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LES INDEPENDANTISTES QUI SONT-ILS ???

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slimane

slimane

Enquête.
Indépendantistes. Qui sont-ils ?

(AIC Press)
Les indépendantistes ont un visage et l’indépendantisme un mode opératoire plus ou moins bien rodé. Qui sont-ils ? Que veulent-ils et surtout, comment s’y prennent-ils ?


Qu’y a-t-il de commun entre les événements de Laâyoune en 1999 et les dernières manifestations de 2005 ? Logiquement, rien. Alors que les premières ont embrasé plusieurs parties de la ville sur fond de revendications sociales et économiques, "les manifestations de mai" se sont limités à un seul quartier de la ville et ont été éminemment politiques (droit à l’autodétermination ou appel à l’indépendance du territoire).
Pour preuve, aucun corps des traditionnels mécontents (habitants des camps Al Wahda, Al Ashbal, diplômés chômeurs, etc.) n’y a pris part. Pourquoi, dans ce cas, le parallèle avec 1999 s’est-il imposé, même à certains responsables de la ville ? Pour deux raisons, essentiellement. Depuis 1999 d’abord, Laâyoune n’a pas connu une mobilisation sécuritaire aussi spectaculaire. Puis il y a les médias. Ceux du front pour commencer. Très vite, les sites Internet du Polisario utilisent le mot "Intifada". Médiatiquement, c’est un joli coup. "L’Intifada" en question éclate le lendemain du 32ème anniversaire du front. Toute une symbolique. Le mot sera ensuite repris par plusieurs médias internationaux qui tardent à se déplacer sur place. Du coup, pendant plusieurs jours, les sites du Polisario seront la seule source d’information disponible et actualisée toutes les demi-heures. Les autorités de la ville n’ayant communiqué (très officiellement du reste) qu’en fin de semaine … après avoir refoulé deux journalistes.

Les signes avant la tempête
La revendication sahraouie a donc franchi un pas. Désormais, l’appel à l’indépendance du territoire n’est plus accessoire dans le cadre d'une revendication sociale ou droit de l’hommiste. C’est le cœur même de la nouvelle revendication politique sahraouie. "Nous avons en face des ennemis qui se sont auto identifiés comme une minorité exprimant clairement ses choix politiques et qui se dit persécutée par le régime marocain et demande la protection internationale", diagnostique un haut responsable de la région.
Signes d’une nouvelle étape dans la revendication indépendantiste : pour la première fois, le drapeau marocain a été brûlé, celui du Polisario porté par un jeune devant les forces de l’ordre tandis que des slogans étaient scandés à la gloire de Mohamed Abdelaziz et appelaient au départ du Maroc du Sahara. Une nouveauté ? Peut être, mais elle n’étonne personne. La démarche était prévisible. "Depuis l’instauration de l’IER et la création de la télévision régionale, la tension sociale et droit de l’hommiste n’est plus un sujet tabou. Elle n’a peut être pas été contenue, mais les problèmes sociaux et ceux relatifs aux libertés sont aujourd’hui ouvertement débattus. La machine indépendantiste s’est ainsi trouvée privée de deux de ses principaux chevaux de bataille. Elle n’avait d’autre choix que de jouer sa dernière carte. Celle de la revendication indépendantiste au nom de l’ouverture démocratique", analyse un observateur local. Durant la première moitié du mois de mai, deux associations peu anodines (non reconnues officiellement) ont d’ailleurs vu le jour. Il y a d’abord "l’Association des victimes des atteintes aux droits de l’homme commises par l’état marocain au Sahara occidental". Elle rassemble essentiellement les anciens bagnards d’Agdz et de Qelâat Meggouna et affiche clairement ses choix indépendantistes. Puis il y a cette commission initiée par Mohamed Dadach et qui revendique le "droit à militer pour l’indépendance du Sahara à l’intérieur du Maroc". Entre les deux, il y a les discours de Bouteflika et d’Abdelaziz. Le premier réitérait son soutien au front, le deuxième disait ne plus écarter le retour aux armes.
Transférer, dans ces conditions, un prisonnier, devenu une icône indépendantiste, le lendemain du 20 mai est alors un prétexte tout indiqué pour le Polisario. Les indépendantistes ne l’ont pas raté. L’état a marché, s’est emballé et comme toujours, a fait dans l’excès. Naturellement, la presse s’est à son tour emballée, amplifiant la manifestation et accentuant les dérapages (répétitifs) de l’état.

