Photo d'une famille algéro-marocaine prise lors du match Algérie_ Egypte
Rares sont les moments de liesse pan-maghrébine comparables à celui que vient d’offrir l’édition 2010 de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Tout le Maghreb du foot s’est tenu aux côtés de l’Algérie pour soutenir son équipe dans la dernière ligne droite. L’élan unioniste s’est vérifié des deux côtés de la Méditerranée. À la veille du match contre le « frère ennemi », l’Égypte, un chibani marocain prenait ainsi les voyageurs du métro parisien à témoin : « Nos frères vont battre l’Égypte. Vive l’Algérie ! » En football, les frontières tombent, notamment du côté de la diaspora. Un constat que confirme un sondage mené par Solis, cabinet d’études marketing spécialisé dans les sondages ethniques, auprès d’un échantillon de 1 648 Marocains, Tunisiens et Algériens résidant en France. Interrogés à la veille de la CAN, 82,9 % des sondés déclaraient qu’ils soutiendraient l’équipe algérienne.
Mais, au-delà du foot, la diaspora va-t-elle jusqu’à soutenir un projet d’Union du Maghreb à trois ? Solis a posé la question. Résultat : un quasi-plébiscite, 77,5 % des sondés s’y disant favorables, dont 45,6 % « tout à fait favorables ». « Pour les sondés, il est évident que l’union fait la force », commente Abbas Bendali, patron fondateur de Solis. Ils ne sont que 7,9 % à n’y être « pas du tout favorables », autant que les « sans opinion ». « C’est logique, décrypte Hakim el-Karoui, banquier chez Rothschild & Cie et, surtout, fondateur du Club XXIe siècle et des Young Mediterranean Leaders, qui œuvrent à un rapprochement des deux rives de la Méditerranée. Les Maghrébins installés en France regardent le Maghreb avec leur expérience de l’Europe. » Les Tunisiens de France se révèlent les plus unionistes, favorables à 81,6 % à une Union du Maghreb, contre 78 % des Marocains et 75,7 % des Algériens. « Il n’y a pas de contentieux territorial pour la Tunisie », souligne Abbas Bendali.
Région homogène
Quant aux « obstacles à cette union », une large majorité – 64,2 % – l’impute à « une volonté insuffisante des dirigeants politiques ». Viennent ensuite « les contentieux territoriaux » pour 37,9 % des sondés ; « trop de différences culturelles » (30,4 %) et « des écarts économiques encore trop importants » (28,6 %). Pourtant, juge Karoui, « les pays européens ont plus de différences entre eux, du point de vue de la langue notamment ». Et de rappeler le fossé qui séparait la France de l’Espagne ou du Portugal en 1986, lorsque ces derniers ont rejoint la Communauté européenne. Difficile, il est vrai, de trouver région plus homogène que le Maghreb sur les plans culturel, religieux et linguistique. Les écarts économiques ? « Plutôt que d’écarts, il s’agit de modèles économiques différents », nuance Karoui.
Le projet d’Union suscite davantage de réticences chez les plus jeunes : 16 % des 18-34 ans s’y disent défavorables, contre 13,5 % des 35-49 ans et 13,7 % des 50 ans et plus. Les plus enthousiastes appartiennent aux catégories socioprofessionnelles élevées : ils sont 83,2 % à y être favorables. Quant aux femmes, elles se montrent plus pondérées : elles sont moins nombreuses à se déclarer « tout à fait favorables » (39,7 %, contre 50,8 % des hommes) ou « pas du tout favorables » (6,6 %, contre 9,1 %). Et quasi deux fois plus nombreuses que leurs congénères masculins à se dire « sans opinion » (10,4 %, contre 5,6 %).
Quoi qu’il en soit, la diaspora maghrébine est largement unioniste. Qu’en aurait-il été si ce sondage avait été mené au sud de la Méditerranée ? « Les résultats en faveur de l’Union auraient été moins importants, estime Karoui. Parce qu’on y est plus conscient des raisons pour lesquelles elle ne se fait pas. » Des raisons éminemment politiques fondées sur la fibre nationaliste et qui s’enkystent dans le conflit algéro-marocain sur le Sahara occidental. Pas sûr qu’un match de football qui se déroule à Amgala ou à Tindouf ait les mêmes vertus fédératrices que la CAN…
jeuneafrique
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