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Benchicou: "le jeu malsain de Bouteflika et les dérobades de Sarkozy"

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admin"SNP1975"

admin
Admin

 



Dans cette algarade entre l’Algérie et la France, personne ne nous dit la vérité. Sans doute parce qu’elle n’est pas belle à dire. La vérité est qu’il n’y a pas de crise entre Alger et Paris, seulement une partie d’esbroufe concoctée à El-Mouradia ;
 la vérité est qu’il n’y aura pas de prochaine « loi algérienne criminalisant la colonisation" et le projet n’est qu’un nouvel épisode, un de plus, du « chantage à la mémoire » qu’agite Bouteflika au gré de ses démêlés personnels avec la France. Du reste, les autorités d’Alger ont déjà fait renvoyer le texte à son auteur pour "vice de forme" et rien ne dit qu’il réapparaîtra à la session de printemps. (1)
La vérité est que tout cela se résume en une simple histoire d’humeur froissée de M. Bouteflika. Et chez nous, on le sait bien, l’humeur du Président, c’est la doctrine du gouvernement. Feu Chérif Belkacem disait : « Bouteflika est le sabre et nous devons tourner autour de lui. »
La vérité, est que rien ne se serait produit s’il n’y avait eu, au printemps dernier, cette décision française que Bouteflika considère comme un camouflet : le report, voire l’annulation de la visite d'Etat qu’il devait effectuer en juin à Paris et que l’Elysée a jugé embarrassante car trop « proche » du scrutin bokassien du 9 avril à l’issue duquel le chef de l’Etat algérien avait été réélu avec plus de 90 % des suffrages, réélection alors qualifiée en France de « pharaonique ». L’Elysée (si on en croit le Parisien), redoutant que cette encombrante victoire ne soit évoquée par l’opposition et par les médias, avait décidé de la repousser à la fin de l’année, ce qui a fortement froissé Bouteflika, furieux d’être assimilé à un vulgaire dictateur infréquentable. Dictateur ? Le chef de l’Etat algérien y ressemblait, en tout cas, fortement. En se faisant réélire pour un troisième mandat avec un score de 90,24 %, il devenait le 3è président le mieux plébiscité dans le monde, juste derrière Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, l’inamovible maître de la Guinée Equatoriale qui s’était donné 97,1 % des suffrages et  Noursoultan Nazarbaïev, le seigneur du Kazakhstan, crédité de 91% des voix. Bouteflika devançait des despotes chevronnés comme Robert Mugabe du Zimbabwe (85,5%), Omar Hassan el-Béchir du Soudan (86,5%), Gurbanguly Berdimuhamedow du Turkménistan (89,23%) Islom Karimov d’Ouzbékistan (88,1%) et même Zine el-Abidine Ben Ali, Tunisie: 89,62% !
Quant à Alexandre Loukachenko, Biélorussie, avec ses 82,6%, il faisait presque figure de démocrate aux côtés de Bouteflika !
La France avait, jusque-là, soigneusement dissimulé cette image du président algérien dans les vapeurs de la connivence diplomatique et politique. Mais la politique comme la diplomatie ou les complicités ne pouvaient plus rien contre  l’arithmétique : comment, en effet, continuer à protéger un président qui a triomphé à hauteur de 91%  quand on a taxé à longueur d’année, Robert Mugabe d’être le parangon de la dictature africaine, lui l’élu à « seulement » 85 % ? Le Français ordinaire ne comprendrait pas… Or, c’est le Français ordinaire qui va voter en 2012 !  
Toujours est-il que, depuis, les représailles algériennes se sont multipliées à l’encontre de la France : difficultés aux entreprises françaises exerçant en Algérie, refus de recevoir des ministres de Sarkozy et, maintenant, l’annonce de cette « loi algérienne criminalisant la colonisation".
Bouteflika entretiendra la pression jusqu’à être reçu par l’Elysée et briser ainsi sa soudaine « infréquentabilité » (2)
A ces représailles a répondu une surenchère parisienne (débat sur l’identité nationale, liste des pays à risque, propos de Kouchner…). Une surenchère qui ne grandit pas Sarkozy dont l’histoire attend qu’il assume la colonisation comme Jacques Chirac a su le faire en 1995 envers les juifs de France en reconnaissant la responsabilité de l'Etat dans la rafle du Vél' d'hiv ; comme Lionel Jospin a su le faire en 1997 envers les descendants des fusillés de 1917 en reconnaissant la responsabilité de l'Etat français dans la répression des mutineries de la Grande Guerre.
