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La mémoire oubliée

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1La mémoire oubliée Empty La mémoire oubliée Ven 14 Déc - 13:58

admin"SNP1975"

admin
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La mémoire oubliée
par Lazhari Doukali *
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Même les derniers attentats, venus comme de sanglantes piqûres de rappel, n'ont pas réussi à réveiller notre conscience intellectuelle et morale. Dix longues années d'horreur demeurent encore enfouies dans nos têtes d'autruches apeurées réfugiées dans les sables chauds de l'inconscient collectif, et nous revoilà enveloppés de nouveau dans la capsule protectrice de l'Etat et goûtant voluptueusement à l'éden doxique d'un pays réenchanté.


Il ne s'agit pas de jouer ici à « monsieur le vivisecteur » de l'âme algérienne, et encore moins de sa mémoire, la tâche revient aux compétences qui définissent en propre la littérature. Seulement, il faut simplement convenir, que nos écrivains ont failli devant leur devoir pour souvent se transformer en sociologue de marché ; moins pour nous décrire comment un jeune homme ordinaire se transforme en tueur que pour livrer une explication économique et politique. Les intellectuels ont été quant à eux divisés selon une dichotomie douteuse entre « éradicateurs » et « réconciliateurs », les uns fournissant une science d'état au service de l'Etat [1], les autres un magasin de fourniture d'armes idéologiques pour sa destruction.

Il s'agit donc, dans les lignes qui suivent, de rendre raison comme on rend des comptes à l'aide d'un ensemble de données sociales autant qu'historiques de phénomènes qui ont meurtri l'Algérie pendant près d'une décennie.

Champ politique et champ religieux en Algérie : de la confrontation symbolique à la violence.

Il suffirait de donner libre cours à la sociologie spontanée des « savants » ou des demi-habiles pour enfermer définitivement les questions sur la sécularisation de l'Islam ou sa « laïcisation » dans les biais scolastiques. Pourtant, et on peut l'espérer, quelques précautions méthodiques induiraient une vigilance épistémologiques qui séparerait le bon grain théorique de l'ivraie, on allait dire de l'ivresse idéologique. J'ai volontairement choisi de parler des musulmans et non de l'Islam de séparer la religion et ses usages politiques qui eux demeurent, en toute raison sociaux. Mon intention ici n'est pas d'ordre théologique, je n'en ai pas les compétences, mais scientifique et plus précisément sociologique. En outre, il faut bien se rappeler que si tout le monde convient qu'il ne faut pas confondre les choses de la logique avec la logique des choses, force est de constater que souvent, nous confondons le pouvoir de la religion avec la religion du pouvoir et plus précisément de ceux qui détiennent le pouvoir de parler au nom de la religion.

Pour rentrer dans le vif du sujet, je ne résiste pas à la tentation de citer Max Weber pas seulement pour faire beau, mais pour souligner les différences sociales entre le corps de spécialistes que sont les professionnels de la religion en Inde, comme partout ailleurs dans le monde, et l'ensemble des autres agents sociaux et qui permet aux premiers « d'aborder la vie comme des penseurs préoccupés de son sens, et non comme des hommes engagés dans l'action pratique et impliqués dans les tâches de la vie » à la différence des paysans et des petits bourgeois qui « n'ont que faire des produits de la sotériologie de la couche distinguée (...) ils ne songent pas à désirer le nirvana, non plus que l'union avec le brahman. Et surtout : ils n'ont pas les moyens d'accéder à ces objectifs de salut. L'accès à la gnose exige en effet qu'on ait le loisir de se livrer à la méditation. Ils ne disposent pas de ce loisir et en règle générale, ne se sentent pas tenus de l'obtenir en menant une vie de pénitent dans la forêt ». S'il ne s'agit pas de transposer mutatis mutandis, les conditions de l'émergence d'un univers scolastique « d'intellectuels » en Inde ou dans n'importe quelle région du monde au monde musulman et arabe en particulier, on peut, raisonnablement, souligner pour l'exemple, la différence de condition et de position dans l'univers social, qui existe entre un cheikh d'El Azhar et un paysan analphabète de la haute Egypte ou entre un membre du conseil consultatif du FIS et un jeune sous prolétarisé de la banlieue d'Alger pour tenter de mettre à jour la structure du champ religieux.

