Le Maghreb sur une poudrière
Par :Zahir Benmostepha, Liberté, 23 décembre 2007
La menace brandie par le Front Polisario de reprendre les armes contre le Maroc, en cas d’échec des négociations en cours sous l’égide de l’ONU, rappelle que la région du Maghreb est toujours grosse d’un ensemble de tensions et de conflits larvés, qui donnent un éclairage particulier à la politique de défense, très active et aux allures de veillée d’armes, ces derniers temps, au Maroc, en Algérie et en Libye.
Les positionnements différenciés dans le système international, par exemple, ou encore la persistance des contentieux frontaliers pèsent aujourd’hui sur la nature des relations intermaghrébines, dirions-nous, faussement amicales. L’achat du matériel militaire à tour de bras par les pays de la région ou encore la militarisation du budget dans un pays comme le Maroc que justifient difficilement des capacités financières, encore moins un effort de guerre dans la perspective d’un affrontement armé avec le Front Polisario, recèlent des ingrédients qui n’incitent guère à la sérénité et placent peut-être le Maghreb sur une véritable poudrière.
Une poudrière qui reste également alimentée par la menace que fait peser Al-Kadhafi sur la Tunisie, ne laissant pas ainsi ce pays en reste de la course à l’armement. Il est vrai que cette course à l’armement peut trouver son explication dans la volonté de chaque pays de mieux se positionner sur le plan géostratégique en tant que puissance régionale, et donc d’être le meilleur interlocuteur des grandes puissances, mais cette course au leadership ne peut s’absoudre de l’arrière-pensée d’en découdre, en cas de conflit frontalier.
Quand l’Algérie, sous embargo depuis 15 ans, a décidé de rénover ses équipements militaires, le Maroc y a vu un effort dirigé contre lui. Paraît-il, c’est dans un souci de maintenir un équilibre de forces régionales que le royaume s’est attelé à faire dans la surenchère en matière d’achat de matériel militaire et à augmenter d’une manière significative les effectifs de son armée.
Cependant, le palais royal ne peut être quitte du soupçon qui veut que Mohammed IV soit convaincu que l’indépendance du Sahara occidental entraînera la disparition de la dynastie des Alaouites. Et déjà du côté du Maroc, un bruit de bottes est en train de faire écho aux menaces de reprise des hostilités par le Front Polisario. Force est de dire que le conflit du Sahara occidental reste cet ingrédient explosif qui menace la stabilité de toute la région, particulièrement au regard que projette le Maroc sur l’Algérie si le conflit vient à reprendre.
Le réveil de vieux démons liés au projet du Grand- Maroc, auquel le palais royal n’a pas renoncé, peut encore le pousser à revendiquer une partie du territoire algérien. En ce sens, convenons-nous, que le pays voisin n’a jamais raté une occasion pour affaiblir l’Algérie, particulièrement au plus fort de la décennie sanglante où les armes et les munitions qui arrivaient aux maquis terroristes transitaient avec la bénédiction des autorités marocaines par les frontières ouest. On peut même en dire autant des frontières est. Ceci pour signifier qu’en dépit de l’expression de sentiments de fraternité et de bon voisinage, le régime marocain — autant d’ailleurs que le régime libyen — a tout à gagner dans une Algérie déstabilisée, amoindrie économiquement et militairement. Rappelons le doigt accusateur vers l’étranger du président de la République juste après l’attentat qui l’avait visé à Batna, et interrogeons-nous : qui de tous les pays peut tirer un avantage certain de la déstabilisation de l’Algérie ? N’est-ce pas qu’à un moment où l’Algérie était dans la tourmente, le palais royal évoquait avec cynisme le laboratoire que constituerait notre pays pour l’exercice du pouvoir par des islamistes ? Et il est aujourd’hui certain que la suprématie militaire de l’Algérie dans la région du Maghreb reste un facteur de stabilité dès lors qu’elle est surtout dissuasive.
Cependant, le conflit du Sahara occidental et le terrorisme ne sont pas les seuls ingrédients qui font de la région une poudrière. Dans cette veine, il y a lieu de citer également les rébellions touaregs au Niger et au Mali derrière lesquelles se profile l’embrasement aux frontières sud de l’Algérie. Ceci sans omettre de souligner que cette question touche directement pas moins de six pays, le Mali, le Niger, la Mauritanie, l’Algérie, le Tchad et la Libye. Faut-il donc mentionner que sur cette question, l’Algérie aura été le stabilisateur pour dire que, par ailleurs, notre pays n’a jamais nourri d’intentions belliqueuses à l’encontre de ses voisins.
À ce titre, rappelons les accords de paix signés en 1996 au Niger, sous le parrainage de l’Algérie, rétablissant le calme dans la région. Ou encore le rôle de premier plan de notre pays, en mars 1995, à Tombouctou, au Mali. Dans les deux pays, des rebelles ont été intégrés dans l’armée régulière. Citons également dans ce sens la médiation algérienne qui déboucha sur un accord de paix signé le 4 juillet 2006. Mais toujours est-il que cette région aride recèle néanmoins des richesses comme l’uranium et le pétrole qui aiguisent bien des appétits. Et ce qui ne gâte rien, il est toujours utile de rappeler le vieux rêve d’Al-Kadhafi de fédérer cette région, déjà sous la menace d’autres facteurs de déstabilisation comme le trafic de drogue, tabac, armes... Le Maghreb gagnera sûrement à dépasser les professions de foi et à se délester de cette hypocrisie qui rend l’ambitieux projet de l’UMA hypothétique.