Voilà ce qui nous semble être la vérité.
 Seules les âmes candides qui continuent de prêter au président Bouteflika quelque scrupule politique en sont à croire qu’il agit par souci de défendre la mémoire.
Il y a bien longtemps  de la mémoire ne relève plus, pour Bouteflika, du différend historique mais du cabotinage conjugal, cette pratique un peu malsaine qui consiste à rappeler au  conjoint un antécédent fâcheux chaque fois qu’on éprouve le besoin de lui extorquer une nouvelle déclaration d’amour.
La méthode est classique : Bouteflika fait provoquer, en sous-main, n  début d’incendie par des pyromanes qualifiés et se donne ensuite le loisir d’intervenir en pompier, prestation qu’il monnayera alors au plus haut prix.
Selon les réponses qu’il reçoit de la France, le président algérien peut ainsi passer de la plus grande « indignation » envers le préjudice colonial à la plus béate des indulgences.
 Pour s’en convaincre il suffit de se rappeler qu’avant de brandir le spectre d’une « loi algérienne criminalisant la colonisation" – signée, soulignons-le, par 125 députés appartenant à la majorité présidentielle -  Bouteflika avait publiquement renoncé, et deux fois plutôt qu’une, à exiger de la France repentance de  ses péchés coloniaux. La plus récente fut même énoncée, comble de l’ironie ou du cynisme, de la bouche du président de l’assemblée populaire nationale, celle-là même dont on redoute qu’elle adopte une loi criminalisant la colonisation ! C’était en mai 2009, à la veille de cette visite d'Etat, justement, que devait effectuer en juin à Paris le président algérien et à laquelle ce dernier tenait beaucoup. Abdelaziz Ziari, un fidèle de Bouteflika, avait alors affirmé au cours d’un point de presse dans la capitale française, que la question de la repentance « n’était pas à l’ordre du jour » et « n’a jamais, depuis l’indépendance, constitué un obstacle aux relations algéro-françaises ».
Bouteflika voulait ainsi « proposer un cadeau » aux Français pour les amadouer.
Bouteflika n’en était pas à son premier reniement public sur le sujet.  Le 21 novembre 2007, à la veille de la visite de Nicolas Sarkozy à Alger, le chef de la diplomatie Mourad Medelci, un autre fidèle, annonçait à Paris, lors d’une conférence de presse conjointe avec  Bernard Kouchner, que les excuses de la France, pour ses crimes de guerre, n’étaient plus une priorité pour le gouvernement algérien : «  Je pense que le plus sage est de laisser le temps agir en espérant que cette question trouvera une réponse un jour… Il faut savoir garder la porte ouverte à nos deux sociétés et à l’intelligence de nos deux peuples qui sont capables de suivre le bon chemin. »
Tout le monde avait compris le message : le président algérien renonçait officiellement à la repentance de la France pour ses crimes coloniaux,  en échange d’un appui de l’Elysée à un troisième mandat.
La sortie de Medelci avait provoqué, souvenons-nous, un tollé de la « famille révolutionnaire », prévu dans le scénario, selon le casting arrêté à El-Mouradia.
Tout ça pour dire que les Algériens, attachés à la mémoire, n’attendent rien de Bouteflika ni sans doute aussi de Sarkozy.
D’un certain point de vue, Kouchner n’a pas tout à fait tort.
Il faudra des hommes d’envergure pour apaiser les souffrances mémorielles dans le calme, loin des jeux d’appareils.
Nous savons que cela viendra


Mohamed Benchicou

(1) « La loi criminalisant le colonialisme français ira jusqu’au bout sauf si la France accepte de cesser son offensive à l’égard de l’Algérie », vient d’expliquer un haut responsable algérien à notre confrère TSA
(2)  Dans ce contexte, côté algérien on estime que seul une rencontre au sommet entre les présidents Bouteflika et Sarkozy est en mesure d’aplanir les différends entre les deux pays, ajoute le même haut responsable


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