauvris il est vrai et affaiblis par la séparation du tiers le plus riche, aujourd'hui fixé près de Fez et agrégé au makhzen de Muley Abderrahmane.»

Que s'était-il en effet passé depuis leur départ pour le Maroc ?

Conduits à la deira de l'émir, qui campait sur la Moulouya, les Béni Amer émigrés n'avaient guère apprécié, semble-t-il, l'atmosphère qui y régnait, non plus que l'attitude réservée des tribus marocaines voisines. Rien, nous l'avons dit, ne les attachait à l'émir, aussi lors des querelles opposant à Bou Hamedi la famille de ce dernier, prirent-ils parti pour le khalifa qui alla camper aux Ouled Settout en mars 1846. Et lorsque celui-ci, réconcilié avec l'émir regagna la deïra, 1200 tentes des Béni Amer, appuyées d'une partie importante des Hachem, refusèrent de le suivre et s'enfoncèrent plus avant dans le Maroc, prétextant le mauvais ravitaillement. Le sultan trop heureux d'affaiblir ainsi un adversaire potentiel et pensant peut-être les utiliser à son profit, s'empressa d'accueillir les nouveaux arrivants, qu'il installa sur l'Oued Sebou, à une journée de Fez. Il leur fit distribuer 2 500 metsqal (3 metsqal valant 10 francs-or), ce qui représentait de sa part un effort certain ®️9). Mais les Béni Amer ne trouvèrent visiblement pas au Maroc ce que l'on avait dû leur laisser espérer, car dès l'automne, des familles, et non des moindres, se présentèrent à notre Consulat de Tanger, demandant à revenir en Algérie ®️°K D'après leurs dires, les tribus marocaines voisines, les Ouled Djernâ

été présenté comme offrant un caractère d'urgence...» cf. 3 FF 15, séance du 17 avril 1846.

(88) A.O.M., 50 JJ 20. Lettre du 16 août 1846.

(89) A.O.M., 1 H 6. Interrogatoire de Mohammed ben Aouda, ex-caïd des Ouled Khalfa, daté du 24 Janvier 1847.

(90) On peut supposer que la protection du grand maître des Derkaoua, Si Mouley Tayeb, sur laquelle les chefs Béni Amer comptaient, leur fit défaut. L'intéressé penchait alors pour la tendance mystique et se montrait serviteur du Sultan. Cf. Drague, op. cit., p. 256.


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Cependant, par souci d'efficacité et peut-être aussi pour se réserver des possibilités de manœuvre, le séquestre des émigrés ne fut pas confié à l'administration des Domaines, mais aux bureaux arabes. Des modalités transitoires étaient prévues du fait que les tribus n'avaient pas émigré en bloc. Des états précis des biens séquestrés devaient être établis famille par famille. Inutile de dire qu'ils ne le furent jamais car on ignorait alors tout du cadastre des terres occupées. Un contentieux s'ouvrit rapidement et dès août 1846, la direction des Domaines priait avec une belle hypocrisie la direction des Affaires arabes de lui fournir tous renseignements sur la conduite des Béni Amer «en instance pour obtenir la restitution des bien séquestrés» *88' .

En effet, contrairement aux prévisions qui considéraient l'émigration comme définitive, un flot incessant de familles refluait du Maroc. Le 25 mai, le Moniteur algérien signalait : «Quelques tentes des Hazedj continuent de rentrer dans un complet dénuement.» Le 30 décembre, il devait constater : «Plus des deux tiers des Béni Amer sont pareillement revenus dans leur pays, appauvris il est vrai et affaiblis par la séparation du tiers le plus riche, aujourd'hui fixé près de Fez et agrégé au makhzen de Muley Abderrahmane.»

Que s'était-il en effet passé depuis leur départ pour le Maroc ?

Conduits à la deira de l'émir, qui campait sur la Moulouya, les Béni Amer émigrés n'avaient guère apprécié, semble-t-il, l'atmosphère qui y régnait, non plus que l'attitude réservée des tribus marocaines voisines. Rien, nous l'avons dit, ne les attachait à l'émir, aussi lors des querelles opposant à Bou Hamedi la famille de ce dernier, prirent-ils parti pour le khalifa qui alla camper aux Ouled Settout en mars 1846. Et lorsque celui-ci, réconcilié avec l'émir regagna la deïra, 1200 tentes des Béni Amer, appuyées d'une partie importante des Hachem, refusèrent de le suivre et s'enfoncèrent plus avant dans le Maroc, prétextant le mauvais ravitaillement. Le sultan trop heureux d'affaiblir ainsi un adversaire potentiel et pensant peut-être les utiliser à son profit, s'empressa d'accueillir les nouveaux arrivants, qu'il installa sur l'Oued Sebou, à une journée de Fez. Il leur fit distribuer 2 500 metsqal (3 metsqal valant 10 francs-or), ce qui représentait de sa part un effort certain ®️9). Mais les Béni Amer ne trouvèrent visiblement pas au Maroc ce que l'on avait dû leur laisser espérer, car dès l'automne, des familles, et non des moindres, se présentèrent à notre Consulat de Tanger, demandant à revenir en Algérie ®️°K D'après leurs dires, les tribus marocaines voisines, les Ouled Djernâ et les Scherada, excitées par des agents d'Abd el Kader pour qui cette sédentarisation dans l'ouest n'était qu'une désertion, ne cessaient de les brimer, les empêchant même de cultiver leurs terres. Certains en étaient réduits à vendre les bijoux des femmes, voire leurs armes, pour acheter du grain. La bienveillance du sultan à leur égard s'était d'autre part refroidie, depuis qu'ils avaient mis des conditions excessives à la fourniture de 500 fantassins pour son makhzen *91*.

