Ramadhan
Contribution de la religion et de la politique en Islam (II)
Dans le système originel de son âme, il y a donc une force qui exerce sur lui une pression qui l’assiste à maîtriser les débordements de ses passions et à l’orienter dans le droit chemin. Le Prophète a dit : «Quand Dieu veut du bien pour quelqu’un, il suscite en son intérieur un exhortateur qui lui commande d’agir ou de s’abstenir».
Cette force qui assiste ses facultés intérieures et leur commande d’agir dans le bon sens n’est autre que la raison. C’est bien ce qui ressort de ce verset : Dieu, blâmant le comportement des mécréants, dit : «Est-ce leur raison qui leur commande cela ? Où sont-ils des gens outranciers ?» (S 52, 32).
Il faut savoir joindre l’utile à l’agréable, encore faut-il subordonner notre comportement à des règles et appliquer une méthode les unes se conjuguant avec les autres. Certes, il n’est pas aisé d’instituer des lois qui conviennent à toutes les consciences. C’est pourquoi, l’intervention d’une autorité supérieure et universelle, au-dessus des humains et des choses, au-dessus des peuples et des Etats, s’impose pour trancher les différences et les contradictions. Kant y a vu la raison comme source et moyen de résoudre ces problèmes, bien qu’il admette que sa méthode critique de cerner les devoirs humains manque de force. C’est, dit-il, que la raison ne se réfère pas à la nature humaine. Aussi, ces devoirs relèvent-ils de la science et non de la critique de la raison en général.
Il n’y a aucun doute que l’homme normal a les qualités et les compétences de distinguer d’une manière rationnelle entre un défaut et une qualité, entre une erreur et une vérité et, à partir de ces conclusions, de déterminer la règle de conduite la plus appropriée pour remédier à l’insuffisant ou pour améliorer le convenant. Mais nous devons nous poser la question pour savoir si ce que la raison juge acceptable l’est réellement ?
Il est certain que la raison n’est pas infaillible, quelles que soient les données d’appréciation qui sont à sa portée. La passion, I’absence d’objectivité, la volonté de faire valoir nos opinions sur celles des autres, le désir d’imposer nos valeurs à d’autres, etc. faussent souvent le jugement et le revêtent parfois de considérations subjectives. Ce n’est pas sans fondement que Dieu révèle qu’il arrive à l’être humain de trouver agréable ce qui est en réalité néfaste pour lui. Inversement, ce qu’il croit être détestable est, au contraire, conforme à ses intérêts immédiats ou à ses aspirations lointaines. C’est que Dieu connaît parfaitement l’essence et la nature de l’homme qu’ll a façonné. Il est donc à même de lui fournir les solutions aussi parfaites que sagaces aux problèmes que pose son âme à l’homme. «Dieu ne connaît-ll pas ce qu’ll a créé, alors que c’est Lui le Compatissant, le Parfaitement Connaisseur ?»
Nous n’ignorons pas que le bien et le mal, Abel et Caïn, sont en chacun de nous. Ils sont inscrits dans la conception primitive de l’âme humaine. «Ne l’avons-nous pas guidé aux deux voies” à savoir celle du bien et du mal. (S.90, 10). Il peut facilement incliner du côté de la désobéissance et par voie de conséquence, vers des activités injustes parce qu’il est, de par sa nature originelle, instable, versatile quand ses intérêts sont en jeu. (S.70, 20, 21). Les actes laids l’emporteront sûrement sur les belles œuvres s’il fallait laisser libre cours à la raison et à la liberté des individus. C’est dire que l’appel à leur seule conscience ne suffit pas à l’élaboration d’un système éthique cohérent. C’est pourquoi la morale coranique qui s’inscrit dans toutes les matières de la vie se déploie sur un champ d’activités où l’idée d’obligation et de commandement (amr) revient souvent dans les textes scripturaires.
Quand l’homme est animé par les préceptes divins, il sait surmonter ses faiblesses et maîtriser ses élans intempestifs. A cet effet, l’lslam comporte un ensemble d’obligations, d’où la nécessité de l’obéissance. Il ne fait pas exception à la règle, puisque la mise en pratique de toute doctrine, quant à son essence et à sa substance, comporte des obligations sans lesquelles l’anarchie s’instaurerait et sa finalité ne pourrait être concrétisée. Il est aberrant de se figurer qu’il est possible d’édifier un Etat et de développer une société, sans prendre des mesures contraignantes et sans recourir à des sanctions civiles et pénales. Des dispositions rigoureuses sont encore nécessaires, quand il s’agit d’une doctrine morale. C’est que, si des forces incitent le mortel à s’acquitter d’actes louables, il en existe d’autres qui l’incitent aux mauvaises œuvres, au vice et à toutes les formes de turpitude.
