Devises. Bientôt la panne sèche ?
Depuis deux ans, les sources de devises se sont taries. (AFP)
Alerte ! Le stock de devises fond comme neige au soleil. Transferts des MRE, recettes touristiques, exportations, investissements et prêts étrangers : tous les voyants
sont dans le rouge.
Lundi 16 février 2010 : le siège du ministère de l’Economie et des Finances à Rabat est particulièrement animé. L’argentier du royaume, Salaheddine Mezouar, y reçoit une délégation de la Banque Mondiale, conduite par Shamshad Akhtar, vice-présidente pour la région Moyen-
Orient et Afrique du Nord (MENA). Objet de la visite : la signature d’un nouveau contrat de financement pour l’année 2010, portant sur la bagatelle de 600 millions de dollars (l’équivalent de 4,5 milliards de dirhams). Une ligne renouvelable jusqu’en 2013 et qui représente le double de celle accordée au Maroc entre 2005 et 2009. Mezouar a donc tout pour être heureux. Au-delà des divers projets de développement que ce pactole devra arroser, les 600 millions de dollars iront surtout alimenter les caisses du pays en devises… cette “chère” ressource qui nous fait de plus en plus défaut.
Balances déséquilibrées
Les réserves en devises du Maroc se réduisent en effet comme peau de chagrin depuis deux ans déjà. Représentant jusqu’à 12,5 mois d’importations en 2002, et près de 10 mois en 2007, celles-ci couvrent à peine 6 mois des besoins actuels du pays en importations. Leur encours, représenté par les avoirs extérieurs nets de Bank Al-Maghrib, s’est établi fin 2009 à seulement 175,5 milliards de dirhams. En 2008, les réserves s’élevaient à 181 milliards (190 milliards en 2007). La situation est encore plus critique chez les banques commerciales. Leurs avoirs en devises se sont fixés fin 2009 à seulement 13 milliards de dirhams. Dérisoire. “La situation des changes du pays devient de plus en plus alarmante. Nous ne sommes plus très loin aujourd’hui des 3 mois d’importations, seuil à partir duquel il faudra vraiment commencer à s’inquiéter”, lance ce cadre du Haut commissariat au plan.
A l’origine de cette descente aux enfers, le déficit de plus en plus intenable de la balance commerciale. Le fait n’est pas nouveau : le Maroc importe davantage qu’il n’exporte. Résultat, il dépense plus qu’il n’encaisse en euros ou dollars. Un gap que les transferts des Marocains résidant à l’étranger et les recettes de privatisation (Maroc Telecom en 2001 et la Régie des Tabacs en 2004, entre autres) parvenaient tant bien que mal à contrebalancer. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Le déficit de la balance commerciale a atteint, fin 2009, les 152,6 milliards de dirhams. La crise économique mondiale y est, faut-il le préciser, pour beaucoup. La récession qui a touché les principaux partenaires commerciaux du Maroc (l’Union Européenne notamment) a eu un effet dévastateur sur certains secteurs de l’économie. L’exemple le plus édifiant étant celui du textile, secteur foncièrement exportateur. Sans compter la chute vertigineuse des prix des phosphates sur les marchés internationaux. Une dépréciation en valeur qui s’est répercutée illico presto sur les revenus de l’Office chérifien des phosphates (premier pourvoyeur de devises du pays), qui ont fondu de près de 64% d’une année à l’autre, et ce malgré l’amélioration des quantités exportées. La balance des paiements ne fait pas mieux. En cause : la baisse des recettes touristiques (-5% à 52 milliards de dirhams), le fléchissement des transferts des MRE (-5,3% à 50 milliards de dirhams). A cela s’ajoute la chute des investissements et prêts directs étrangers qui se contractent de 26,1% à 26 milliards de dirhams. Les revenus des exportations, quant à eux, se sont dégradés de 28% à 111,8 milliards de dirhams.
L’hémorragie est donc générale et affecte l’ensemble des sources de devises du pays. Parallèlement, le Maroc a dépensé la même année quelque 265 milliards de dirhams pour l’importation de différents produits et services. Une facture qui aurait pu être encore plus salée, sans la détente des cours du pétrole à l’international. “Si le prix du baril s’était maintenu à son niveau de 2008 (140 dollars et plus), nos réserves en devises seraient aujourd’hui à sec. On a évité de peu la catastrophe”, commente cet économiste.
Une expansion en devises
Autre facteur aggravant : les investissements marocains à l’étranger. L’expansion à l’international des grands groupes privés et des établissements publics a également un coût. Ces derniers ont investi, en 2008, pas moins de 13 milliards de dirhams hors des frontières. Une sortie sèche de devises dont la rentabilité en termes de dividende n’est pas immédiate. Idem pour les grands groupes privés : le retour sur investissement du périple africain de Maroc Telecom, Attijariwafa bank et BMCE Bank se fait toujours attendre. Ceci au moment où les entreprises étrangères installées au Maroc rapatrient le fruit de leurs investissements à tout-va. Encore une fois, la crise mondiale n’a pas manqué d’aggraver ce phénomène. Le montant des dividendes rapatriés par les multinationales est passé du simple au double entre 2008 et 2009, pour se fixer à quelque 3,6 milliards de dirhams. Mais l’opération d’assèchement la plus spectaculaire reste sans conteste celle du rachat des parts de Telefonica et de Portugal Telecom dans Méditel par le tandem Finance.com et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). Une récupération certes salutaire, mais qui s’est soldée par une sortie nette de 810 millions d’euros. Un montant financé en grande partie par des dettes bancaires locales !
Pour ce banquier d’affaires, il ne fait pas de doute que l’on se dirige vers la panne sèche. “Une panne qui signera l’arrêt de la machine économique, faute de capacités suffisantes de financement”, prédit-il.
......................ET ALORS................?????????????????????