Fallait-il donner suite à ces demandes ? Une longue controverse, qui ne prendra fin qu'avec le retour des derniers survivants, venait de s'ouvrir, opposant notre consul à Tanger, de Chasteau, aux autorités algériennes. Cette distorsion n'était pas nouvelle et l'on peut dire que jusqu'à l'établissement du protectorat marocain, Tanger et Alger soutiendront des politiques divergentes. De Chasteau, soucieux d'accroître l'autorité de la France face au gouvernement de Fez, pensait que le départ des Béni Amer rendrait service au sultan, affaiblirait le çof marocain sur lequel Abd el Kader s'appuyait, et prouverait au yeux de l'opinion que des musulmans jugeaient, expérience faite, préférable de vivre sous la protection des Français que sous le contrôle du sultan ou de l'émir. L'Algérie répondait colonisation et sûreté de l'Etat.

Le premier réflexe de Bugeaud fut pourtant favorable. Le retour des Béni Amer permettait de repeupler une zone militairement incontrôlable. Il ne mit que deux conditions :

1 • Le retour se ferait par voie de terre, avec l'accord du sultan;

2 - il n'était pas question pour les émigrés de réclamer la propriété de leurs terres séquestrées '92>.

De Chasteau fut autorisé à embarquer à destination d'Oran quelques familles influentes, dont celle de l'ex-caïd des Ouled Khalfa, Mohammed ben Aouda.

Deux mois après, le même Bugeaud informait le ministre de son changement d'optique : les Béni Amer étant ingouvernables, autant valait les laisser où ils étaient; la création d'un village européen à Sidi bel Abbès assurerait mieux que leur retour la sécurité de la région (93*. Que s'était-il passé ? D'abord l'afflux continu de tentes émigrées avait effacé les craintes émises quant à la sécurité en 1846. Au contraire,

(91) A.O.M., 1 J 69. Lettre de Mac Mahon du 28 Septembre 1846 et rapport d'Ould Mustapha ben Ayed.

(92) A.O.M., 1 H 6. Lettre de Bugeaud au Ministre de la guerre du 14 novembre 1846, et extrait de la dépêche du Ministre des Affaires Etrangères à de Chasteau du 5 décembre 1846. Cf. A.O.M., 1 J 98.

(93) A.O.M., 1 H 6. Lettre de Bugeaud du 5 février 1847. Lamoricière était d'autant plus hostile au retour des Béni Amer qu'il avait déjà disposé de leur territoire dans son Projet de colonisation présenté pour la Province d'Oran (mai 1846). Il devait servir de monnaie d'échange avec des tribus proches d'Oran, de Mostaganem et de Mascara.


été présenté comme offrant un caractère d'urgence...» cf. 3 FF 15, séance du 17 avril 1846.

(88) A.O.M., 50 JJ 20. Lettre du 16 août 1846.

(89) A.O.M., 1 H 6. Interrogatoire de Mohammed ben Aouda, ex-caïd des Ouled Khalfa, daté du 24 Janvier 1847.

(90) On peut supposer que la protection du grand maître des Derkaoua, Si Mouley Tayeb, sur laquelle les chefs Béni Amer comptaient, leur fit défaut. L'intéressé penchait alors pour la tendance mystique et se montrait serviteur du Sultan. Cf. Drague, op. cit., p. 256

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Lamoricière et Cavaignac redoutent maintenant que les derniers arrivants ne tentent de récupérer leurs terres sur les non-émigrants qui s'en sont emparé ou qui les ont louées à l'État. Le souci du maintien de l'ordre et la prévision de nouveaux ennuis avec la direction des Domaines les confortent dans une attitude négative et Bugeaud se rallie finalement à leur façon de voir. Par lettre du 2 février il en avisait le consul général à Tanger : pas question de rapatriement massif. Le retour par voie de terre (c'était lui- même qui l'avait exigé) est impossible car cela ferait perdre la face au sultan; le retour par voie de mer trop onéreux (et il évalue du coup les Béni Amer et les Hachem concernés à 25 000 personnes alors qu'ils ne sont que 6 000 environ). De Chasteau est seulement invité à rapatrier des familles sélectionnées. Ce dernier répondit naturellement qu'il ne pouvait repousser les demandes qui lui étaient présentées par des sujets français, que l'honneur du pays était en jeu, que les Béni Amer ne réclamaient plus leurs terres, mais qu'ils risquaient de passer à l'émir si l'on ne donnait pas suite à leurs demandes <94). Et il continua d'embarquer par petits paquets ses Béni Amer mais en les qualifiant de familles «sélectionnées». D'où fureur de Bugeaud qui obtint du ministre de la guerre que l'on donnât à de Chasteau des ordres stricts, qu'il se réserva de commenter lui-même dans une lettre du 8 avril. Après une profession de foi : les Arabes sont les ennemis de notre domination en Algérie, ce n'est donc pas à nous d'en accroître le nombre, il ajoutait que si l'expédition de familles «sélectionnées» se poursuivait de la sorte, il interdirait au commandant du navire assurant la correspondance Oran- Tanger de prendre des musulmans à son bord (95*.

