Ahmed Osman, ancien Premier ministre «Nous n’avons pas le voisin que nous méritons» Durant ses quatre décennies dans de hauts postes politiques, Ahmed Osman a été associé aux grands dossiers inscrits au titre des rapports conflictuels avec l'Algérie. Propos recueillis par Mustapha Sehimi |
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Maroc Hebdo International : Comment analysez-vous le refus d’Alger de la main tendue par le Maroc à propos de l’ouverture des frontières? Ahmed Osman : Cela fait mal au cœur! Depuis toujours, le Maroc a été bienveillant et compréhensif à l’égard de ce pays. Plus encore, solidaire dans l’épreuve. Je veux faire référence ici à certains faits historiques présents dans la mémoire collective des deux peuples: le refus de Mohammed V opposé au général de Gaulle de régler le contentieux frontalier avec l’Algérie tant que ce pays ne serait pas indépendant, la solidarité agissante témoignée devant les instances internationales, le concours apporté par le Royaume - Roi, FAR et peuple - dans la lutte de libération nationale aux frères du FLN… Qu’y a-t-il derrière cette attitude de l’Algérie ? Ahmed Osman : Je ne comprends toujours pas ce blocage ; il n’est dans l’intérêt de personne. Que veut l’Algérie ? A-t-elle une claire conscience de ses intérêts supérieurs ? Que gagne-t-elle à nourrir constamment un climat de tension, au lieu de conjuguer ses efforts avec nous pour édifier et promouvoir l’unité maghrébine ? Pour répondre plus précisément à votre question, les explications ne manquent pas. Pour certains, cette hostilité est la traduction d’un état d’esprit fortement prégnant dans la hiérarchie militaire au pouvoir : elle n’a trouvé de substitut à sa légitimité déficitaire que dans l’animosité envers le Maroc. Pour d’autres, il s’agit de fournir à bon compte au discours officiel algérien un facteur de nuisance contre le voisin pour l’aider, autant que faire se peut, à trouver un contenu. Dans cet esprit, les gouvernants d’Alger n’acceptent pas que leur “modèle”, présenté durant les trois premières décennies qui ont suivi l’indépendance accuse un tel échec historique et économique alors que le Maroc, présenté comme étant un “contre-modèle”, a fait la preuve qu’il avait fait le bon choix. Vous avez bien connu les dirigeants algériens… Ahmed Osman : Oui, bien sûr. J’ai souvent reçu, ici chez moi, Abdelaziz Bouteflika, en dehors des rencontres officielles. A l’époque, ses sentiments à l’égard du Maroc étaient fraternels et encourageants. J’ai bien connu aussi Larbi Belkheir, actuel ambassadeur à Rabat, qui partageait le même état d’esprit. Je veux aussi citer Mohamed Boudiaf, dirigeant historique du FLN et qui s’était réfugié depuis 1963 au Maroc, séjournant à Kénitra. La veille de son départ pour Alger, au début de janvier 1992 - alors qu’il avait été appelé pour présider le Haut Conseil de l’État (HCE) remplaçant la tête de l’État - il m’avait rendu visite au siège du Parlement, que je présidais alors. Il avait tenu à me transmettre ce message à l’attention de feu SM Hassan II : “Dites bien à Sa Majesté que je vais régler au plus tôt la question du Sahara. Je le ferai avec un esprit maghrébin constructif…” Six mois après, il a été assassiné par la junte militaire dans des conditions connues de tous… C’est vous dire que nous n’avons pas, hélas, le voisin que nous méritons. Un grand espoir était né, à la fin des années quatre-vingt, avec la normalisation engagée lors de la présidence de Chadli Benjedid : les frontières ouvertes, le sommet de Marrakech créant l’UMA en février 1989… Tout cela a été remis en cause alors que l’édification du Maghreb est une nécessité économique et un idéal pour nos peuples. |
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