GAZA • Israël a perdu son capital confiance |
|
L'utilisation disproportionnée de la force et les images d'enfants tués ont obligé les pays amis, y compris les Etats-Unis, à se démarquer de l'Etat hébreu, note l'historien israélien Zeev Sternhell. |
|
|
|
|
|
Dans plusieurs villes du monde, ici le 19 janvier 2009 à Medellín (Colombie), des milliers de personnes ont protesté contre l'offensive israélienne dans la bande de Gaza AFP |
|
|
|
| Tout pays qui entre en guerre a un but. Comme l'a montré Carl von Clausewitz, une victoire militaire ne peut être une fin en elle-même. Elle n'a d'importance que sur le plan purement tactique. Certaines grandes victoires militaires ont débouché sur une catastrophe nationale pour les vainqueurs. A commencer par la victoire d'Hannibal sur les Romains, l'un des plus grands triomphes de l'Histoire, jusqu'à la guerre des Six-Jours, victoire brillante qui a abouti à un désastre historique. Ainsi faut-il rappeler à l'opinion publique israélienne, encore éblouie par le succès de la campagne de représailles en cours, dont le prix en vies humaines est abominable, qu'une victoire se mesure à ses résultats politiques, et que l'objectif fondamental reste la paix.
Dans ce contexte, il est intéressant de constater que, en dépit de sa défaite militaire, le Hamas a déjà marqué plusieurs points qui l'aideront à l'avenir ; il a déjà été reconnu comme la force dominante à Gaza par le Conseil de sécurité des Nations unies, et bien qu'étant une organisation terroriste, il ressort du conflit paré d'une aura de victime. Cela s'explique par le recours israélien quotidien à une puissance de feu écrasante, peut-être nécessaire au niveau tactique, mais qui n'a pas tardé à entraîner une fracture au sein de l'opinion mondiale, même chez les gouvernements qui nous sont favorables. Apparemment, bien que le Hamas ait opéré à partir de zones peuplées, la plupart des téléspectateurs sont ulcérés par la vision des cadavres d'enfants de Gaza.
Ainsi les Etats-Unis et la France n'ont-ils pu se permettre de donner l'impression, aux Nations unies, de faire fi du massacre de civils à Gaza. Entre l'indifférence israélienne et leurs opinions publiques respectives, les deux présidents ont choisi de s'aligner sur ces dernières. A Washington, George W. Bush et Condoleezza Rice ont clairement cherché à tourner le dos à la politique israélienne en guise de point d'orgue à leur mandat. Ce faisant, ils ont préparé le terrain au nouveau président. N'oublions pas que toutes les questions gênantes n'ont pas été posées. L'horreur à Gaza n'a pas vraiment pénétré les esprits des Israéliens. Par exemple, était-il nécessaire de tuer les épouses et les enfants de Nizar Ghayan, haut responsable du Hamas, ou les civils qui s'étaient réfugiés dans l'école de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés ? La mort de familles entières, enfants compris, va peser sur notre conscience d'Israéliens. Cette guerre restera la plus violente et la plus brutale de notre histoire.
Quand les témoignages vont commencer à s'accumuler, il est fort possible qu'ils jettent une lumière plus crue sur le conflit. Mais, pour l'heure, nous devons nous tourner vers l'avenir. Puisqu'une guerre a pour but la réalisation d'objectifs politiques, la dévastation qui a frappé Gaza doit servir à entamer avec vigueur, sous les auspices de la communauté internationale, des négociations pour une paix totale. Peut-être pourrons-nous ouvrir une nouvelle page. Un regard sans illusion sur la réalité nous convaincra que nous ne devons pas accepter que les mesures nécessaires à la conclusion d'un accord en Cisjordanie, y compris l'évacuation des colonies, soient sacrifiées au nom de l'"unité nationale". Gaza n'a qu'une importance relative pour l'intérêt national d'Israël. C'est en Cisjordanie que se décidera l'avenir du pays en tant qu'Etat juif. Pour cette raison, nous devons mettre fin à l'occupation, parvenir à une solution à propos des hauteurs du Golan et stabiliser la région afin de répondre au problème clé qu'est le programme nucléaire iranien.
Le capital de bonne volonté et de compréhension dont bénéficiait l'Etat hébreu est épuisé, et la communauté internationale n'acceptera pas une frappe sur l'Iran sans son autorisation. Puisqu'il est désormais évident que rien ne parvient à jeter une ombre sur la conscience israélienne toujours immaculée, d'aucuns estiment qu'il est nécessaire de limiter la liberté d'action de l'Etat juif. Dorénavant, Israël sera considéré comme un pays dont les réactions disproportionnées doivent être surveillées et contrôlées. |
|
Zeev Sternhell Ha'Aretz |
|