Le calvaire des familles séparées par la frontière algéro-marocaine
Comme du temps de la RDA, des deux côtés de la frontière, le même drame. Des milliers de familles ne peuvent plus se rendre visite. Elles vivent en majorité dans l’Oriental et dans l’Oranais algérien. Elles ont toutes des parents de l’autre côté de la frontière fermée: un père, une mère, un frère, une sœur, un oncle ou une tante… C’est dire le lien solide qui unit ces deux pays que la politique sépare depuis des décennies. L’ouverture des frontières vers la fin des années 80 n’a été qu’une parenthèse.
Dès août 1994, retour à la case départ avec verrouillage des frontières. Depuis, les espoirs d’une prochaine ouverture sont à chaque fois déçus. Pourtant, même le mur de Berlin est tombé depuis près d’une vingtaine d’années. De ce côté-là, le souffle de la liberté n’est pas pour aujourd’hui.
Ces familles sont privées de retrouvailles. Ce sentiment d’injustice est encore plus fort à l’occasion des fêtes religieuses, des mariages ou encore lors du décès d’un membre de la famille qui vit de l’autre côté des « barbelés ». « Toutes mes tantes et tous mes oncles sont algériens et vivent près de Maghnia, à quelques kilomètres de la frontière. Malgré cette proximité, ils n’ont pu venir à l’enterrement de ma mère en 2004. C’est leur sœur qui résidait à Oujda depuis 1930. C’était très douloureux pour nous tous », confie un mineur à la retraite. Un témoignage similaire est rapporté par un Marocain dont la mère algérienne est décédée cette année sans que sa famille la plus proche n’ait pu assister aux funérailles. Pour un autre, les noces ne sont pas toujours célébrées à cause de cette fermeture de la frontière. La chronique des familles déchirées est inépuisable.
Et une chape de plomb sur ce drame dure depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, une ONG se dresse contre cette injustice. En effet, l’association pour le développement humain et culturel de l’Oriental, baptisée Ryage.com, en a fait son cheval de bataille. «C’est criminel de laisser des familles entières souffrir dans le silence», martèle sa présidente Fatiha Daoudi. Celle-ci multiplie les initiatives pour braquer les projecteurs sur ce drame humain. Une pétition circule actuellement et interpelle les militants des droits de l’homme sur les souffrances de ces populations des deux côtés de la frontière. Ryage.com portera les doléances des victimes auprès des autorités des deux pays. Si rien n’est fait, elle s’adressera au Conseil des droits de l’homme à Genève pour tenter de mettre fin à cette situation dramatique.
En attendant les bonnes nouvelles, on se débrouille comme on peut. Certes, la frontière aérienne est ouverte pour ceux qui ont les moyens. Même cette option est insensée. C’est un véritable périple kafkaïen que doit emprunter la personne qui souhaite rendre visite à un membre de sa famille de l’autre côté de la frontière. Elle doit prendre l’autocar ou le train d’Oujda à Casablanca. De là, un vol Casablanca-Alger. De la capitale algérienne, elle devra parcourir près de 500 km pour rallier Oran, Belabbès, Tmouchent, Tlemcen, ou Maghnia. La candidate au voyage doit faire plus de 2.000 km pour un simple aller et rendre visite à un parent qui se trouve en fait juste à quelques km. Mais, faute de moyens, cette voie légale est inaccessible pour la plupart des familles concernées.
Face à cette situation décourageante, les Marocains et les Algériens sont contraints de recourir à la voie illégale malgré les risques. En toute clandestinité, ils empruntent Trik Al Ouahda (route de l’unité), la seule issue pour retrouver la famille. Les initiés traversent, seuls, la frontière des environs de Saidia, Boukanoune ou Guebouz à Ahfir, El Aleb prés de Béni Drar, Roubane ou zouj Bghal à Oujda… D’autres confient leur sort à des passeurs algériens et marocains, travaillant en complicité avec leurs collègues dans l’autre territoire. Pour effectuer un aller-retour Oujda-Maghnia, le prix à payer varie entre 400 et 600 dirhams, la peur au ventre. Avec les coups de vis à la frontière à cause des menaces de terrorisme, de lutte contre l’émigration clandestine, les choses se corsent.