De qui parle-t-on ?
Le Maroc les appelle grossièrement les "séparatistes". Ils ne sont pas forcément membres du Polisario, mais une majorité écrasante parmi eux affiche publiquement sa sympathie pour les thèses du front. A différentes échelles, ils militent ou croient à l’indépendance du territoire. Ils rêvent de l’établissement d’un Etat sahraoui au Sahara occidental. Combien sont-ils ? Personne ne le sait, mais une distinction sommaire est possible. Il y a d’abord "les activistes". Une cinquantaine à tout casser. Des anciens bagnards et prisonniers politiques devenus aujourd’hui les icônes du mouvement. Ceux là se déplacent dans tout le Sahara, assistent aux meetings, prennent part aux sit-in, etc. Parmi eux, il y a les symboles, les plus médiatisés comme Mohamed Dadach ou Ali Salem Tamek. Puis il y a les hommes et les femmes de terrain. Ceux qui organisent, ameutent, fédèrent, etc., mais qui ne se mouillent jamais, ou rarement. Lors des dernières manifestations, ils sont restés invisibles poussant - c’est la version policière - femmes et adolescents au devant de la scène. Pourquoi croire à une thèse pareille ? Simplement parce qu’aucun de ces meneurs, pourtant identifiés par les services, n’a été arrêté ou interpellé suite aux manifestations, faute de preuves.
à la base, le mouvement devient plus flou. Un tout compact où on commencera par distinguer les étudiants sahraouis. Présents en force dans les campus de Rabat, Marrakech et Agadir, c’est le relais du Sahara à l’intérieur du Maroc. Au moindre incident à Laâyoune, Assa ou Smara, ils sortent dans la rue, organisent des manifestations de solidarité, rédigent des communiqués, etc. Dans la littérature indépendantiste d’ailleurs, les campus universitaires sont des "positions" ou "des avant-postes universitaires".
évidemment, il y a les purs et durs, les militants de la cause. Mais à côté, il y a toute la base peu politisée ou défavorisée. Politiquement, les indépendantistes visent "tout un chacun qui n’a pas clairement revendiqué sa marocanité". Vu de Rabat, l’indépendantisme est au Sahara ce que l’extrémisme est au reste des régions du pays. Un Sahraoui à la situation précaire est un indépendantiste potentiel qui ne demande qu’à être encadré. Et pour cela, il n’y a que l’embarras du choix.
Il y a d’abord les séances de thé. "Le Sahara est une région hyper politisée. Tout le monde suit avec attention les moindres développements du dossier. Du coup, autour de la traditionnelle séance de thé, on se concerte, on commente et on encadre", souligne un observateur. A Laâyoune comme un peu partout au Sahara, les cyber cafés fleurissent à tous les coins de rue. En l’absence d’un portail d’informations pro-marocain, les Sahraouis consultent régulièrement les pages de SPS (l’agence de presse du Polisario) et des innombrables sites d’information dont dispose le front. Toujours sur le plan médiatique, et malgré la création de Laâyoune TV, Radio Polisario continue d’exercer un attrait certain sur les populations locales. La station du front est brouillée à Laâyoune, mais accessible à 25 Km de la ville. Les Sahraouis ne s’en privent d’ailleurs pas. Radio Polisario joue sur la corde sensible, celle de l’attachement familial. De l’autre côté de la frontière, chaque Sahraoui a forcément un père, un cousin, une tante ou un proche. La radio donne régulièrement des nouvelles des sahraouis de Tindouf et laisse croire que seule l’indépendance du territoire permettra les retrouvailles familiales.
Le Front ne se contente pas de "l’attachement sentimental". Il dispose carrément d’un "ministre des territoires occupés" et d’un chargé des Sahraouis de cette région qui réside à Las Palmas, à une demi heure d'avion de Laâyoune. Son rôle ? Maintenir le contact avec les cellules actives du Polisario au Maroc. De l’aveu d’un grand responsable sécuritaire à Laâyoune, "ces cellules sont nombreuses, clandestines mais amateurs. C’est pourquoi elles restent incontrôlables". D’organisation très superficielle, ces "cellules" s’auto-organisent et restent très sensibles aux messages et orientations directes ou indirectes du front. "Il suffit que la radio du Polisario considère un ministre marocain venu au Sahara comme indésirable pour qu’une cellule perçoive le message et organise un sit-in, une manifestation ou publie un communiqué sur Internet", assure le même responsable sécuritaire. L’information (surtout sur Internet) est d’ailleurs l’un des principaux chevaux de bataille du Polisario. L’agence de presse du front dispose de correspondants partout dans le Sahara et un site comme "Les cahiers du Sahara" était mis à jour toutes les 20 minutes lors des dernières manifestations de Laâyoune. Autre exemple, le correspondant de Radio Polisario à Dakhla a retransmis live, grâce à son téléphone portable, la manifestation qui y a été organisée la semaine dernière. Les milieux sécuritaires au Sahara n’excluent d’ailleurs pas que certains indépendantistes disposent de téléphones satellitaires. Ahmed (c’est un faux prénom) est d’ailleurs le photographe attitré des sites du Polisario. Il réside à Laâyoune et parcourt tout le territoire. Sans complexe, mais après avoir été mis en confiance, il dit disposer de plus de 400 photos des dernières manifestations de Laâyoune (nous l’avons vérifié) et finalise le montage d’un film vidéo qui sera bientôt mis en ligne.
La hantise des autorités régionales ? Le financement. Beaucoup de responsables se disent certains que les mouvements indépendantistes reçoivent un financement de l’étranger mais aucune trace n’a jamais été enregistrée. "Normal, explique un connaisseur, les échanges de toute nature se font de la main à la main à Las Palmas ou en Espagne". Si le financement des mouvements indépendantistes inquiète les autorités marocaines, c’est en partie à cause du "virage guerrier" que prend le mouvement indépendantiste.