De Chasteau, cette fois, se le tint pour dit. Mais quelques mois après de tragiques événements allaient tout remettre en question.

En effet, les rapports entre Abd el Kader et le sultan étaient allés depuis le début de 1847 en empirant. L'émir, qui campait aux portes du Riff, étendait son pouvoir sur plusieurs tribus frontalières (M'talsa, Béni Bou Yahi, Béni Snassen, Guelaya). Dans un affrontement avec les troupes chérif iennes, les Algériens avaient tué le gouverneur du Riff. Le sultan, qui soupçonnait Abd el Kader de convoiter son trône, se décida dès lors à stopper par tous les moyens l'extension se son autorité. Les Béni Amer et les Hachem de l'Oued Sebou allaient être les victimes inconscientes de cette lutte d'influence. Toujours préoccupés de regagner leur terre natale, ils avaient tiré la leçon de l'échec de la tentative par Tanger et avaient repris contact avec l'émir ®️^K II est diffi- cile de croire qu'ils aient voulu recommencer la guerre sainte sous son autorité, alors qu'ils avaient témoigné de la plus extrême réserve lorsque ses chances étaient à leur maximum. Ils avaient seulement besoin de son concours pour gagner les confins de la Moulouya et échapper aux troupes du sultan qui ne pouvait tolérer un renforcement, même fugace, du potentiel militaire de son adversaire. L'émir de son côté, s'il fit bonne figure aux envoyés des Béni Amer, ne se faisait guère d'illusions sur leurs intentions secrètes. Dans cette affaire, où chacun donnait le change à l'autre, le manque de confiance fut à l'origine de l'échec.

Le lieu de rencontre entre les Béni Amer et les contingents de l'émir avait été fixé sur l'Oued Leben, dans le territoire de la tribu des Hayana, entre Tazza et Fez. C'était pour Abd el Kader une expédition périlleuse et la prudence dont il fit preuve dans son exécution s'explique parfaitement. D'autant que le sultan n'avait pas tardé à être mis au courant du complot. Ce dernier décida donc de transférer dans l'intérieur du pays les tribus algériennes campées près de Hadjra ech Cherifa. Pour couper court à tout prétexte, il leur fournit les animaux de bât nécessaires. Sous les yeux du représentant du makhzen la majorité des Béni Amer prit, le 23 août, la direction indiquée. Mais sitôt hors de vue, ils bifurquèrent vers l'est pour aller au-devant de l'émir. Croyant désormais au succès de leur entreprise, ils ne purent s'empêcher de razzier les douars marocains placés sur leur route, s'attardant ainsi dangereusement. Ils pillèrent l'Azib bou Mohammed, où ils mirent en fuite un élément du makhzen, puis campèrent à Aïn Mediouna après avoir ravagé les environs. Cette attitude déraisonnable, que motivaient peut-être les avanies dont ils avaient eu à souffrir de la part des Ouled Djemâ, aboutit à dresser contre eux les populations berbères des environs. Devant cette levée de boucliers, ils écoutèrent des émissaires des Hayana, sur le territoire desquels Abd el Kader devait les rejoindre, qui, sous couleur de leur indiquer un meilleur itinéraire, les engagèrent dans le djebel où les attendaient les guerriers des tribus. Réfugiés sur le plateau de Ressifa, cernés de partout, les Béni Amer combattirent pendant trois jours. Manquant de munitions, ils furent finalement submergés. 400 d'entre eux furent massacrés; les combattants épargnés, enchaînés et dirigés sur Fez, les femmes et les enfants répartis entre les tribus avec le butin. Les Hachem, qui avaient amorcé leur exode quelques jours auparavant, subirent un sort analogue.

Abd el Kader, de son côté, avait fait mouvement jusqu'à Aïn Zhora, près du rendez-vous fixé, à la tête de 2 500 cavaliers. Mais le retard pris par les Béni Amer du fait de l'intervention du sultan, les bruits qui couraient sur leur départ en direction du sud, lui firent croire, étant donné ses dispositions d'esprit à leur égard, que les intéressés avaient une fois de plus fait défection. Ne voulant pas s'attarder, il fit retraite vers l'est. Lorsque les coureurs des Béni Amer parvinrent à le joindre, il revint sur ses pas à bride abattue, mais il était trop tard, le massacre était consommé et il dut


(94) A.O.M., 1 H 6. Lettre de De Chasteau du 23 mars 1847. Il semble qu'il y ait eu une autre raison. Par l'intermédiaire de son gendre Léon Roches, De Chasteau menait des négociations avec Si El Hadj el Arbi, Moqqadem des Taïbyia qui sollicitait le rapatriement de bon nombre de ses amis. Cf. A.O.M. 1 J 98.

(95) A.O.M., 1 H 6. Lettre de Bugeaud du 8 avril 1847 à De Chasteau.

(96) Sur ces opérations, voir Cossé-Brissac (P. de). Les rapports de la Franca at du Maroc pendant la conquête de l'Algérie. Paris, Larose, 1 931 , pp. 1 59 et sq.


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lui-même reprendre rapidement le chemin de l'est car les tribus marocaines, instruites de son échec, se faisaient menaçantes *97*.

Loin de s'être traduit par une amélioration de sa position, l'épisode tragique du retour des Béni Amer se solda pour l'émir par une sérieuse perte de prestige au Maroc, qui marqua le commencement de la fin. Quatre mois plus tard il faisait sa soumission à Lamoricière.

