Il faut saluer et remercier les kabyles pour s'avoir sacrifie et pour vous avoir donne cette liberte. Vous leurs devez cette ennorme dette. Lurcher
Interview accordée à l’hebdomadaire « Le Régional de Bejaïa »
Un peuple sans identité est un peuple sans dignité
Quelle analyse faites-vous de la situation prévalant en Kabylie et votre avis sur l'organisation des Aarch de Kabylie?
Ce que vit la Kabylie depuis une année est l'expression d'un ras le bal généralisé qu'on peut trouver chez toute la population algérienne. Le mérite des habitants de cette région c'est qu'ils ont exprimé leur rejet du pouvoir en place de manière sans équivoque. Ils ont démontré une fois de plus qu'à travers eux, le peuple algérien est indomptable. Il a été clairement démontré que les populations ne sont pas sorties dans la rue pour revendiquer la reconnaissance de notre identité berbère, mais les revendications sont plus profondes. Elles sont d'essence démocratiques. Le peuple a besoin de travail, de logement, d'hôpitaux, d'écoles de justice et de dignité. Cette dernière ne peut être assurée sans une reconnaissance de notre identité. Car, un peuple sans identité est un peuple sans dignité.
Ce qui s'est passé en Kabylie, malgré les tentatives d'étouffement et la dénaturation des revendications par les médias lourds à la solde du pouvoir, ne sont pas restées sans écho dans le reste de l'Algérie. Les populations sorties à Oum El BOuaghi, El Tarf, Guelma dans l'Est, dans plusieurs contrées de l'Ouest et même au Sud sont la preuve éclatante que les évènements de la Kabylie concernent toute l'Algérie.
Vous parlez souvent de commanditaires d'assassinats de jeunes en Kabylie, pouvez vous nous dire plus?
Pensez-vous que les gendarmes et les policiers qui ont tiré sur des manifestants aux mains nues s'ils n'avaient pas reçu d'ordre, ils se seraient permis d'assassiner des dizaines d'Algériens? S'ils étaient pas chauffés par leurs supérieurs et s'ils n'avaient pas reçu des ordres strictes ils n'auraient jamais tiré une seule balle. Après l'assassinat du jeune Guermah et les autres jeunes qui ont inscrit leurs noms sur la longue liste des martyrs de la démocratie y-a-t-il eu un seul responsable de la gendarmerie sanctionné? Le général Boustila, commandant en chef de la gendarmerie a-t-il été inquiété?
Nous sommes au 21èm siècle et nos gouvernants continuent à pousser le mépris jusqu'à ordonner à ce qu'on tire à balles réelles sur des manifestants qui sortent crier haut et fort leur rejet d'un pouvoir qui a plongé le pays dans le chaos. L'assassinat de plus d'une centaine de manifestants en Kabylie et l'arrestations de dizaines d'autres n'est pas le fait d'exactions ou d'actes isolés par des gendarmes ou des policiers. Le pouvoir est responsable de ces assassinats. C'est pour cette raison que je saisis le procureur du tribunal d'Alger pour déposer plainte contre le président Abdelaziz Bouteflika en sa qualité de chef suprême des armées pour sa responsabilité dans l'assassinat des manifestants. Je le poursuis, aussi, en justice en ma qualité de simple citoyen algérien, pour atteinte à l'unité nationale en s'obstinant à organiser des législatives malgré le boycott décrété par les populations de toute une région. Je saisis, également, le procureur de la république du tribunal militaire de BLida pour déposer plainte contre le général Boustila pour les mêmes chefs d'inculpation, ainsi que les autres membres de la mafia que j'ai cités dans mon livre "La Mafia des Généraux".
Ait Ahmed le leader du FFS accuse les Moukhabarates d'avoir fabriqué les Aarouch est ce vrai?
Arrêtons de douter des capacités de mobilisation de notre peuple. Arrêtons de voir les Moukhabarates dans tout mouvement de revendication populaire. Avec tout le respect que je dois à M. Hocine Aït-Ahmed, je lui rappelle que ceux qui ont déclenché la révolution armée du 1er novembre 1954 (et il en faisait partie) ont été accusés d'être manipulés par les Moukhabarates égyptiennes.