Mohammed Zerhoudi
Source: L'Economiste
Comme du temps de la RDA, des deux côtés de la frontière, le même drame. Des milliers de familles ne peuvent plus se rendre visite. Elles vivent en majorité dans l’Oriental et dans l’Oranais algérien. Elles ont toutes des parents de l’autre côté de la frontière fermée: un père, une mère, un frère, une sœur, un oncle ou une tante… C’est dire le lien solide qui unit ces deux pays que la politique sépare depuis des décennies. L’ouverture des frontières vers la fin des années 80 n’a été qu’une parenthèse.
Dès août 1994, retour à la case départ avec verrouillage des frontières. Depuis, les espoirs d’une prochaine ouverture sont à chaque fois déçus. Pourtant, même le mur de Berlin est tombé depuis près d’une vingtaine d’années. De ce côté-là, le souffle de la liberté n’est pas pour aujourd’hui.
Ces familles sont privées de retrouvailles. Ce sentiment d’injustice est encore plus fort à l’occasion des fêtes religieuses, des mariages ou encore lors du décès d’un membre de la famille qui vit de l’autre côté des « barbelés ». « Toutes mes tantes et tous mes oncles sont algériens et vivent près de Maghnia, à quelques kilomètres de la frontière. Malgré cette proximité, ils n’ont pu venir à l’enterrement de ma mère en 2004. C’est leur sœur qui résidait à Oujda depuis 1930. C’était très douloureux pour nous tous », confie un mineur à la retraite. Un témoignage similaire est rapporté par un Marocain dont la mère algérienne est décédée cette année sans que sa famille la plus proche n’ait pu assister aux funérailles. Pour un autre, les noces ne sont pas toujours célébrées à cause de cette fermeture de la frontière. La chronique des familles déchirées est inépuisable.
Et une chape de plomb sur ce drame dure depuis une quinzaine d’années. Aujourd’hui, une ONG se dresse contre cette injustice. En effet, l’association pour le développement humain et culturel de l’Oriental, baptisée Ryage.com, en a fait son cheval de bataille. «C’est criminel de laisser des familles entières souffrir dans le silence», martèle sa présidente Fatiha Daoudi. Celle-ci multiplie les initiatives pour braquer les projecteurs sur ce drame humain. Une pétition circule actuellement et interpelle les militants des droits de l’homme sur les souffrances de ces populations des deux côtés de la frontière. Ryage.com portera les doléances des victimes auprès des autorités des deux pays. Si rien n’est fait, elle s’adressera au Conseil des droits de l’homme à Genève pour tenter de mettre fin à cette situation dramatique.
En attendant les bonnes nouvelles, on se débrouille comme on peut. Certes, la frontière aérienne est ouverte pour ceux qui ont les moyens. Même cette option est insensée. C’est un véritable périple kafkaïen que doit emprunter la personne qui souhaite rendre visite à un membre de sa famille de l’autre côté de la frontière. Elle doit prendre l’autocar ou le train d’Oujda à Casablanca. De là, un vol Casablanca-Alger. De la capitale algérienne, elle devra parcourir près de 500 km pour rallier Oran, Belabbès, Tmouchent, Tlemcen, ou Maghnia. La candidate au voyage doit faire plus de 2.000 km pour un simple aller et rendre visite à un parent qui se trouve en fait juste à quelques km. Mais, faute de moyens, cette voie légale est inaccessible pour la plupart des familles concernées.
Face à cette situation décourageante, les Marocains et les Algériens sont contraints de recourir à la voie illégale malgré les risques. En toute clandestinité, ils empruntent Trik Al Ouahda (route de l’unité), la seule issue pour retrouver la famille. Les initiés traversent, seuls, la frontière des environs de Saidia, Boukanoune ou Guebouz à Ahfir, El Aleb prés de Béni Drar, Roubane ou zouj Bghal à Oujda… D’autres confient leur sort à des passeurs algériens et marocains, travaillant en complicité avec leurs collègues dans l’autre territoire. Pour effectuer un aller-retour Oujda-Maghnia, le prix à payer varie entre 400 et 600 dirhams, la peur au ventre. Avec les coups de vis à la frontière à cause des menaces de terrorisme, de lutte contre l’émigration clandestine, les choses se corsent.
Mohammed Zerhoudi
Source: L'Economiste