Tous les Béni Amer n'avaient heureusement pas pris part à l'engagement de Ressifa. Plusieurs fractions émigrées avaient refusé de participer à l'exode (Ouled Sidi Khaled, Ouled Zaer, Ouled Sidi Abdelli, et quelques tentes des Ouled Sidi Ben Youb et des Douï Aïssa). Beaucoup de vaincus devaient, d'autre part, réussir à s'échapper. Dès la première semaine de septembre, des familles se présentaient à la frontière, sollicitant l'aman; une cinquantaine le 7 septembre. Le 18, Bazaine, commandant à Lalla Marnia, signale que beaucoup de Béni Amer sont déjà rentrés et que les Hayana auraient l'intention de relâcher les femmes et les enfants en leur pouvoir; le 2 octobre, 250 personnes, dépouillées de tout, gagnent le camp de Mac-Manon, sous Nédroma. Le 6, une cinquantaine arrive encore.

Mais ce drame allait avoir une autre conséquence : raviver la controverse entre Alger et Tanger. De Chasteau avait en effet subi lui aussi le contrecoup du désastre. 300 Béni Amer s'étaient présentés au consulat en suppliants. Le consul avait un moment hésité à les accueillir, non point du fait des ordres reçus, mais parce que ces malheureux pouvaient être considérés désormais par le sultan comme des sujets rebelles. Les Marocains, de leur côté, craignaient une réaction vigoureuse de la France après ce massacre de sujets français. Finalement les choses s'arrangèrent fort bien. De Chasteau se rendit à Larache pour s'entendre avec le pacha Bou Selham et, malgré la réticence des autorités locales, put faire embarquer un premier lot de dix familles sur l'aviso «le Véloce» assurant la correspondance Tanger-Oran ®️®️K Cette fois Alger ne réagit pas. D'abord de Chasteau avait obtenu préalablement l'accord de son ministre. Des considérations humanitaires pouvaient également jouer, mais surtout le départ de Bugeaud (10 septembre 1847) avait entraîné un bouleversement de l'équipe dirigeante et personne ne tenait à compromettre ses chances en soulevant un problème à la fois déplaisant et marginal. Dans une lettre du 3 novembre 1847 son successeur, le

(97) A.O.M., 1 J 69, Rapport de Bazaine du 8 septembre 1847 et copie de la lettre du Caïd du camp de Taza du 30 août 1847.

(98) A.O.M., 1 H 6. Lettre du 24 septembre au Ministre des Affaires étrangères. Il convient de noter que le retour par voie de terre se poursuivit parallèlement aux rapatriements par voie de mer. L'Écho d'Oran du 16 octobre 1847 prétendait même que parmi ces Hachem et Béni Amer se trouvaient des «non valeurs dispendieuses» dont Abd el Kader se débarassait en profitant de l'occasion.
Duc d'Aumale, constate que les émigrés rentrent, se réinstallent sur leurs terres et demande des instructions au ministre de la Guerre. Les opposants au retour des Béni Amer, Lamoricière et Cavaignac, ont d'autres soucis. On ne sait sur combien de Béni Amer porta le rapatriement mais il est probable que le nombre en fut assez important car l'opération s'étendit sur deux années. De Chasteau avait bénéficié de la part de l'Algérie d'une première avance de 5 000 francs-or pour nourrir et vêtir les réfugiés du Consulat de France. La subvention journalière s'élevait à trois «blanquilles», soit 24 centimes par individu, versée au cheikh responsable de la fraction. Par lettre du 14 mai 1848, De Chasteau annonçait l'envoi du justificatif des dépenses *"*, et le départ de ses derniers réfugiés sur le «Cocyte». Mais les frais engagés pour l'ensemble de l'opération étaient bien plus considérables. De Chasteau, qui eut toutes les peines par la suite à faire régler par le ministère de la Guerre plusieurs traites revenues impayées, les évalue en juin 1848 à 80 000 francs-or '100). Aux motifs politiques qui freinaient le retour des Béni Amer s'ajoutaient maintenant des considération financières. L'Algérie trouvait que ces rebelles repentis commençaient à lui revenir cher. Les réfugiés continuant d'affluer à Tanger, l'aviso de la correspondance tomba une première fois «en panne» mais de Chasteau n'hésita pas à noliser un bâtiment grec qui pour 2 362,50 francs transporta 393 Béni Amer et Hachem à Oran C101'. L'interruption des liaisons persistant, un second nolis fut effectué pour 62 Béni Amer à raison de 8 francs par personne (102'. De Chasteau rentra en France en congé et l'Algérie, qui trouvait peut- être le système des nolis finalement plus onéreux, rétablit la correspondance maritime.