Les néo-indépendantistes
De nombreux indépendantistes sahraouis ne sont pas restés insensibles au message de Mohamed Abdelaziz faisant allusion au retour à l’action militaire. Un groupe de jeunes rencontrés dira d’ailleurs que "la résistance militaire n’aurait jamais dû s’arrêter". Un autre, étudiant à Rabat celui-là, renchérit, "je suis prêt à me sacrifier pour le front. Je ne serai ni le premier ni le dernier". S’agit-il d’une interprétation erronée ou d’un mot d’ordre distillé par le Polisario ? Ce militant indépendantiste rappelle que l’un des 16 principes fondateurs du Polisario est "la violence et la violence révolutionnaire". "Un retour aux sources" inquiétant, d’autant que cet autre indépendantiste menace : "nous exploiterons n’importe quel incident pour provoquer l’état marocain et le pousser jusqu’au bout de sa pseudo logique démocratique". Voilà qui est clair, mais pourquoi attendre un incident pour "passer à l’acte" ? "Pour que le peuple (asha’âb) suive", répond le même militant. "Les sympathisants sont nombreux. Les militants sont peut être minoritaires numériquement, mais c’est une minorité active et légitime face à une majorité passive et hésitante", explique un observateur.
Pour le moment en tous cas, l’Etat marocain reste perplexe. De source officielle, on affirme "qu’une réflexion sérieuse est menée au plus haut niveau de l’état". Faut-il, dans le respect de la ligne démocratique, tolérer désormais une expression indépendantiste au Sahara ? Ce grand responsable aura cette réponse, plutôt correcte, "tant que l’indépendantisme ne touche pas à l’ordre public, il ne me dérange pas". Problème, l’ordre public est une notion vague et modulable selon les conjonctures. De plus, l’indépendantisme sahraoui (l’expérience l’a démontré) n’attire l’attention des médias et de l’opinion publique internationale qu’en cas de confrontations ou de dérapages. Après les manifs de Laâyoune, le Polisario n’a-t-il pas appelé la communauté internationale à protéger les minorités du Sahara occidental, allant jusqu’à proposer l’élargissement des prérogatives de la Minurso dans ce sens ? Que faire dès lors ? "Constituer un véritable front unioniste national, loin de la langue de bois qui sensibilise aux réels enjeux économiques, sécuritaires et politiques de l’affaire du Sahara", préconise un responsable de l’autorité administrative dans le sud. Soit, mais qui fera cela ? Les élites démissionnaires du Sahara ? Un conseil de région s’est tenu lundi 30 mai à Laâyoune. à l’ordre du jour… les programmes de formation professionnelle et de généralisation de l’eau potable. L’indépendantisme a encore de beaux jours devant lui.

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Stratégie. Le Polisario drague les élites marocaines

Dans une lettre ouverte publiée le jeudi 2 juin dans le quotidien algérien à fort tirage Al Khabar, Mohamed Abdelaziz s’adresse, pour la première fois, aux "élites du peuples marocain". Il y désigne nommément des hommes politiques, des écrivains, des militants associatifs et des journalistes qu’il appelle à œuvrer pour "éviter un éventuel nouveau conflit armé". Dans un style "fraternel" et flatteur, le président de la RASD appelle ces élites à "condamner, au nom de la liberté et des droits humains, les dépassements enregistrés au Sahara et soutenir vivement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination", et prédit "une entente parfaite entre les deux peuples marocain et sahraoui". Le Polisario déplacerait-il son front à l’intérieur du Maroc ?

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