La structure du champ religieux : qui contrôle les contrôleurs ?

La notion demi-savante de réislamisation des sociétés arabo-musulmanes qui a connu une bonne fortune tant éditoriale que médiatique s'appuie consciemment ou inconsciemment, peu importe, sur un pur constat qui repose sur l'antienne de la force intrinsèque des idées chère à Spinoza. Pourtant, la simple observation des pratiques montre à qui veut bien le voir, l'extrême variété des comportements qui vont de la stricte observance des règles à la leur pure violation. Aussi, la science sociale ne peut que s'attacher à comprendre et à décrire les conditions sociales dans lesquelles s'accomplissent les pratiques et les lieux où sont définies leur conformité et leurs écarts. Les dimensions de l'analyse proposée ici ne peuvent avoir leur sens que dans la mesure où l'on se donne les moyens de saisir la logique immanente du champ religieux dans le monde arabo-musulman comme espace objectif de distribution de positions avec les différentes espèces de capitaux qui leur sont attachées. A ce sujet, nous proposons de suivre une démarche webernienne et poser la question de la relation des « intellectuels » et des masses et celle de la manière dont les premiers répondent au « besoin rationnel » de justification de l'ordre établi et subi qui représente, selon Max Weber, une constante, un invariant anthropologique par-delà les disparités sociales des dispositions. « C'est parce que les intellectuels sont à même d'offrir aux masses des justifications rationnelles, quel qu'en soit l'habillage magique, qu'ils ont pris sur elles, et peuvent les domestiquer. Le lien qui les unit réside dans le travail rationnel de traduction d'une « théodicée de l'ordre social » opéré par les intellectuels à l'usage des masses ; les offres de salut, dans la variété de leurs codifications, et jusque dans leurs formes les moins intellectualistes, répondent à des « intérêts idéels » qui ne sont pas seulement ceux des intellectuels ».

Partant de cette vision, on voudrait formuler deux hypothèses directrices et considérer la réislamisation et son opposé symétrique la sécularisation comme des produits de la lutte entre le champ religieux et le champ du politique, deux instances concurrentes pour l'imposition des catégories légitimes de connaissance et de reconnaissance de l'ordre symbolique et matériel. Il faut ici, ouvrir une discussion dans un souci d'éclaircissement épistémologique, sur les conditions sociales de l'usage des concepts et du bon usage de la « théorie » qu'autorise la distance géographique et sociale au champ scientifique à l'intérieur duquel ils ont été forgés. Cela laisserait facilement voir comment la poursuite de la distinction et de l'originalité et tous les profits symboliques que procure le fait de les utiliser dans un champ scientifique dominé, loin de favoriser l'universalisme, ouvrent au contraire la voie au particularisme exotique et à l'usage non contrôlé de vrais faux concepts comme ceux « d'intégrisme », « d'islamisme » ou pire de « terrorisme ».

Dans la même logique, il faut au préalable soumettre à la critique toutes postures faussement intellectuelles des intellectuels arabes dont je suis, et qui ne sortent jamais sans exhiber comme une sorte de décoration leur titre de « docteur », et raisonnent et pensent en dominés qui ignorent les conditions sociales et historiques de leur position de dominés. Toutes choses qui les conduisent à penser et à définir et, surtout à se définir de manière négative, contre l'occident en général et les états unis en particulier. Il faudra bien un jour tirer toutes conséquences politiques et épistémologiques de cette posture qui conduit à fournir des biens usagés et dévalués sur le marché des biens symboliques et encore marqués par le recours obsessionnel à la théorie du complot qui érige l'autre en deux ex machina ou, pour parler le langage marxiste d'une autre époque ; un appareil capable de poser et de calculer en toutes conscience les fins qu'il poursuit et de les réaliser sans rencontrer de résistance.