Zahir Benmostepha
Par :Zahir Benmostepha, Liberté, 23 décembre 2007
La menace brandie par le Front Polisario de reprendre les armes contre le Maroc, en cas d’échec des négociations en cours sous l’égide de l’ONU, rappelle que la région du Maghreb est toujours grosse d’un ensemble de tensions et de conflits larvés, qui donnent un éclairage particulier à la politique de défense, très active et aux allures de veillée d’armes, ces derniers temps, au Maroc, en Algérie et en Libye.
Les positionnements différenciés dans le système international, par exemple, ou encore la persistance des contentieux frontaliers pèsent aujourd’hui sur la nature des relations intermaghrébines, dirions-nous, faussement amicales. L’achat du matériel militaire à tour de bras par les pays de la région ou encore la militarisation du budget dans un pays comme le Maroc que justifient difficilement des capacités financières, encore moins un effort de guerre dans la perspective d’un affrontement armé avec le Front Polisario, recèlent des ingrédients qui n’incitent guère à la sérénité et placent peut-être le Maghreb sur une véritable poudrière.
Une poudrière qui reste également alimentée par la menace que fait peser Al-Kadhafi sur la Tunisie, ne laissant pas ainsi ce pays en reste de la course à l’armement. Il est vrai que cette course à l’armement peut trouver son explication dans la volonté de chaque pays de mieux se positionner sur le plan géostratégique en tant que puissance régionale, et donc d’être le meilleur interlocuteur des grandes puissances, mais cette course au leadership ne peut s’absoudre de l’arrière-pensée d’en découdre, en cas de conflit frontalier.
Quand l’Algérie, sous embargo depuis 15 ans, a décidé de rénover ses équipements militaires, le Maroc y a vu un effort dirigé contre lui. Paraît-il, c’est dans un souci de maintenir un équilibre de forces régionales que le royaume s’est attelé à faire dans la surenchère en matière d’achat de matériel militaire et à augmenter d’une manière significative les effectifs de son armée.
Cependant, le palais royal ne peut être quitte du soupçon qui veut que Mohammed IV soit convaincu que l’indépendance du Sahara occidental entraînera la disparition de la dynastie des Alaouites. Et déjà du côté du Maroc, un bruit de bottes est en train de faire écho aux menaces de reprise des hostilités par le Front Polisario. Force est de dire que le conflit du Sahara occidental reste cet ingrédient explosif qui menace la stabilité de toute la région, particulièrement au regard que projette le Maroc sur l’Algérie si le conflit vient à reprendre.
Le réveil de vieux démons liés au projet du Grand- Maroc, auquel le palais royal n’a pas renoncé, peut encore le pousser à revendiquer une partie du territoire algérien. En ce sens, convenons-nous, que le pays voisin n’a jamais raté une occasion pour affaiblir l’Algérie, particulièrement au plus fort de la décennie sanglante où les armes et les munitions qui arrivaient aux maquis terroristes transitaient avec la bénédiction des autorités marocaines par les frontières ouest. On peut même en dire autant des frontières est. Ceci pour signifier qu’en dépit de l’expression de sentiments de fraternité et de bon voisinage, le régime marocain — autant d’ailleurs que le régime libyen — a tout à gagner dans une Algérie déstabilisée, amoindrie économiquement et militairement. Rappelons le doigt accusateur vers l’étranger du président de la République juste après l’attentat qui l’avait visé à Batna, et interrogeons-nous : qui de tous les pays peut tirer un avantage certain de la déstabilisation de l’Algérie ? N’est-ce pas qu’à un moment où l’Algérie était dans la tourmente, le palais royal évoquait avec cynisme le laboratoire que constituerait notre pays pour l’exercice du pouvoir par des islamistes ? Et il est aujourd’hui certain que la suprématie militaire de l’Algérie dans la région du Maghreb reste un facteur de stabilité dès lors qu’elle est surtout dissuasive.
Cependant, le conflit du Sahara occidental et le terrorisme ne sont pas les seuls ingrédients qui font de la région une poudrière. Dans cette veine, il y a lieu de citer également les rébellions touaregs au Niger et au Mali derrière lesquelles se profile l’embrasement aux frontières sud de l’Algérie. Ceci sans omettre de souligner que cette question touche directement pas moins de six pays, le Mali, le Niger, la Mauritanie, l’Algérie, le Tchad et la Libye. Faut-il donc mentionner que sur cette question, l’Algérie aura été le stabilisateur pour dire que, par ailleurs, notre pays n’a jamais nourri d’intentions belliqueuses à l’encontre de ses voisins.
À ce titre, rappelons les accords de paix signés en 1996 au Niger, sous le parrainage de l’Algérie, rétablissant le calme dans la région. Ou encore le rôle de premier plan de notre pays, en mars 1995, à Tombouctou, au Mali. Dans les deux pays, des rebelles ont été intégrés dans l’armée régulière. Citons également dans ce sens la médiation algérienne qui déboucha sur un accord de paix signé le 4 juillet 2006. Mais toujours est-il que cette région aride recèle néanmoins des richesses comme l’uranium et le pétrole qui aiguisent bien des appétits. Et ce qui ne gâte rien, il est toujours utile de rappeler le vieux rêve d’Al-Kadhafi de fédérer cette région, déjà sous la menace d’autres facteurs de déstabilisation comme le trafic de drogue, tabac, armes... Le Maghreb gagnera sûrement à dépasser les professions de foi et à se délester de cette hypocrisie qui rend l’ambitieux projet de l’UMA hypothétique.
Zahir Benmostepha