En Algérie, l’intox, la rumeur et la propagande constituent l’élément central de l’identité du régime totalitaire en place depuis plus de soixante ans. Si bien qu’aujourd’hui la réalité a perdu toute signification dans l’esprit de la majorité des algériennes et des algériens.
On a du mal a distinguer la frontière entre le réel et le virtuel. Le dispositif institutionnel mis en place par la junte, ne tolère guère l’existence d’une presse libre et indépendante. Les medias et les journaux sont la propriété exclusive du DRS. Le quatrième pouvoir en Algérie donne l’impression de n’être qu’une couche de vernis avec laquelle les généraux tentent de maquiller leur régime totalitaire en république démocratique. C’est d’ailleurs grâce a cette presse dite indépendante que le régime a réussi a neutraliser dans l’œuf un nombre considérable de militants opposants authentiques qui veulent rétablir l’ordre de l’exactitude et de la certitude et a infiltrer les partis politiques.
Nous avons encore en mémoire l’histoire de ces éditeurs de presse qui pour entretenir l’illusion d’une menace qu’il faut a tout prix combattre, ont fait passer des agents du DRS pour des émirs nationaux du GIA et du GSPC et des militants accomplis et réellement engagés pour de vulgaires indicateurs. Qui ne se souvient pas de tous ces délinquants pervers qui dans la peau de faiseurs d’opinion, ont pris d’assaut l’opposition pour faire croire à ses dirigeants que des militants -intègres- qui se trouvent a des années lumière de cette même opposition, sont des agents influents de la police politique ? Cette situation a fini par donner des purges spectaculaires au sein des partis de l’opposition.
Depuis les premiers jours de la révolution, l’armée a assiégé la mentalité de l’algérien par la rumeur et les fausses nouvelles. Aujourd’hui, en dépit des soixante dix ou plus de journaux qui garnissent quotidiennement nos kiosques, l’algérien préfère reprendre une information (rumeur) qu’il aurait recueilli auprès « d’un ami père d’un haut gradé au sein des services ». « C’est le père d’un colonel du DRS qui me l’a affirmé ce matin pendant que je me rendais au marché » Il s’agit là d’une façon de souligner son appartenance au monde qui domine, qui est la première source et qui est constitué par l’élite et la grande noblesse du pays. Des exemples de ce genre, on peut citer des tonnes par jour. Dans la mémoire collective, la grande noblesse et l’élite ne sont pas dans l’univers universitaire et dans les partis politiques. Elle est seulement au sein du DRS. Et la presse n’est pas une source fiable et sûre. Par ailleurs, les militaires algériens, conseillés il est vrai par des experts militaires français, américains et russes, savent que la société algérienne est un terrain fertile à la rumeur et à l’intox. D’abord parce que celle-ci est dépouillée de sa citoyenneté et évolue de façon archaïque et primaire sans repères culturel et intellectuel. Et ensuite, elle perpétue de façon magistrale une tradition orale basée essentiellement sur le mythe et l’irrationalité.
Durant son règne personnel, le colonel Med Boukharouba qui a donné au régime totalitaire une âme, n’a pas arrêté un chat et demi dans les rangs de l’opposition. Pourtant, à ce jour, c’est tout le monde qui se souvient de ces années de terreur ou des centaines de milliers d’algériens ont été surpris dans leur sommeil par la police politique du dictateur Boukharouba et qu’on a fait disparaître à ce jour sans laisser la moindre trace. Qu’en est-il réellement dans les faits ? Deux amis sociologues à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-ouzou, ont ouvert les pages de cette douloureuse époque ou Boukharouba gérait d’une main de fer le pays. Ces deux sociologues, n’ont trouvé aucun cas de disparition ayant entaché le règne de Boukharouba. Les « opposants » qui parlent de disparition durant cette période, refusent de se rendre à l’évidence, parce qu’ils ne trouvent pas comment expliquer leur absence et leur peur devant le régime en place. On invente alors, loin de la réalité, un autre monde ou tout est justifié d’avance.
Il faut dire que 130 ans de colonisation et plus d’un demi siècle de règne totalitaire, ont épuisé le mental des algériennes et des algériens. Ces derniers avalent toutes les couleuvres sans demander pourquoi.
Le Quotidien d'Algérie - Radjef Sa