LES LIMITES DU CHAMP RELIGIEUX



Si la question des limites des univers sociaux pose un redoutable problème aux sciences sociales celle des limites du champ religieux dans les formations sociales arabo-musulmanes redouble les difficultés. La confusion tient pour une part aux principes de légitimation des régimes qui mêlent à quelques exceptions près une légitimité qu'on peut qualifier de séculière et une légitimité religieuse énoncée clairement dans les textes constitutionnels dans lesquels il est affirmé que « L'islam est religion d'État ». Ce constat entraîne souvent la recherche dans des impasses, aussi bien méthodologiques que théoriques, dont on ne peut sortir qu'en posant que ce que le langage courant appelle réislamisation relève d'une lutte entre le champ politique et la fraction dominée du champ religieux sans pour autant qu'il y ait de différences notables dans les justifications de l'ordre établi. La ligne de fracture réside dans le fait que le champ religieux n'invoque qu'une théodicée (à ne pas confondre avec la théologie) orthodoxe, droite et de droite pourrait-on ajouter, alors que le champ du pouvoir fonde sa légitimité en mêlant théodicée et sociodicée ; le principe de cohésion pouvant se trouver dans la formation de compromis et de dépendance réciproque entre les deux pôles, voire même une division du travail de domination à l'exemple de ce qui se passe en Egypte : d'une part des besoins de légitimité des groupes dominants en fonction de la structure et le volume de leur capital, et de l'autre la lutte d'autres groupes pour exister au sein du champ du pouvoir. La structure ainsi esquissée enferme les deux pôles dans un cercle de causalité circulaire. Cet enfermement est visible aussi bien dans les structures du culte que dans les textes législatifs (le code de la famille en Algérie par exemple) montre le décalage entre les voeux pieux de régimes comme les régimes baathistes, le régime « socialiste » de Boumediène en Algérie et le recours de leurs dirigeants aux références religieuses dans leur discours d'État.



http://www.marocainsdalgerie.net

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admin"SNP1975"

admin
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2éme partie
L'ALGERIE : ESQUISSE D'UNE ANALYSE
DU CHAMP RELIGIEUX




S'il n'est pas question de nier les différences entre les pays, les contextes et les traditions nationaux, celles-ci demeurent justiciables d'une analyse sociologique. L'Algérie constitue un cas intéressant dans la mesure où les justifications de l'ordre social et symbolique tiennent pour une large part à la genèse et à la structure du champ politique et du champ religieux, mais également à l'histoire des luttes entre les deux pôles mais et l'intérieur de chacun deux. Dans la perspective d'une anamnèse salutaire, on peut citer des travaux comme la très belle thèse de Brahim Salhi qui montrent à travers l'analyse du processus de pénétration et d'enracinement de l'Islam en Algérie, la division du travail d'inculcation entre les khwans, membres des confréries soufies chargés de la transmission et de la diffusion orale, et les tolbas à qui incombait la fixation par l'écrit. Mais il n'est pas besoin de remonter loin dans l'histoire récente d'un pays récent comme l'Algérie pour montrer comment la culture religieuse savante importée du Moyen-Orient par des agents comme Abdelhamid Ben Badis et ses condisciples formés tous à la « modernité » et aux principes de « modernisation » de la théodicée prônées par Mohamed Abdou et de Rachid Ridha. Reprendre ici ce qui constitue pour Max Weber une constante anthropologique, suppose une analyse structurale du champ religieux en Algérie. Mais, au-delà de ces aspects, ce sont les positions dans le champ politique et les stratégies qu'elles dictent qui expriment le plus clairement les prises de postions. On peut de cette manière comprendre comment l'Association des Oulémas algériens défendit sa position de gardien de l'orthodoxie religieuse au détriment des zaouïas fortement implantées dans les campagnes algériennes, afin d'obtenir les privilèges associés à cette position. Ainsi, James Mac Dougall note que « l'AUMA ne croyait plus, depuis 1938, au partenariat avec l'administration pour le développement « moral et matériel » de l'Algérie pour lequel Ben Badis n'avait cessé de plaider au début de son mouvement. Et pourtant, leur projet jusqu'au début des années 1950 restait circonscrit par une stratégie prudente de négociation autour des questions qui leur semblaient primordiales - la gestion des biens habous, la liberté de prêche (bref la séparation du culte et de l'État ». A ce stade, il faut s'arrêter pour tirer toutes les conclusions de la prise de position d'une association dominante dans le champ religieux et politique comme l'AUMA qui offre un exemple historique et sociologique d'une revendication laïque émanant d'un groupe religieux et qui plus est, occupait une position dominante au sein du champ politico-religieux. Dans une analyse purement rétrospective que s'autorise l'historien, l'auteur écrit : « Leur stratégie, fondée sur une accumulation de ressources financières (...) et morales, par leur mainmise sur la gestion des biens habous, et donc d'une autorité qu'ils espéraient incontestée dans le champ religio-culturel, consistait, à terme, à obtenir un soutien des masses en vue de l'indépendance négociée sous leur égide avec la France et poursuivie devant les instances internationales ». Si les Ulémas pouvaient prétendre au titre de « guide spirituel » du peuple algérien, c'est essentiellement en raison du volume de leur capital économique et culturel que leur leader particulièrement le cheikh Abdelhamid Ben Badis et ses disciples ont converti en capital religieux, des faits qu'on peut voir par un simple parcours de la biographie de ce dernier, fut-elle officielle.