Léon Roches, qui allait assurer l'intérim à Tanger, entendait bien poursuivre la politique de son patron et beau-père <103). Car il restait encore des Béni Amer autour de Fez que le sultan avait placés sous le commandement d'un caïd originaire des Hazedj : «Ce chef connu par son esprit intrigant et rapace tourmente les malheureux placés sous son commandement et je ne serai pas étonné que bientôt il n'eut plus d'administrés», ce qui était à la fois un vœu et une constatation <104>. Effectivement, le 25 octobre, il pouvait écrire au gouverneur général Charon que 500 Béni Amer s'étaient à nouveau réfugiés au consulat et demandait qu'un navire supplémentaire vînt aider le «Dauphin» qui assurait la correspondance, pour évacuer ces malheureux (1O5)# Mais cette fois les autorités algériennes réagirent avec vigueur. Pélissier qui exerçait le commandement en Oranie, rendit compte à Charon en ces termes : «Je suis très mécontent de ce nouvel envoi de Béni Amer. Cette tribu que l'on disait détruite nous revient en totalité, aussi nombreuse, non moins hostile qu'autrefois. Leur émigration nous avait laissé un vaste et riche territoire. C'était la forteresse de la Colonisation qui se prépare; et voilà que nous sommes encombrés d'une population famélique qui ne pourra jamais voir dans d'autres mains la terre de ses pères sans que la rage et le désir de se venger ne lui dévorent le cœur. De près comme de loin nous sommes pour eux les auteurs de leur misères, et la protection du consulat de Tanger ne leur fait pas oublier que nous sommes les détenteurs de leur sol et qu'il y a du sang entre nous. A mon sens il y a un danger à repeupler la province de proscrits.» (106). Charon approuva naturellement son subordonné et se plaignit au ministère de la Guerre de l'initiative malencontreuse de Roches auquel il enjoignit, par lettre du 31 octobre, de limiter à ces 500 individus la reprise du rapatriement. L'intéressé répondit aussitôt : «Quant au rapatriement de ces derniers débris des Béni Amer émigrés au Maroc, je n'avais moi-même aucune instruction à leur égard. Je leur ai seulement appliqué la décfsion ministérielle qui avait autorisé M. De Chasteau à faire rentrer leurs frères en Algérie, décision à laquelle il n'a pas été dérogé, au moins à ma connaissance. Du reste, ces réfugiés sont dûment prévenus que leurs terres ont été confisquées au profit de l'État et qu'ils n'ont aucun droit à de nouveaux secours de la part de la France dont ils ont trahi la cause. J'espère, dis-je, que leur retour ne pourra pas créer en Algérie de graves embarras.» *107' .

Mais le siège du ministre de la Guerre était fait. Il informait le même jour son collègue des Affaires étrangères que ce rapatriement posait à l'Algérie des problèmes insolubles et qu'il n'était pas question de mettre des bateaux à la disposition du consulat de Tanger <108'. Il donnait à Charon des instructions strictes : les émigrés devraient payer leur passage, s'ils prenaient la correspondance régulière, ou emprunter la voie de terre. A leur arrivée il conviendrait de les regrouper vers Aïn Témouchent, loin de la Mekerra. Charon, qui n'attendait que cette approbation alla plus loin et

(104) A.O.M., 30 H 26. Lettre à Pélissier, d'août 1848.

(105) A.O.M..30H 26.

(106) A.O.M., 30 H 26. Lettre du 28 Octobre 1848.

(107) A.O.M., 30 H 26. Lettre du 10 Novembre 1848.

(108) A.O.M., 1 H 6. Lettre du 15 novembre 1848.


(99) A.O.M., 30 H 26. Ce justificatif ne figure malheureusement pas dans le dossier. En revanche, dans une lettre au Ministre de la Guerre du 15.2.1847, le Duc d'Aumale indique qu'il a mis à la disposition de De Chasteau 3 000 F. prélevés sur les fonds secrets. Dans cette même correspondance le Duc manifeste la crainte que le zélé du consul ne complique nos relations avec le Sultan. A.O.M., 1 EE11.

(100) A.O.M.,30H 26. Lettre du 27 août 1848. A.O.M., 1 J 98. Lettre du ?juin 1848. (10DA.O.M., A J 98. Lettre à Pélissier de juin 1848.

(102) A.O.M., 1 J 98. Lettre au Ministre des Affaires étrangères du 2 août 1848.

(103) Léon Roches avait épousé la fille de De Chasteau. Il est certain que la personnalité de Léon Roches, qui avait servi en Algérie dans l'entourage de Bugeaud, et dont l'influence avait largement dépassé celle que lui valait ses fonctions officielles, ne fut pas étrangère à la reprise de la polémique. Des règlements de compte personnels influencent ainsi parfois la grande politique...

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suspendit pour la seconde fois la correspondance régulière. C'était un très mauvais tour joué à Roches, mais les bureaux d'Alger prenaient ainsi, un peu tard, leur revanche sur Tanger. De fait notre représentant se trouva rapidement dans une situation impossible. Le 2 janvier 1849, il écrit à Charon : «Depuis le 11 novembre 1848, je suis sans nouvelles directes de l'Algérie. J'ignore complètement la cause de l'interruption du service de correspondance entre Oran et Tanger... La présence à Tanger du reste des 500 Béni Amer dont vous avez autorisé le rapatriement par la dépêche du 31 octobre 1848 a beaucoup aggravé les conséquences de la cessation des communications entre l'Algérie et le Maroc. J'ai dû faire des sacrifices personnels pour nourrir les plus malheureux des ces émigrés dont 4 sont morts de faim. J'espérais chaque jour voir apparaître le bâtiment à vapeur qui devait les enlever. Aujourd'hui, craignant que le service entre Oran et Tanger ne soit indéfiniment interrompu et ne pouvant conserver plus longtemps des gens auxquels j'ai été autorisé à promettre de les rapatrier, je me suis décidé à les envoyer à Oran par un bâtiment marchand dont ils paieront le nolis lorsqu'ils seront arrivés dans leur tribu.» (109) Effectivement, 325 Béni Amer furent à nouveau embarqués sur un caboteur espagnol qui les conduisit à Oran. Roches croyait en avoir fini avec ces malheureux lorsqu'arriva un ultime contingent d'une centaine de personnes. Mais la leçon avait porté et il refusa d'envisager un second embarquement malgré leurs prières : «Ils se jetèrent à mes pieds, me disant : il vaut mieux nous tuer ici que nous renvoyer au milieu des Marocains qui déshonnoreront nos femmes sous nos yeux, nous assassineront et vendront nos enfants car c'est ainsi qu'ils ont agi à l'égard de nos frères.» <11O)