«L’âme est très incitatrice au mal.» «Et par l’âme et Celui qui l’a harmonieusement façonnée et lui a alors inspiré son immoralité, de même que sa piété», dit le Coran.
Soit. Mais, il nous sera rétorqué : la politique est |a productrice de matériel. Quant à la foi, elle sert à entretenir le spirituel. Il convient donc de les dissocier. Cette séparation pourrait à la rigueur se concevoir, si la tendance de la politique à accorder le pouvoir à la seule rationalité avait enregistré tous les espoirs attendus. Au contraire, elle a engendré un nouveau culte, celui de la technologie et de la croissance, sans prendre vraiment en charge les conséquences économiques, puisque nous sommes témoins de la déchirure du tissu social entre pauvres et riches des Etats de la planète, et entre les sources de l’emploi et le nombre croissant des chômeurs. Sur le plan de l’éthique, la morale va à la dérive, qu’il s’agisse des Etats laïcs ou des Etats musulmans qui tournent le dos aux valeurs coraniques et passent sous silence ce hadîth:
«J’ai été envoyé pour parfaire les vertus morales.»
Certes, il serait injuste et même malhonnête de prétendre que ceux qui séparent la foi de la politique n’ont pas de morale. Bien au contraire, beaucoup d’entre eux ont une conduite exemplaire devraient être pris pour modèles. Toutefois, le développement d’un pays ne concerne pas seulement une minorité d’hommes. Il s’adresse à tous les membres de la société. En effet du point de vue islamique, quand le cœur est souillé, son impureté rejaillit sur le comportement humain. Par extension, quand des critères de l’immoralité définissent la conduite d’une catégorie d’individus, c’est la société dans son ensemble qui souffle, malgré elle, des mêmes maux. Il s’ensuit que la politique, débarrassée de la religion, ne s’accompagne pas toujours et en toute circonstance de valeurs et de vertus morales.
Bien sûr, il n’est pas question de renoncer ni à la rationalité, ni à la croissance économique, ni à la revendication des libertés. Il s’agit essentiellement d’admettre que la raison n’est pas infaillible, que la répartition des richesses ne doit pas engendrer de grandes distorsions sociales et que la morale doit être au centre des activités de sorte que l’homme ne perde pas son humanité. Autrement dit, il convient d’adopter ce que le Coran désigne par le juste milieu. Il y a lieu enfin de refuser cette idée qui présente la laïcité comme la seule panachée à la modernité. Il est vrai que ses partisans ne manquent pas d’arguments, après analyse des conditions politiques dans lesquelles vivent les Etats musulmans et des conceptions de gouvernement avancées par des islamistes aux courtes vues.
Ce qui nous intéresse vraiment, c’est plutôt le rapport entre la religion et la politique conformément à la doctrine coranique dont maints aspects ne sont pas pris en considération par les décideurs de la politique et aussi par des théologiens et des intellectuels qui confondent chariâa et jurisprudence. On pourrait y voir une incompatibilité, du moment que la foi est perçue comme un phénomène figé tandis que les implications de la politique se caractérisent par un mouvement constant. Concernant l’lslam, I’incompréhension provient de la définition donnée au concept de religion. C’est ce terme qui est employé pour le situer dans le cadre des autres croyances. Or, il renferme un aspect législatif que nous ne retrouvons pas dans les autres convictions religieuses. C’est pourquoi, nous verrons que les applications de la Loi de Dieu connaissent des évolutions qui la concilient avec la politique, encore, faut-il que les textes, qui en découlent, s’imprègnent d’une spiritualité qui leur ôte leur sécheresse juridique.
Tahar Gaïd
*Penseur, auteur de plusieurs livres et essais sur l’Islam, ancien ambassadeur.
AIDKOUM MABROUK A TOUS,
Voila un article que je viens de trouver que par hasard ,je le trouve extraordinaire et je veux partager avec vous. Lurcher
11-10-2007
< Retour