Le cheikh Abdelhamid Ben Badis est né le 5 décembre 1889 à Constantine, ville de l'Est algérien où il mourut le 16 avril 1940. Il appartenait à une famille patricienne dont l'origine remontait aux Zirides qui comptaient parmi eux le Bologhine Ibn Ziri, le fondateur d'Alger. Dès 1908, il rejoignit l'Université Zeitouna à Tunis où il subit l'influence de maîtres particulièrement de Tahar Ben Achour qui prônait le retour un à un Islam « purifié ». Ce fut durant son pèlerinage à la Mecque, qu'il approchât de près le mouvement rigoriste des Wahabites qu'il transporta avec lui en Algérie et qu'il entreprit de répandre avec l'aide de ses condisciples, tous formés à Tunis et au Moyen-Orient et tous familiarisés avec les idées de Mohamed Abdou et Rachid Rida. De retour en Algérie, ce groupe, soudé par un fort volume de capital religieux, entreprit la conquête de positions dominantes dans le champ religieux y comprit quand cette stratégie exigeait des alliances apparemment contre nature. Ainsi, en 1931, les réformistes sous la direction de A. Ben Badis s'unirent aux chefs des confréries religieuses qui détenaient un pouvoir symbolique très puissant sur la paysannerie dans les domaines de l'enseignement, l'arbitrage, l'hospitalité et les oeuvres de charité. C'est dans le Cercle du Progrès, lors de la réunion constitutive de l'Association des Oulémas algériens que Ben Badis fut élu président, entouré de fidèles comme Tayeb El-Okbi, Moubarak El-Mili, Bachir El-Ibrahimi et Larbi Tebessi. La conquête des positions hégémoniques au sein du champ religieux ainsi structuré autour de deux pôles, l'un réformiste, l'autre stigmatisé pour « traditionalisme » connut des luttes entre ses deux pôles.