Cependant, Léon Roches était homme de ressources et il connaissait parfaitement les dessous de la politique marocaine. Il s'aboucha donc avec le caïd Ben Abd Sadok qui se fit fort de conduire ces fugitifs jusqu'à la Moulouya, malgré les ordres contraires du sultan, en les faisant convoyer à travers les tribus insurgées des Béni Bou Yahi et des Béni Snassen du Riff, grâce à l'anaya du marabout des Béni Saad <111'. Ce qui se passa effectivement. Le retour au pays des Béni Amer émigrés cinq ans auparavant était terminé. Mais dans quel état se retrouvait la Confédération ?

LES CONSÉQUENCES

D'abord elle a subi une profonde évolution morale. L'unité est brisée. Les tribus restées sur place ont prospéré, louant souvent les terres séquestrées; les tribus émigrées se

(109) A. O. M. ,30 H 26.

(110) A.O.M., 30 H 26. Lettre du 19 Janvier 1849 au Ministre des Affaires étrangères Drouhin de Lhuys.

(111) L'anaya était une sorte de sauf conduit délivré par un marabout vénéré permettant de circuler dans les tribus hostiles.
retrouvent sans ressources et ravalées à la condition de Kammès *112>. Les Béni Amer ont d'autre part perdu depuis longtemps leur mentalité de grands nomades. Déjà quarante plus tôt, leur modeste déplacement au Maroc à la suite d'Ech Cherif avait suscité en eux le regret des pâturages de la Mekerra. Même attitude en 1847-48, bien qu'on les ait avisés qu'ils ne retrouveraient plus leurs terres. On aurait pu croire à une dispersion de leurs tentes ruinées dans l'Algérie entière. Il n'en sera rien. Certes l'administration française appliqua dans les premiers temps une politique de regroupement. Mais l'exemple d'éparpillement donné par d'autres tribus montre que celle-ci présentait de larges failles dont ils auraient pu profiter.

Le second aspect du problème est d'ordre démographique. A combien s'élève le nombre des rapatriés ? Nous he possédons que des chiffres fragmentaires étant donné que l'état dressé par de Chasteau entre septembre 1847 et octobre 1848, période des retours massifs, nous fait défaut. Le mieux est donc de comparer les statistiques de 1843-44 et de 1851.

D'abord le nombre de tentes : 4 197 en 1844, 3 801 en 1851, soit un déficit de 396 tentes. Or le nombre de tentes émigrées est plusieurs fois évalué à 1 200. C'est donc un tiers des émigrés qui aurait péri. Il est difficile de recouper ces chiffres avec ceux de la population. Ceux-ci font apparaître en effet une augmentation (24 582 âmes en 1844, 28 196 en 1851) malgré la réalité des pertes subies. Cette constatation concernant la crédibilité relative de certains dénombrements n'est pas nouvelle. Dans ce domaine, il faut, croyons-nous, s'en rapporter au bon sens : il est relativement facile de dénombrer les tentes. Il était quasiment impossible de connaître la composition exacte des familles, d'autant que celles-ci répugnaient à ce genre d'enquête. Nous pouvons, en revanche grâce au décompte des tentes préciser quelles tribus furent les plus atteintes.

Une statistique intermédiaire de 1847 permet d'évaluer le pourcentage d'émigration et celle de 1851 celui des pertes définitives <113).

Béni Amer Gharaba (par tente) 1844 1847 % émigrées 1851 % pertes

Ouled Khalfa

Ouled Zaer

Ouled Sidi Abdelli

Ouled Mimoun . . .

418

530

210

130

360

226

71

58

14

57

76

55

450

350

102

180

gain

34

51

gain

Les gains ne doivent pas faire illusion car leurs causes, surtout en ce qui concerne

(112) Métayer réduit au cinquième de la récolte.

(113) A.O.M., 53 J 2. Rapport de 2e quinzaine de février 1848


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les Ouled Mimoun, sont artificielles. Ils s'expliquent la plupart du temps par le regroupement de petites tribus qui ont disparu de la nomenclature officielle, telle les Mahi- mat, voire par l'insertion de tentes appartenant à d'autres tribus. On signale ainsi chez les Ouled Mimoun des tentes d'Ouled Brahim

Béni Amer Cheraga (par tente) 1844 1847 % émigrées

1851 % pertes

947

175

175

470

0

0

0

84

84

27

100<115>

100<115)

1240

478

213

596

40

50

gain

23

51

10

60

50

Ouled Ali 824

Hazedj 634

Ouled Brahim . . . 442

Ouled Slimane . . . 664

Ouled Sidi ) ^QQ

ben Youb '

DouiAissa 100

Là aucune surprise. Les Ouled Ali, fortement berbé risés et «maraboutisés» n'ont pas émigré. Non seulement ils conservent leur population mais ils l'augmentent dans de sérieuses proportions grâce certainement à l'apport de tentes étrangères. Hazedj et Ouled Brahim semblent avoir émigré dans une même proportion. Le pourcentage différent des pertes doit s'expliquer par le caractère plus «engagé» des seconds, chez qui les cadres derkaoua étaient très actifs (rébellion de janvier 1845). Les plus touchés sont les Ouled Sidi ben Youb, tribu maraboutique taxée de fanatisme, entendons par là très «derkaouisée».