Cette accusation est une insulte à notre peuple et à ces jeunes qui ont donné leur vie pour que la démocratie triomphe en Algérie. J'estime que le mouvement des Arouch est un mouvement citoyen qui a su transcender les clivages partisans et pris de vitesse les partis politiques qui font dans la politique politicienne. Il appartient, aujourd'hui, à ces partis de se mettre à l'écoute de ce mouvement populaire et faire de sorte qu'il englobe les autres régions du pays.
Si un parti politique se trouve dépassé par le mouvement des citoyens, il fera mieux de lui emboîter le pas et mettre à sa disposition ses capacités de mobilisation pour le renforcer. C'est mieux que de lancer des accusations gratuites. Le peuple algérien est suffisamment mâture pour savoir réagir, réfléchir et agir. Pour preuve, la tentative de récupération de ce mouvement par le pouvoir en misant sur des tocards opportunistes a lamentablement échoué. Les Moukhabarates ont, certes, essayé de récupérer ce mouvement citoyen -et je l'avais prévu dans mon interview accordée au nouvel observateur du 14 juin 2001- mais, il s'est brûlé les doigts.
Je saisis cette occasion pour lancer un appel au FFS et au RCD pour les inviter à faire taire leurs clivages et leurs querelles partisanes en s'investissant davantage dans la mobilisation populaire et investir toutes les autres régions d'Algérie. Pour que le martyr de Massinissa et des autres martyrs des évènements de Kabylie ne soit pas vain.
Avez vous des vérités à dire au sujet de l'assassinat de MATOUB Lounès?
L'assassinat de Matoub je l'ai appris alors que j'étais en exil. Je me souviens encore de ce moment où un algérien collègue de travail était venu m'annoncer la douloureuse nouvelle. Tout ce que je sais sur l'assassinat de ce rebelle, qui fait et fera toujours la fierté de tous les Algériens, je l'ai appris par voie de presse. Quoiqu'il en soit, le responsabilité du pouvoir en place est engagée dans l'assassinat de Lounès. Car, ceux qui prétendent diriger l'État Algérien avaient pour obligation d'assurer la sécurité du chantre de la démocratie. Ils savaient très bien que Matoub était menacé. Ne leur a -t-il pas suffi qu'il avait déjà fait l'objet d'un enlèvement? Quand on voit des minus, des individus insignifiants bénéficier d'une protection de l'État, il est légitime de s'interroger sur cette indifférence affichée par le pouvoir quant à la sécurité d'un homme qui n'était pas ordinaire. Matoub devait être protégé. Il ne l'a pas été. Qui est responsable? Il n'y a pas à philosopher sur la question. C'est l'État qui devait lui assurer sa sécurité.
Avez vous quelque chose à ajouter en ce qui concerne notamment la situation en Kabylie ?
Ce qui se passe en Kabylie me peine, évidemment, quand j'apprends que des jeunes tombent sous les balles d'un régime dictatorial. Un régime mafieux. Mais, j'éprouve de la fierté en voyant une population mobilisée et qui ne fait pas marche arrière malgré la répression, les arrestations et les assassinats. Si tout le peuple algérien se mobilisait de la même manière, le régime s'effondrerait en une semaine. A travers vos colonnes, permettez moi de lancer un appel à tous les algériens pour qu'ils donnent un profond écho aux évènements de la Kabylie en sortant pacifiquement dans la rue crier leur rejet du pouvoir des généraux et de leurs pantins, jusqu'à disparition de ces gouvernants désavoués par le plus fort taux d'abstention aux dernières législatives. A ces Algériens, je leur rappelle qu'ils vivent les mêmes problèmes que leurs frères Kabyles, là où ils se trouvent. C'est leur silence qui fait la force de ce pouvoir. Qu'ils joignent leurs voix à celles de leurs frères kabyles et l'Algérie retrouvera la paix et la sérénité