Ce que l'on aperçoit donc à travers ces données historiques, n'est pas autre chose qu'une brève et sommaire esquisse d'une sociologie du champ religieux en Algérie, champ qui ne cessera de se transformer sous l'effet des luttes et selon les contextes économiques, culturels et politiques jusqu'à l'apparition du Front Islamique de Salut qui est pour l'essentiel, issu d'un processus de différenciation et d'autonomisation avec pour enjeu l'accès au contrôle des ressources de l'État et des pouvoirs qu'il procure. Si la position qu'a fini par occuper le FIS dans le champ politique algérien a laissé beaucoup de chercheurs sans voix théorique, c'est moins par un refus de savoir que par un ethnocentrisme épistémologique qui a conduit dans bien des cas à une impossibilité de penser la logique des pratiques et des représentations des classes dominées et leur position dans l'espace social qui a produit des habitus déchirés. Ce clivage des habitus de classe trouve le principe de son explication dans la désarticulation des structures objectives et des attentes subjectives facilement observable dans la structure du marché de l'emploi et dans la crise du système d'enseignement. Dans cette logique, la crise algérienne réside dans la crise de la sociodicée comme justification de l'ordre symbolique dominant, crise sur laquelle est venue se greffer une théodicée fournie par un groupe, i.e le FIS, lui-même dominé dans l'espace des positions possibles dans le champ politique. Si le Front Islamique de Salut s'est placé sur le plan d'une confrontation symbolique et armée avec le champ du pouvoir c'est, peut-on dire, au terme d'un processus historique dont il est possible de délimiter une scansion au moment de la création de l'association El Quiyam. En effet, l'indépendance acquise, le champ religieux va se structurer autour de l'association « El Quiyam El Islamya » (les valeurs islamiques) fondée en 1963 dont les dirigeants se définissaient comme les disciples du cheikh Abdelhamid Ibn Badis et dont certains furent ses compagnons. Cette association crée par Ahmed Sahnoun et Abdelatif Soltani comptait aussi des personnalités affiliées à l'école badisienne comme Hachemi Tijani, Amar Talbi, Abassi Madani. Contrairement à sa soeur aînée qui revendiquait le monopole des biens religieux au sens symbolique mais aussi matériels - les biens Habous - et luttait pour cela face au pouvoir colonial, l'association El Quiyam s'est très tôt définie en opposition aux détenteurs du pouvoir politique et au socialisme dénoncé dans le célèbre article « El Ichtiraquya Mazdakyia» qui valut l'incarcération du cheikh Bachir El-Ibrahimi et l'interdiction de l'association des Ulémas en 1964. La fraction au pouvoir somma ensuite l'ensemble des Oulémas de choisir entre la mosquée et l'enseignement. La lutte entre pouvoir temporel et pouvoir religieux fut poursuivie par Ahmed Sahnoun autour duquel s'étaient réunis notamment Abdelatif Soltani, Mosbah et Omar Larbaoui qui se sont opposés avec force à l'importation des différents « socialismes » de la part de Ben Bella d'abord et de Boumediène ensuite. Ils prenaient publiquement la parole dans les mosquées en dénonçant les déviations politiques, les atteintes aux libertés, le verrouillage de la société et les tentatives de déculturation entreprises par le régime en place ». C'est à la suite de l'exécution de Hassan El-Banna, le leader des Frères musulmans en Egypte par le régime de Gamal Abdel Nasser dénoncée dans la revue « Humanisme Musulman », que Boumediène prononça l'interdiction de l'association en 1964. Le cercle qui allait en s'élargissant était construit outre le cheikh Ahmed Sahnoun, autour d'une autre figure celle de Malek Bennabi « l'intellectuel » du mouvement politique islamique en Algérie. Ce dernier qui s'était démarqué de l'Association des Oulémas en raison de ses prises de positions durant la période coloniale, prônait non pas un simple retour au Salaf Essalih, mais « posait le problème en terme de culture et d'efficacité (il disait qu'il ne s'agissait pas de faire découvrir au musulman sa foi, mais de lui faire retrouver son efficacité); le musulman devait donc se reforger une mentalité conséquente avec le message coranique ».



LA LUTTE POUR L'AUTONOMIE




La volonté de conquérir une autonomie institutionnelle à l'égard du pouvoir politique s'est traduite par la constitution en 1971 d'un comité chargé de la collecte des fonds nécessaires à la construction de la mosquée El Arkam à Alger. Cette conquête de l'autonomie s'est aussi traduite par le refus d'Ahmed Sahnoun d'être rémunéré par le gouvernement pour l'exercice de son magistère d'imam. Mais, au-delà de cette intention en apparence téléologique, la construction de cette mosquée constitue dans l'histoire du processus d'autonomisation du champ religieux en Algérie, un début de matérialisation du symbolique si on veut bien considérer les lieux du culte indépendant des institutions étatiques comme des espaces concurrents pour la diffusion de contenus inséparablement normatifs et subversifs.

L'objet de ce texte, pour écarter toute lecture finaliste a été guidé par le souci de créer les conditions de possibilité d'une objectivation, de mise au jour de certaines lignes souterraines, des plis pour parler comme Gilles Deleuze. Si, comme le disait si bien Gaston Bachelard, « il n'y a de science que du caché », pourquoi ne pas contribuer à la mesure de nos moyens à voir un jour une aufklärung arabe avec les instruments de la science qui, faut-il le rappeler, demeurent le seul bien symbolique universel et peut-être faire avancer le rocher de Sisyphe d'un pouce. Les propositions énoncées dans ce texte, loin de fournir un produit fini, n'ont d'autre objectif que de proposer un modus operandi qui demande à être approfondi, voire rectifié. S'il trouve les conditions sociales et épistémologiques de son appropriation critique, dans tous les sens du terme, dans une logique savante, l'énergie, la libido sciendi n'aura pas été gaspillée en vain. On peut toujours rêver.


* Sociologue


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[1] On peut se reférer avec pertes et profits à Liès Boukra : La terreur sacrée,
Paris, Fayard, 1996.

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