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Algérie: État privé et société traquée

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admin"SNP1975"

admin
Admin

En Algérie, le dernier communiqué du ministre de l’Education pose sérieusement le problème de la citoyenneté dans un pays où la parole «populaire» se perd dans les travées de l’indicible.

Mots menaçants, violence du ton et mépris de toute parole différente. Dans un pays normal, c’est-à-dire démocratique, toute la société aurait réagi à cet appel à la division nationale.

En tant qu’universitaire et ancien journaliste, n’ayant jamais fait partie d’un groupe de plus de deux personnes, je n’ai nullement été surpris par le silence complice de personnalités dites nationales et de l’université censées parler au nom de ceux qui sont privés de l’usage de cette parole. Comme je n’ai pas été étonné par le ton menaçant et l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire.
L’instrumentation régulière de la justice fragilise davantage cet appareil idéologique semblant obéir à des objections «référées», ce qui aggrave encore plus les choses, mettant en suspicion les espaces-clés du discours étatique, à commencer par l’école, la presse dite publique, la justice, et creusant ainsi un profond fossé entre les «privilégiés» (ceux détenant les postesclés) et la société profonde (vivant au quotidien les jeux trop peu amènes d’un pouvoir d’achat en chute libre), ce qui n’augure rien de bon pour un futur trop obscur, à l’aune des affaires actuelles de corruption et de la mise en accusation des espaces «politiques» actuels considérés sans légitimité.

Qui comprendra que l’UGTA, syndicat désormais minoritaire, gère encore les œuvres sociales de l’Education alors qu’il serait mieux indiqué de les laisser à tous les travailleurs qui choisiraient des commissions libres pouvant faire profiter tous les employés de cette conséquente manne financière ?

L’UGTA, quelque peu proche du RND, est imposée à une société qui semble vouloir l’envoyer au musée de l’Histoire, action qui aurait dû être entreprise il y a fort longtemps. Mais la contrainte semble prendre le dessus sur la raison. La césure caractérisant les relations conflictuelles entre les lieux de la décision et l’espace social est tellement profonde que toute communication est altérée, traversée par les scories de la répression.

Les syndicats enseignants semblent déranger parce qu’ils posent, au-delà de la légitime quête d’augmentation des salaires, des questions politiques.

Surtout la place réelle que devrait occuper ce qu’on appelle pompeusement la «centrale» syndicale, appelée à continuer à vivre de la rente pétrolière, d’ailleurs trop opaque dans un pays où, partout, celle-ci entretient les liens communautaires, tribaux et familiaux, faisant vivre une «famille» révolutionnaire aux crochets d’un ministère des Moudjahidine dont le budget serait beaucoup plus important que celui de l’Enseignement supérieur.

C’est tout dire d’un gouvernement qui considère l’université comme un simple espace d’illustration de son discours, l’hôpital comme une ambulance en perpétuelle panne et la «culture», otage d’une politique festivalière trop coûteuse, n’apportant absolument rien à la production culturelle, excluant les différents publics, s’apparentant à une «dilapidation» des deniers publics.

Dans ce contexte électrique, la convocation autoritariste de la parole répressive neutralise toute possibilité de dialogue et radicalise davantage le discours adverse appelé à se terrer un moment pour réapparaître au-devant de la scène.

La mémoire, pour reprendre Paul Ricœur, est le lieu privilégié de la remontée des eaux. Les jeux de l’autorité qui ne pourraient réduire les lieux saillants de la mémoire en une zone aphasique ne feraient que différer les vrais débats, engendrant de nouveaux rapports de force et mobilisant la société tout en fragilisant l’appareil étatique.

Ce qui provoquerait inéluctablement de profondes césures.


Par Ahmed Cheniki ( Professeur d’université), Le Soir

Le discours ministériel engage tous les espaces de gouvernement, contrairement aux propos contenus dans la déclaration, très tardive, trop timide et extrêmement timorée d’un Cnes, esseulé, préférant peut-être les jeux de coulisses, porteuses de places possibles à des strapontins éventuels. Le silence désormais trop peu significatif d’une UGTA, minoritaire, portant l’uniforme du soldat sans grade, faisant penser à Schweik, était également prévisible.

Tous s’accordent en observant un mutisme complice à cette menace tragique et historique (même du temps de la colonisation, la chose n’était pas arrivée) de licencier 50 000 enseignants et de les remplacer par d’autres qu’on pourrait changer de peuple et en choisir un autre beaucoup plus convenable, c’està- dire un peuple de ventres creux s’octroyant avec un plaisir extatique les places des autres.