Mais l'on commettrait une grossière erreur si l'on s'en tenait à l'aspect quantitatif des pertes. Il faut considérer aussi son aspect qualitatif. L'émigration a été le fait des familles dirigeantes, des chefs militaires ou religieux, qui ont entraîné la masse. Ces familles ont constitué le dernier bastion de l'émigration, le dernier tiers «le plus riche» signalé dans le Moniteur algérien du 30 décembre 1846. Ce sont elles qui ont subi les plus fortes pertes au combat de l'Oued Leben contre les Marocains. Elles reviennent décimées, ruinées, suspectes aux autorités françaises, délaissées par leurs compatriotes qu'elles ont si mal dirigés. Elles se heurtent d'autre part à de nouveaux chefs, choisis dans les fractions fidèles, qui les empêchent de reconquérir leur ancienne prépondérance. Aux rivalités tribales qui secouèrent de tout temps la Confédération voici que s'ajoute à l'intérieur même des tribus une sorte de clivage social entre misérables et nantis, nouveaux kammès et propriétaires.

La chute démographique et l'effondrement de l'encadrement traditionnel allait se doubler d'une perte sensible de territoire. L'administration française, avait eu à faire face à deux exigences contradictoires : réserver des terres pour la colonisation et permettre néanmoins aux réfugiés de survivre. Les premiers d'entre eux, rentrés de façon anarchique s'étaient parfois heurtés aux nouveaux occupants du sol C116). Pour éviter tout incident on décida de regrouper les tribus. En Juillet 1847, le capitaine de Mont- gravier est envoyé à Aïn Témouchent pour régler les différends survenus entre les Béni Amer Gharaba et les tribus voisines qui avaient labouré chez eux (117). En «octobre 1847 une circulaire s'occupe des Cheraga en ordonnant la reconstitution des tribus émigrées dont les tentes étaient revenues se fixer dans la région de Sidi bel Abbès (118). Lamoricière vint contrôler lui-même les opérations. Les Hazedj furent rassemblés à Sidi Hamadouch et pour éviter toute dispersion ultérieure il leur fut interdit de vivre sous la tente; ils durent construire des gourbis. Les Ouled Brahim furent dirigés vers El Redjem et Bou Aricha, avec possibilité de s'abreuver à l'Oued Sarno, les Hassasna sur Muley Abd el Kader et le Metgal (119). Restait à les nourrir. Des distributions de vivres à titre de prêt furent exigées des autres tribus. En janvier 1848, les Hazedj reçoivent ainsi à ce titre : 140 quintaux d'orge et 75 moutons. Les Ouled Ali leur labourent et ensemencent d'autre part 40 charrues (400 ha) *120*. Mais le problème restait celui du recasement définitif. Il fut admis dans un premier temps que les tribus frappées du séquestre pourraient louer leurs anciennes terres par l'intermédiaire de leurs chefs de douars. Cette mesure permit d'éviter les conflits. En février on considère que tous les Béni Amer Cheragas rentrés sont recasés de cette façon. En juin 1849, 6130 ha sont ainsi loués par le domaine aux tribus (121). Ce chiffre est supérieur à ce que celles-ci cultiveront deux ans après lorsque la situation sera devenue normale : Hazedj 1240 ha, Ouled Brahim 480, Ouled Slimane 1304, Ouled Sidi ben Youb et DouT Aïssa 210, Hassasna 364, au total 3598 ha (1z^. On peut donc penser que ces locations portaient aussi sur des terres de parcours.

Il fallut ensuite régler les question de propriété. La procédure normale aurait exigé l'établissement d'un relevé détaillé des familles frappées par l'arrêté du 18 avril 1846 prononçant le séquestre et l'état exact de leurs biens. Ces pièces ne furent naturellement jamais fournies, et pour cause. Le territoire des tribus lui-même était mal connu et aucun relevé topographique n'existait. On ignorait même le mode d'appropriation

(116) A.O.M., 50 JJ 20. Lettre du 30 août 1847 du Commandant du cercle de Sidi bel Abbés.

(117) A.O.M., 50jj 20. Rapport du 27 Juillet 1847.

(118) A.O.M.,50JJ20.

(119) A.O.M., 60 JJ 10. Lettre à Walsin Estherazy du 8 novembre 1847.

(120) A.O.M., 53 J 2. Correspondance de janvier 1848.

(1 21 ) A.O.M., 53 J 2. Rapport du 1 5 février 1848 et du 1 5 juin 1849. (1 22) A.O.M., 1 HH 76. Statistique des tribus de 1851.


(114) A.O.M., 60 JJ 10. Lettre du 3 août 1848.

