Alger baigne dans sa saleté
21-05-2008
Par Amel Bouakba
La scène est courante et fait désormais partie du décor qui caractérise de manière persistante nos villes et nos quartiers. Des gens qui jettent la poubelle par le balcon, des décharges à ciel ouvert, des collectivités locales démissionnaires. A l’approche de l’été, période à haut risque de maladies liées à l’hygiène, les sujets relatifs à l’environnement rebondissent de plus bel. Alger et les grandes villes croulent sous le poids de la pollution. Les stratégies de dépollution et de protection de l’environnement menées depuis le début des années 2000 ne semblent pas porter leurs fruits. Le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme s’en défend. Les responsables au niveau de ce département mettent en cause le comportement du citoyen accusé d’incivisme et relèvent la défaillance des collectivités locales et l’absence de bonne gouvernance et de coordination entre les différents organismes et institutions concernés par la question environnementale. Il est certain qu’il reste beaucoup à faire dans notre pays en matière de protection de l’environnement en dépit de la batterie d’instruments juridiques promulgués et des mesures coercitives.
Où est passée la police de l’environnement ?
La dégradation de l’environnement a un impact direct sur la santé et la qualité de vie de la population. Les Algériens ont de plus en plus de mal à respirer ; des centaines de personnes ont fini par être atteints de maladies respiratoires à cause de la pollution. Les lois et les mesures décidées mises en œuvre en matière de protection de l’environnement connaissent, malheureusement, des failles sur le terrain, déplorent les fervents défenseurs de l’environnement et les représentants du mouvement associatif vert.
Le président de l’association Protection de l’environnement de Boumerdès, Riad Bendaoud, s’en prend aux collectivités locales et aux institutions censées mener à bien les stratégies pour freiner la pollution. «Il y a un vrai problème de gestion», dit-il, en déplorant le fait qu’«on soit un pays riche pour un peuple de plus en plus pauvre qui souffre de sempiternels problèmes de saleté, d’absence d’hygiène et de prolifération de maladies de toutes sortes. Personne n’assume son rôle», ajoute-t-il.
Que devient la police de l’environnement censée constater sur le terrain les infractions et les atteintes à l’environnement ? Où sont passés les inspecteurs et les délégués de l’environnement ? s’interroge à juste titre le citoyen. Pour les responsables du ministère de l’Environnement, la police de l’environnement relève de la DGSN.
Les collectivités locales, elles, justifient leur laxisme par l’absence de moyens dans la lutte contre l’insalubrité. Les services d’hygiène et de propreté, à l’exemple de Netcom et Hurbal, estiment assumer leurs missions mais dénoncent l’incivisme.
L’incivisme encore et toujours. Netcom est une EPIC chargée de collecter les déchets ménagers, de les transporter et de les mettre en décharge. Selon ses responsables, le citoyen est responsable de l’insalubrité ambiante car il ne respecte pas les horaires de ramassage des ordures. Pour Mlle Dalila Boudjemaa, directrice générale à l’environnement au département de Cherif Rahmani, il est primordial d’axer les efforts de sensibilisation en direction des citoyens et des générations montantes, notamment en milieu scolaire. Ce volet est prioritaire, c’est pourquoi le ministère a placé le citoyen et le travail de proximité au cœur de ses stratégies. D’importantes campagnes sont menées dans ce sens, dit-elle. Evoquant l’importance d’inculquer le réflexe environnemental à l’enfant, elle fera part de l’introduction dans le processus scolaire de la dimension environnementale, en plus de la création de clubs verts.
Elle ajoutera que, dans ce cadre, 1 400 enseignants ont été formés et que 150 000 outils pédagogiques seront distribués à la prochaine rentrée scolaire. Dans le domaine de la sensibilisation à cette question, des opérations sont également initiées, avec l’implication active des citoyens, précisera-t–elle. Elle citera, à ce propos, l’initiative, «J’aime mon quartier», lancée à Staouéli afin d’inculquer la fibre
éco-citoyenne.
Tout en estimant que l’environnement est l’affaire de tous et que tout le monde doit s’impliquer, cette même responsable évoquera la défaillance des collectivités locales, car celles–ci, souligne-t-elle, ne sont pas partie prenante dans notre lutte effrénée contre la pollution.
Qui est responsable de la disparition des espaces verts ?
L’incroyable avancée du béton a défiguré le visage d’Alger la Blanche. La disparition des espaces verts au profit de l’urbanisation anarchique donne grise mine aux villes algériennes. Qui est responsable de la disparition des espaces verts ? Pour Mlle Boudjemaa, le ministère de l’Environnement a prévu des espaces verts un peu partout mais la responsabilité de leur dégradation incombe au citoyen. Les plans urbanistiques ne respectent pas la donne environnementale. Depuis quelques années, les constructions anarchiques ont poussé comme des champignons. Les villas avec jardins ont disparu et ont cédé la place à un enchaînement de constructions et de bâtisses tout à fait austères. Autre volet qui revêt une importance capitale : le principe du pollueur payeur. Mais ce dernier ont du mal à être appliqué sur le terrain au même titre que le reste des textes contraignants.