L’université a besoin d’un véritable syndicat et d’une certaine autonomie, loin de cette mode à l’algérienne de recteurs futurs sénateurs ou députés de «partis» - appareils dits majoritaires. Certes, après le départ sciemment encouragé de centaines de compétences universitaires nationales à l’étranger, surtout dans les universités européennes et canadiennes, il ne reste finalement pas grand monde dans l’univers de ce que nous pourrions placer dans la catégorie des «producteurs de savoir».

L’université a atteint un stade avancé de déliquescence sans que les pouvoirs publics daignent s’en inquiéter. Ce qui se passe dans ces lieux misérables, marqués du sceau de l’aphonie et d’une incompétence primaire, n’intéresserait pas nos gouvernants trop prompts à aligner des chiffres trop myopes et à chercher à exorciser régulièrement le syndrome de l’année blanche. Professeur exerçant en Algérie et dans des universités européennes comme professeur invité, je ne peux qu’apprécier la grande différence entre les deux espaces.

Chez nous en Algérie, le plagiat, l’absence de sérieux, la mauvaise gestion et l’absence de recherche, en dehors de cette comptabilité funéraire de projets et de labos dits de recherche sans consistance, sont les lieux les mieux partagés.

Des universités souvent sales, des amphis non opératoires, des responsables désignés, parfois, en catimini et un fonctionnement des plus misérables caractérisent ces lieux où il n’y a ni salle de travail pour les étudiants, ni bureaux pour les professeurs condamnés à passer leur temps vide au milieu des étudiants, des bibliothèques jamais réactualisées et un grave déficit en activités culturelles, des conseils scientifiques s’occupant rarement de l’essentiel, des écoles dites doctorales n’hésitant pas à se substituer à la Fonction publique et des bourses assimilées à une distribution d’une rente. La majorité de nos universitaires ne lit pas, incapable de produire un savoir, manquant tragiquement de background culturel, se fourvoyant dans des tâches de reproduction de discours déjà là et dans une gymnastique continue de non-réactualisation de leurs cours (parfois intégralement d’Internet) et de leurs connaissances.

L’activité culturelle est dramatiquement absente : tout débat est impossible, les colloques se résumant souvent à des exposés descriptifs, espaces de bouffe et de distribution d’attestations de participation donnant la possibilité de postuler à des grades supérieurs et des revues ineptes sans réelle valeur scientifique. Il y a aussi cette histoire, qui n’en finit pas, de soutenances arrangées avec des jurys de complaisance.

Dans mon université où il est vain de chercher une bibliothèque valable ou une revue scientifique récente, je ne peux que gambader au milieu des étudiants dans des couloirs labyrinthiques, hors des amphis trop froids où il est impossible d’être entendu par les étudiants trop mal pris en charge, et d’une salle des enseignants, d’une incroyable saleté.

Pas de bureaux pour enseignants, pas de toilettes ni de lieux de travail corrects. Internet, c’est du domaine du virtuel.

Mon salaire de professeur (le grade le plus élevé de l’université) de 72 000 dinars, avec de nombreuses années d’ancienneté, me permet tout de même d’acheter quelques ouvrages.

Les uns et les autres se regardent, observant un silence marqué d’une grave indifférence, tournant souvent le dos au débat social et scientifique et à une société, drapés du sceau de l’étrangeté.

Cette manière de faire qui caractérise également le secteur de la Santé, laissé pour compte, d’ailleurs, ce n’est pas pour rien que des médecins ont été brutalisés lors de leur mouvement de protestation alors qu’ils posaient pacifiquement leurs problèmes, eux qui, médecins généralistes, débutent avec un salaire mensuel de 33 000 DA et un spécialiste ne dépassant pas les 44 500 DA.

L’hôpital, malade, est souvent assimilé à un mouroir, faute de bonnes conditions de travail et de matériel adéquat.

Nos responsables se soignent à l’étranger. Ce qui est une grave insulte à un système de santé qu’ils sont censés mettre en place. Nous sommes en présence de deux mondes, les privilégiés et les suivants et la société profonde.

Les deux conflits ont donné à voir aux Algériens l’impression qu’ils sont des étrangers dans leur propre pays.

Le discours du ministre de l’Education (et l’inflexibilité arrogante de son collègue de la Santé), usant d’un lexique violent, marqué par la présence de nombreux impératifs et de négations, dit par le présentateur de la télévision sur un ton militaire, inquiète par sa brutalité et son manque de mesure. Ce qui était entrepris pour faire du récepteur un être passif, soumis, connaît une mue : les jeux de la réception médiatique sont tellement complexes que le discours, une fois reçu, est neutralisé, se retournant contre son émetteur, assimilé à un représentant d’un appareil répressif, usant d’une force injuste.