(1 15) A.O.M., 1 H H 76. Pourcentage fourni par la Statistique des tribus de 1851


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du sol et sa répartition exacte entre les intéressés. On s'en tint donc à une déclaration de principe dont l'application se fit non point tant en fonction du degré de culpabilité des tribus que de la qualité de leurs terres. Un rapport du Cercle de Sidi bel Abbés d'août 1849 explique la chose avec une belle simplicité : «Nous avons concilié les intérêts des Hazedj avec ceux de la colonisation en leur abandonnant toutes les parties de leur ancien territoire que l'on ne peut exploiter qu'à dos de bête de somme, en réservant pour les colons toutes celles qu'il est possible de relier par des chemins carrossables à Sidi bel Abbès ou à la grande route d'Oran. Dès que les plans nécessaires seront prêts, nous demanderons que l'on rende à ces indigènes ces terres en toute pro* prïété»*123'. Ce système, relativement favorable aux Hazedj qui auraient pu se voir priver de la quasi totalité de leur territoire, devait être très préjudiciable à d'autres tribus. Il est possible en effet de comparer le taux de séquestre aux taux de l'émigration grâce à la statistique générale des tribus de 1851 (124).

Tribu

Ouled Khalfa

Ou led Zaer

Ouled Sidi Abdelli

Ouled Mimoun

Ouled Ali

Hazedj

Ouled Brahim

Ouled Slimane

Ouled Sidi ben Youb

et DouT Aïssa

% émigration •

14'

57

76

55

0

84

84

27

100

% territoire séquestré

14

27

27

21

0

68

64

. 14

100

Si l'on réserve le cas des Ouled Sidi ben Youb • Douï Aïssa, qui avaient émigré en totalité et à qui le séquestre fut appliqué sans ménagement, il apparaît que les tribus les plus lourdement frappées sont celles qui habitaient la plaine de la Mekerra (Hazedj et Ouled Brahim). Les Ouled Zaer et les Ouled Sidi Abdelli dont le territoire était plus accidenté s'en tirent au contraire relativement bien. Le prélèvement sur les Ouled Khalfa semblerait équitable (14% et 14 %) si cette équivalence s'était retrouvée ailleurs. En réalité, ils avaient le malheur d'habiter une zone colonisable (Aïn Témou- chent) et se retrouvèrent de ce fait, eux dont l'émigration avait été réticente et symbolique, logés à la même enseigne que les Ouled Slimane dont 27 % des tentes étaient parties volontairement. De toute façon, ce séquestre n'était qu'une mesure conservatoire toute théorique, puisque les territoires des tribus n'avaient jamais encore été cadastrés. Simplement, le Service de la Colonisation se voyait offrir la possibilité légale de puiser, selon ses besoins, dans cette réserve. Naturellement les parties les plus fertiles furent distribuées en priorité pour doter les premiers centres de colonisation créés dans la région (Sidi bel Abbès, Bou Khanef is) les autres laissées en attente et louées à leurs anciens propriétaires.

Mais cette utilisation progressive fut stoppée brutalement par le Senatus Consulte du 22 avril 1863. Ce texte proclamait en effet les tribus propriétaires des terres qu'elles occupaient à quelque titre que ce soit et ordonnait une délimitation systématique qui fit apparaître pour la première fois la contenance réelle des territoires respectifs et l'importance des prélèvements déjà effectués. Ces opérations furent terminées à la fin de 1869 pour l'ensemble des Béni Amer. Ce qui permet d'établir un tableau faisant ressortir d'importantes différences.

Tribus Superficie (ha) Superficie (ha) territoire territoire <

évaluation de 1851 évaluation du S.C. restant (ha) prélevé (ha)

Ou led Ali

Hazedj

Ouled Brahim

Ouled Slimane

Ouled Sidi

ben Youb

Ouled Khalfa

Ouled Zaer

Ouled Mimoun

Ouled Sidi

Abdelli

43 200

35 000

54 000

82 000

?

17 000

19 000

14 000

13 000

46 091

45 000

78 683

88 189

30 148

31 519

46 388

37 063

13316

39 627

18 306

40 091

74 659

27 466

26 372

46 388

36 475

10018

6 463

26 694

38 592

13 530

2 952

5 147

0

588

3 298

Une première remarque s'impose. L'estimation de 1851 avait systématiquement sous-évalué le territoire des tribus, sauf pour celles qui n'avaient rien à craindre du séquestre, à savoir les Ouled Ali et celles qui, ayant émigré en totalité, n'avaient plus rien à espérer, comme les Ouled Sidi Abdelli. Nous serions assez tentés de voir là l'action des bureaux arabes, soucieux de conserver assez de terres à leurs administrés pour leur permettre de vivre décemment, la sous-évaluation diminuant d'autant le pourcentage réel des prélèvements. Ensuite les terres prélevées n'allèrent pas toutes à la colonisation. Sur les 13 530 ha enlevés aux Ouled Slimane, 12 500 passent aux Hassasna, jusque-là sans terre, et qui se fixent définitivement. Enfin il y a le cas des Ouled Ali, cas très différent des autres. Les prélèvements dont ils font les frais sont la conséquence du cantonnement de 1859 et non du séquestre de 1846. Cela ne fait que renforcer, ainsi qu'il ressort du tableau suivant, le caractère de circonstance que revêtit, au cours des ans, le prétexte invoqué pour le séquestre, à savoir l'émigration.


(123) A.O.M., S3 J 2. Rapport du 30 août 1849. (124)A.0.M.,1 HH76

Historique des Béni Amer d'Oranie, des origines au Senatus Consulte.
Pierre Boyer Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée Année 1977 Volume 24

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