Il faut commencer par faire payer aux gros pollueurs comme les industriels qui causent d’énormes préjudices à l’environnement, les torts causés à l’écologie. Or, la réalité est là. Les taxes existent mais leur application peine à prendre forme. Il faut savoir que les installations industrielles sont soumises au préalable, conformément à la loi, à une étude de danger élaborée par un bureau d’études agréé par le ministère de l’Environnement et à une étude d’impact sur l’environnement.
Ces études ont pour objet d’évaluer les risques écologiques et de prévenir les dangers sur la santé de la population et l’environnement. La nouvelle réglementation oblige également chaque exploitant d’une installation industrielle à désigner un délégué à l’environnement au sein de sa structure. Il existe, à ce jour, 1 200 délégués à l’environnement, ce qui est insuffisant. D’autre part, une centaine de contrats de performance environnementale ont été signés, depuis 2001, entre le département de Rahmani et les industriels. Ces derniers s’engagent, à la faveur de ce contrat qui s’étale sur une période de quatre à cinq ans, à respecter l’environnement et à investir dans ce domaine. Les déchets hospitaliers posent un véritable problème dans notre pays, surtout lorsqu’on sait que les hôpitaux algériens, notamment l’une des structures les plus importantes comme le CHU Mustapha, ne sont pas dotés d’incinérateurs répondant aux normes internationales. C’est le constat fait par les responsables du ministère de l’Environnement, qui tirent la sonnette d’alarme et qui n’ont pas hésité à attirer l’attention du département d’Amar Tou.
Les hôpitaux ne disposent pas d’incinérateurs sécurisés !
Le CHU Mustapha dispose de deux incinérateurs, mais l’un n’est pas fonctionnel, et l’autre ne répond pas aux normes, avertit-on. Les déchets hospitaliers qui sont actuellement brûlés représentant un grand danger et les hôpitaux algériens sont impérativement appelés à se doter d’incinérateurs. Le seul qui est en voie d’acquérir cet équipement est l’hôpital de Kouba, dans le cadre d’une coopération algéro-belge, apprend-on L Algérie doit faire face à des défis de plus en plus complexes dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Mais il semble de plus en plus difficile d’atteindre les objectifs escomptés dans un pays comme l’Algérie, caractérisé par la déliquescence et l’anarchie qui règnent en maître dans la gestion des affaires publiques et des collectivités locales.
Il demeure primordial que l’urgence est d’enraciner le réflexe de développement durable dans notre système de gouvernance et d’inscrire dans la stratégie de développement les questions liées à la protection de l’environnement dans le processus décisionnel.
La Tribune
21-05-2008
Par Amel Bouakba
La scène est courante et fait désormais partie du décor qui caractérise de manière persistante nos villes et nos quartiers. Des gens qui jettent la poubelle par le balcon, des décharges à ciel ouvert, des collectivités locales démissionnaires. A l’approche de l’été, période à haut risque de maladies liées à l’hygiène, les sujets relatifs à l’environnement rebondissent de plus bel. Alger et les grandes villes croulent sous le poids de la pollution. Les stratégies de dépollution et de protection de l’environnement menées depuis le début des années 2000 ne semblent pas porter leurs fruits. Le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme s’en défend. Les responsables au niveau de ce département mettent en cause le comportement du citoyen accusé d’incivisme et relèvent la défaillance des collectivités locales et l’absence de bonne gouvernance et de coordination entre les différents organismes et institutions concernés par la question environnementale. Il est certain qu’il reste beaucoup à faire dans notre pays en matière de protection de l’environnement en dépit de la batterie d’instruments juridiques promulgués et des mesures coercitives.
Où est passée la police de l’environnement ?
La dégradation de l’environnement a un impact direct sur la santé et la qualité de vie de la population. Les Algériens ont de plus en plus de mal à respirer ; des centaines de personnes ont fini par être atteints de maladies respiratoires à cause de la pollution. Les lois et les mesures décidées mises en œuvre en matière de protection de l’environnement connaissent, malheureusement, des failles sur le terrain, déplorent les fervents défenseurs de l’environnement et les représentants du mouvement associatif vert.
Le président de l’association Protection de l’environnement de Boumerdès, Riad Bendaoud, s’en prend aux collectivités locales et aux institutions censées mener à bien les stratégies pour freiner la pollution. «Il y a un vrai problème de gestion», dit-il, en déplorant le fait qu’«on soit un pays riche pour un peuple de plus en plus pauvre qui souffre de sempiternels problèmes de saleté, d’absence d’hygiène et de prolifération de maladies de toutes sortes. Personne n’assume son rôle», ajoute-t-il.
Que devient la police de l’environnement censée constater sur le terrain les infractions et les atteintes à l’environnement ? Où sont passés les inspecteurs et les délégués de l’environnement ? s’interroge à juste titre le citoyen. Pour les responsables du ministère de l’Environnement, la police de l’environnement relève de la DGSN.
Les collectivités locales, elles, justifient leur laxisme par l’absence de moyens dans la lutte contre l’insalubrité. Les services d’hygiène et de propreté, à l’exemple de Netcom et Hurbal, estiment assumer leurs missions mais dénoncent l’incivisme.