C’est à l’image d’une télévision «armée», au garde-à-vous, éloignée du grand nombre, que nous avions affaire, ce qui engendre plus de distance et de méfiance. L’émetteur voit sa parole dégonflée, perdant son sens initial pour se retrouver marquée du sceau de l’étrange et de l’étranger.

Ce n’est pas pour rien que les gens parlant du ministre l’assimilent à un «ils», la troisième personne du pluriel, qui le met dans la posture de l’adversaire. «Le temps de la carotte est terminé » «les syndicats perturbateurs doivent être chassés » : ces sentences du premier responsable du secteur de l’Education sont graves, convoquent encore une fois la violence, la répression, la contrainte et l’autoritarisme, réduisant à néant toute prétention citoyenne.

C’est l’expression d’une pauvreté au niveau du langage et d’une propension à user de la violence quand les mots, peu engageants, ne réussissent pas à convaincre l’auditeur, une pratique fonctionnant essentiellement dans les structures tribales et claniques.

Pour le secrétaire général du ministère, l’Etat se confond avec le gouvernement, évacuant toute possibilité de pratiques démocratiques assimilées à la «carotte». C’est le SG qui nous propose cette sortie sur la presse publique et l’Etat, digne des régimes autocratiques : «Les médias publics appartiennent à l’Etat et doivent donc défendre l’Etat». De quel Etat parle-t-il ? Là se pose un sérieux problème de définition. Dans les pays démocratiques, l’Etat ne se réduit pas exclusivement à l’équipe gouvernementale.

Est-il possible de continuer à user de la violence «légale» pour désamorcer des crises qui ne cesseront pas de remonter à la surface et de réduire au silence toutes les voix discordantes que compte ce pays ? La censure n’y peut rien, comme ces instructions qui auraient été données, selon le site TSA, aux médias dits publics, d’ailleurs trop pauvres, pour qu’ils censurent une partie de la société protestataire, celle des enseignants et des médecins grévistes. La société, par ce comportement trop peu légal de pouvoirs «publics», vivant un sérieux déficit de légitimité, se retrouve déjà, de fait, exclue des travées des médias publics et en porte-à-faux avec un Etat depuis longtemps en voie sérieuse de privatisation.

http://www.marocainsdalgerie.net

admin"SNP1975"

admin
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Pétrole et corruption : la grande malédiction de l’Algérie ?
Par le Dr Ahmed ROUADJIA

Pétrole et corruption sont deux mots désignant « deux maux » inespérables. N’était l’abondance du premier, la corruption n’existerait pas ou n’existerait que sous une forme bien plus atténuée. Or, le pétrole est pour l’Algérie, un cadeau du Ciel d’autant plus empoisonné qu’il dispense non seulement les Algériens de l’effort productif,de l’imagination créatrice, de l’esprit d’indépendance et du « compter sur soi », mais il avive aussi les appétits féroces de la minorité tout en exacerbant les frustrations de l’écrasante majorité d’entre eux.
La corruption comme facteur de dégénérescence de l’Etat et de la nation

Ce que notre garde des sceaux, qui semble verser dans l’amalgame et le réductionnisme, de dire à ses auditeurs, c’est le degré et l’intensité de la corruption, qui diffèrent selon les époques historiques et les nations. Or, en Algérie, ce degré de corruption a atteint en volume et en intensité un niveau si élevé qu’il ne tient la comparaison avec aucun autre pays du monde. Les organisations internationales, comme Transparency international, classent l’Algérie en tête des pays les plus corrompus, et les moins transparents en matière de gestion des ressources. L’absence de contrôle et de sanction, l’opacité qui préside au système de gestion, de répartition et d’allocations des ressources, ont achevé de favoriser toutes les dérives de type « maffieux » que nous connaissons et qui risquent, à terme, de provoquer l’effritement de l’Etat dont la décomposition porterait de graves atteintes à l’unité nationale.
Pire que les ingérences étrangères dans nos affaires ou les éventuelles menées séditieuses internes, la corruption telle qu’elle se pratique de manière débridée et sauvage en notre pays, constitue un véritable ferment de dissolution de l’Etat et de la nation. Ceux qui, parmi nos dirigeants, en atténuent la gravité ou se voilent les yeux sur ses méfaits pernicieux, sont des inconscients ou des irresponsables …

