Par Laurent Chabrun, publié le 18/06/2009 14:29 -
REUTERS/Borja Suarez
Des tonnes de cocaïne mises en quarantaine par les autorités espagnoles sur le port naval de Las Palmas, dans les Îles Canaries.
Douanes, polices et marines nationales se mobilisent contre l'offensive des cartels colombiens en Méditerranée. Déjà la vague blanche touche le Maghreb.
Le tireur d'élite des commandos de la marine vise posément et loge une balle dans chacun des puissants moteurs qui propulsent le long hors-bord à près de 70 kilomètres-heure. Sur le pont de ce go fast plusieurs dizaines de sacs soigneusement emballés. Ils dissimulent une tonne de cocaïne que l'équipage de cette fusée des mers n'aura pas le temps de jeter à l'eau. Cette spectaculaire saisie se déroulait il y a quelques semaines à peine, au nord des Baléares. Elle illustre ce que de nombreux spécialistes observent depuis quelques mois: une modification des voies d'entrée de la cocaïne en Europe et en France, avec l'ouverture d'une nouvelle route de la drogue à travers la Méditerranée. "A chaque exercice commun entre les marines et les douanes française et espagnole, des go fast ont été repérés", remarque un magistrat spécialisé. De quoi expliquer que les autorités françaises installent, à Toulon, une nouvelle structure, le Centre de coordination pour la lutte antidrogue (CeClad), dont l'inauguration aura lieu le 22 juin en présence de Michèle Alliot-Marie, et qui réunit les cinq pays du Maghreb et leurs cinq vis-à-vis de la rive nord.
Nouveaux relais en Afrique de l'Ouest
Les cartels colombiens, exportateurs de cocaïne, et leurs alliés mafieux européens cherchent, en utilisant cette plaque tournante, à parachever une opération lancée il y a quelques années. Depuis le début du nouveau siècle, ces exportateurs avisés ont installé leurs relais en Afrique de l'Ouest, principalement en Guinée-Bissau; des pays où l'autorité de l'Etat reste faible et où l'argent permet, souvent, d'obtenir la mansuétude des forces de l'ordre. Pour transférer leurs précieuses cargaisons, les cartels utilisaient autrefois un itinéraire maritime à travers l'Atlantique. Une noria de bateaux de pêche, de voiliers et de caboteurs remontait les côtes d'Afrique puis d'Espagne, jusqu'en Galice, dans le nord-ouest du pays.
Les jeunes algériens peuvent s'initier à la coke
L'ouverture de cette voie maritime de la poudre avait poussé les gouvernements européens à installer une première structure internationale de surveillance au Portugal. "Cette plus grande vigilance en Atlantique a conduit les trafiquants à trouver d'autres passages", analyse Etienne Apaire, patron de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Désormais, la cocaïne déposée en Afrique remonte à travers le continent par la très ancienne route du sel, pour finir sa course terrestre dans les pays du Maghreb, où elle est embarquée sur les go fast. Un mode de livraison particulièrement éprouvé puisque ces hors-bord ultrarapides sont déjà utilisés pour acheminer le cannabis marocain (60% de la production mondiale) vers l'Europe.
Il reviendra donc au CeClad de traquer les nouveaux contrebandiers de la Méditerranée et, si possible, de fermer cette voie du Sud. Mais le passage de la cocaïne par les pays du Maghreb crée d'ores et déjà de nouveaux marchés. Les jeunes Algériens, qui pouvaient se procurer le kif produit au Maroc, ont désormais la possibilité de s'initier à la coke. D'autres pays de la région semblent également touchés par cette inquiétante vague blanche. En inondant l'Europe, les cartels contaminent donc l'Afrique du Nord; ce qui s'appelle faire d'une pierre deux coups
REUTERS/Borja Suarez
Des tonnes de cocaïne mises en quarantaine par les autorités espagnoles sur le port naval de Las Palmas, dans les Îles Canaries.
Douanes, polices et marines nationales se mobilisent contre l'offensive des cartels colombiens en Méditerranée. Déjà la vague blanche touche le Maghreb.
Le tireur d'élite des commandos de la marine vise posément et loge une balle dans chacun des puissants moteurs qui propulsent le long hors-bord à près de 70 kilomètres-heure. Sur le pont de ce go fast plusieurs dizaines de sacs soigneusement emballés. Ils dissimulent une tonne de cocaïne que l'équipage de cette fusée des mers n'aura pas le temps de jeter à l'eau. Cette spectaculaire saisie se déroulait il y a quelques semaines à peine, au nord des Baléares. Elle illustre ce que de nombreux spécialistes observent depuis quelques mois: une modification des voies d'entrée de la cocaïne en Europe et en France, avec l'ouverture d'une nouvelle route de la drogue à travers la Méditerranée. "A chaque exercice commun entre les marines et les douanes française et espagnole, des go fast ont été repérés", remarque un magistrat spécialisé. De quoi expliquer que les autorités françaises installent, à Toulon, une nouvelle structure, le Centre de coordination pour la lutte antidrogue (CeClad), dont l'inauguration aura lieu le 22 juin en présence de Michèle Alliot-Marie, et qui réunit les cinq pays du Maghreb et leurs cinq vis-à-vis de la rive nord.
Nouveaux relais en Afrique de l'Ouest
Les cartels colombiens, exportateurs de cocaïne, et leurs alliés mafieux européens cherchent, en utilisant cette plaque tournante, à parachever une opération lancée il y a quelques années. Depuis le début du nouveau siècle, ces exportateurs avisés ont installé leurs relais en Afrique de l'Ouest, principalement en Guinée-Bissau; des pays où l'autorité de l'Etat reste faible et où l'argent permet, souvent, d'obtenir la mansuétude des forces de l'ordre. Pour transférer leurs précieuses cargaisons, les cartels utilisaient autrefois un itinéraire maritime à travers l'Atlantique. Une noria de bateaux de pêche, de voiliers et de caboteurs remontait les côtes d'Afrique puis d'Espagne, jusqu'en Galice, dans le nord-ouest du pays.
Les jeunes algériens peuvent s'initier à la coke
L'ouverture de cette voie maritime de la poudre avait poussé les gouvernements européens à installer une première structure internationale de surveillance au Portugal. "Cette plus grande vigilance en Atlantique a conduit les trafiquants à trouver d'autres passages", analyse Etienne Apaire, patron de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Désormais, la cocaïne déposée en Afrique remonte à travers le continent par la très ancienne route du sel, pour finir sa course terrestre dans les pays du Maghreb, où elle est embarquée sur les go fast. Un mode de livraison particulièrement éprouvé puisque ces hors-bord ultrarapides sont déjà utilisés pour acheminer le cannabis marocain (60% de la production mondiale) vers l'Europe.
Il reviendra donc au CeClad de traquer les nouveaux contrebandiers de la Méditerranée et, si possible, de fermer cette voie du Sud. Mais le passage de la cocaïne par les pays du Maghreb crée d'ores et déjà de nouveaux marchés. Les jeunes Algériens, qui pouvaient se procurer le kif produit au Maroc, ont désormais la possibilité de s'initier à la coke. D'autres pays de la région semblent également touchés par cette inquiétante vague blanche. En inondant l'Europe, les cartels contaminent donc l'Afrique du Nord; ce qui s'appelle faire d'une pierre deux coups