L’incivisme encore et toujours. Netcom est une EPIC chargée de collecter les déchets ménagers, de les transporter et de les mettre en décharge. Selon ses responsables, le citoyen est responsable de l’insalubrité ambiante car il ne respecte pas les horaires de ramassage des ordures. Pour Mlle Dalila Boudjemaa, directrice générale à l’environnement au département de Cherif Rahmani, il est primordial d’axer les efforts de sensibilisation en direction des citoyens et des générations montantes, notamment en milieu scolaire. Ce volet est prioritaire, c’est pourquoi le ministère a placé le citoyen et le travail de proximité au cœur de ses stratégies. D’importantes campagnes sont menées dans ce sens, dit-elle. Evoquant l’importance d’inculquer le réflexe environnemental à l’enfant, elle fera part de l’introduction dans le processus scolaire de la dimension environnementale, en plus de la création de clubs verts.
Elle ajoutera que, dans ce cadre, 1 400 enseignants ont été formés et que 150 000 outils pédagogiques seront distribués à la prochaine rentrée scolaire. Dans le domaine de la sensibilisation à cette question, des opérations sont également initiées, avec l’implication active des citoyens, précisera-t–elle. Elle citera, à ce propos, l’initiative, «J’aime mon quartier», lancée à Staouéli afin d’inculquer la fibre
éco-citoyenne.
Tout en estimant que l’environnement est l’affaire de tous et que tout le monde doit s’impliquer, cette même responsable évoquera la défaillance des collectivités locales, car celles–ci, souligne-t-elle, ne sont pas partie prenante dans notre lutte effrénée contre la pollution.
Qui est responsable de la disparition des espaces verts ?
L’incroyable avancée du béton a défiguré le visage d’Alger la Blanche. La disparition des espaces verts au profit de l’urbanisation anarchique donne grise mine aux villes algériennes. Qui est responsable de la disparition des espaces verts ? Pour Mlle Boudjemaa, le ministère de l’Environnement a prévu des espaces verts un peu partout mais la responsabilité de leur dégradation incombe au citoyen. Les plans urbanistiques ne respectent pas la donne environnementale. Depuis quelques années, les constructions anarchiques ont poussé comme des champignons. Les villas avec jardins ont disparu et ont cédé la place à un enchaînement de constructions et de bâtisses tout à fait austères. Autre volet qui revêt une importance capitale : le principe du pollueur payeur. Mais ce dernier ont du mal à être appliqué sur le terrain au même titre que le reste des textes contraignants.
Il faut commencer par faire payer aux gros pollueurs comme les industriels qui causent d’énormes préjudices à l’environnement, les torts causés à l’écologie. Or, la réalité est là. Les taxes existent mais leur application peine à prendre forme. Il faut savoir que les installations industrielles sont soumises au préalable, conformément à la loi, à une étude de danger élaborée par un bureau d’études agréé par le ministère de l’Environnement et à une étude d’impact sur l’environnement.
Ces études ont pour objet d’évaluer les risques écologiques et de prévenir les dangers sur la santé de la population et l’environnement. La nouvelle réglementation oblige également chaque exploitant d’une installation industrielle à désigner un délégué à l’environnement au sein de sa structure. Il existe, à ce jour, 1 200 délégués à l’environnement, ce qui est insuffisant. D’autre part, une centaine de contrats de performance environnementale ont été signés, depuis 2001, entre le département de Rahmani et les industriels. Ces derniers s’engagent, à la faveur de ce contrat qui s’étale sur une période de quatre à cinq ans, à respecter l’environnement et à investir dans ce domaine. Les déchets hospitaliers posent un véritable problème dans notre pays, surtout lorsqu’on sait que les hôpitaux algériens, notamment l’une des structures les plus importantes comme le CHU Mustapha, ne sont pas dotés d’incinérateurs répondant aux normes internationales. C’est le constat fait par les responsables du ministère de l’Environnement, qui tirent la sonnette d’alarme et qui n’ont pas hésité à attirer l’attention du département d’Amar Tou.
Les hôpitaux ne disposent pas d’incinérateurs sécurisés !
Le CHU Mustapha dispose de deux incinérateurs, mais l’un n’est pas fonctionnel, et l’autre ne répond pas aux normes, avertit-on. Les déchets hospitaliers qui sont actuellement brûlés représentant un grand danger et les hôpitaux algériens sont impérativement appelés à se doter d’incinérateurs. Le seul qui est en voie d’acquérir cet équipement est l’hôpital de Kouba, dans le cadre d’une coopération algéro-belge, apprend-on L Algérie doit faire face à des défis de plus en plus complexes dans le domaine de l’environnement et du développement durable. Mais il semble de plus en plus difficile d’atteindre les objectifs escomptés dans un pays comme l’Algérie, caractérisé par la déliquescence et l’anarchie qui règnent en maître dans la gestion des affaires publiques et des collectivités locales.
Il demeure primordial que l’urgence est d’enraciner le réflexe de développement durable dans notre système de gouvernance et d’inscrire dans la stratégie de développement les questions liées à la protection de l’environnement dans le processus décisionnel.
La Tribune