Des seuils de tolérance dépassés…
Mais là où le garde de sceau pèche par démagogie ou ignorance absolue, c’est quand il omet de signaler que dans tous les pays, même les plus corrompus de la planète, il existe des lignes rouges à ne pas dépasser dans la dilapidation des deniers publics. Pour ne pas parler de l’Europe et des Etats-Unis dont les mécanismes de contrôle et de répression contre la corruption sont rôdés, et fonctionnent de manière relativement efficientes, des Etats moins développés que je présente pêle-mêle, tels que le Congo, le Togo, Le Mali, le Niger, le Chili, le Pérou, Le Sénégal, Le Niger, La Tunisie, Le Maroc, etc., qui sont « pauvres », parce qu’ils ne possèdent pas de « pétrole », combattent avec les moyens de bord la corruption qui n’atteint pas cependant le haut degré auquel l’Algérie est parvenue.
Les commissions sur la passation de marché, les dessous de table et le traficotage de tous les registres économiques existent bien évidemment dans tous ces pays, y compris dans les pays les plus démocratiques, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, mais ces pratiques, y rencontrent un seuil de tolérance, une ligne rouge qu’il ne faut pas dépasser. Or, chez nous, ce seuil de tolérance est depuis longtemps franchi et les clignotants sont partout au rouge. La justice elle-même semble impuissante à imposer des limites aux pratiques prédatrices et à sanctionner les auteurs des détournements des deniers publics. Les lois du pays, et la Constitution qui les surplombe, sont quasi journellement piétinées au mépris universel par nos gestionnaires et administrateurs qui prétendent pourtant veiller au respect du droit et aux intérêts suprêmes de l’Etat et de la nation dont ils n’ont, par ailleurs, cure.
Or, en Algérie, ce droit n’est désormais qu’un paravent derrière lequel se cache un désordre inextricable. Son caractère désincarné se manifeste à travers le dépassement de ce seuil de tolérance, qui n’impose plus de bornes à la corruption qui donne de plus en plus libre cours à son exubérance. Autrement dit, les clignotants rouges n’ont plus de sens et se confondent dans l’esprit et la pratique des acteurs et des détenteurs de pouvoir plutôt comme des feux verts où il est permis de tout faire sans limites et sans bornes. Même dans la Russie actuelle où la maffia a pris des proportions inquiétantes après l’effondrement du mur de Berlin, la corruption et le pillage des richesses nationales n’y ont pas atteints le summum de la décadence et de la turpitude auquel l’Algérie est parvenue.
L’exception algérienne…
Notre pays n’est pas comparable aux autres, contrairement à ce qu’affirme notre garde des sceaux. Il est singulier et constitue une exception à la règle. Cette exception réside essentiellement dans le caractère débridé de la corruption, qui est elle-même concomitante au délitement des règles et des normes juridiques qui n’ont plus aucune prise sur le réel. Elle résulte de la faiblesse ou de l’absence de l’Etat de droit, et c’est cette circonstance qui a ouvert la voie aux dérives de toutes sortes auxquelles nous assistons. Le droit qui fait à la fois la force dissuasive et le facteur régulateur de l’Etat se trouve mal mené, bafoué et piétiné de manière paradoxale par ceux-là même qui prétendent le promouvoir et l’imposer au nom de la justice et de l’équité. La corruption viciée et vicieuse qui s’est emparée de l’organisme politique et social algériens trouve donc ses causes premières et essentielles dans l’affaiblissement des valeurs juridiques, dont les retombées rejaillissent négativement sur les valeurs morales et éthiques de la société civile et politique .
Qui dit Etat de droit, dit un Etat fort qui contrôle, sévit sévèrement et sanctionne les dérives et les méfaits, qui impose et qui en impose à tous, sans distinction. Or, il semble que la corruption massive, rampante et tentaculaire qui s’est insinuée dans tous les interstices de l’Etat et de la société, n’a d’autres explications plausibles que dans le défaut ou l’absence d’un Etat de droit. Cette absence n’est pas seulement un danger mortel pour les citoyens « passifs » ou ordinaires que sont les masses anonymes et « incultes », mais constitue aussi un risque qui serait gros de conséquences pour les citoyens « actifs » et « distingués » que sont les décideurs politiques. Si rien en effet n’était fait pour réformer notre justice et réajuster notre droit de manière à l’aligner sur le droit des nations « civilisées », respectueuses d’elle- mêmes et des droits de l’homme, on courrait le risque de cheminer vers l’abîme vertigineux que constitue le désordre et l’anarchie dans la gestion des affaires publiques.
Le droit et la justice en butte à l’Exécutif
Dans ces conditions où le politique interfère dans les affaires de la justice et impose de facto sa primauté dans tous les domaines, que peuvent faire, dès lors, nos magistrats, nos juges et tous nos hommes de loi animés d’une volonté sincère de faire leur métier comme il convient, celui de dire le droit, et de l’appliquer sans état d’âme ? En effet, lorsque les hommes de l’Exécutif se considèrent et agissent, sans l’avouer, au dessus de la Constitution du pays, il est bien difficile de reprocher à la justice, donc aux magistrats et aux juges, de faillir à leurs missions.
Les mains garrottées par l’Exécutif, les deux autres pouvoirs, législatif et judiciaire, se révèlent à l’expérience comme frappés d’inhibition, et presque éclipsés du jeu de régulation et d’équilibre des pouvoirs, qui sont, entre autres, les traits distinctifs, de l’Etat de droit. En ôtant aux hommes de loi le pouvoir qui leur échoit, l’Exécutif ne fait pas seulement pencher la balance en sa faveur, mais il vide de fait la Constitution de sa substance essentielle : les principes fondamentaux du droit affirmés avec force dans les 182 articles qu’elle renferme.

Un Ministre qui gère tout le secteur de l’Energie et des Mines, mais qui « ignore tout » ce qui s’y passe.
De son côté, notre ministre de l’Intérieur, Nourreddine Zerhouni, n’est pas en reste. Il conforte l’argumentation de son collègue de la justice en déclarant tout bonnement que notre pays serait moins touché par ces « affaires » dégradantes que d’autres : « Je vous fait savoir, assène-t-il, que les affaires de corruption ne concernent pas uniquement l’Algérie, des affaires plus importantes que celle-ci ont éclaté à travers le monde » Quant au Ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, il se dit non seulement tout ignorer ce qui s’est passé à Sonatarch, mais il se dit également étonné des reproches faits à ces cadres impliqués dans les affaires de prévarications ruineuses de cette entreprise nourricière de l’Algérie ! Qui plus est, cet homme de confiance du président, qui prend toujours des allures altières en feignant d’être au dessus de tout soupçon, révoque en doute les accusations portées contre les cadres impliqués dans cette affaire tout en concédant cependant à la justice de faire son boulot: « Il faut, dit-il, laisser la justice faire son travail.
Ces responsables sont des citoyens algériens et des hauts cadres de la nation et du groupe Sonatarch, qui défendent les intérêts du pays et ils ont le droit d’être défendus jusqu’à ce que la justice les juge coupables. » ou les « innocente » aurait-il dû ajouter. D’une manière fort ambiguë, M. Khelil s’évertue à innocenter ces inculpés non pas parc qu’ils auraient commis des actes prévaricateurs, mais parce qu’ils sont « des citoyens algériens et des hauts cadres » qui auraient à cœur de défendre « les intérêts du pays ». En jouant sur les fibres sentimentales et patriotiques ( citoyens algériens qui défendent les intérêts du pays…), le ministre de l’Energie et des Mines tente de leur accorder des circonstances atténuantes, voire les disculper totalement.
En quoi le fait d’être citoyens algériens et hauts cadres de la nation, garantit-il la probité et l’intégrité morale des présumés coupables ?
Monsieur Khellil, qui affecte dans ses gestes comme dans ses paroles, une attitude d’importance, nage en fait dans l’ambiguïté et dans les contradictions les plus totales. Il ne craint pas de dire une chose et son contraire. Il affirme, d’un côté, qu’il ne sait rien du scandale de la Sonatarch et qu’il ne dispose d’autres éléments que ceux fournis par la presse qu’il vilipende ; de l’autre, il déclare être le vrai patron du secteur de l’Energie et des Mines, dont il a la charge de veiller à son application et à son contrôle. Mais très vite, il rechute dans d’autres contradictions : il ne gère pas en personne Sonatarach et les cinquante autres entreprises que comprend son secteur ! Mais qu’on le lise d’abord pour se rendre compte de ses contradictions incurables : « En tant que ministre, je gère tout le secteur de l’énergie et des mines et je m’occupe de sa politique et de son application ainsi que du contrôle. Je ne gère pas Sonatrach ni Sonelgaz ou les autres entreprises relevant du secteur, qui en compte plus d’une cinquantaine. Je suis le ministre du secteur de l’énergie et des mines. » Les contradictions du Ministre s’approfondissent encore quand il dissocie son pouvoir d’appliquer la politique du contrôle du secteur dont il a la charge, de la gestion de la « Sonatarch et de Sonelgaz » qui en font pourtant partie intégrante et qui devraient relever en toute logique de son pouvoir de les contrôler à défaut de les gérer directement !
Convoité par la minorité détentrice de rente de situation, ce liquide est devenu, depuis l’indépendance, un facteur générateur de corruption d’autant plus effrénée qu’elle s’affiche sans honte ni pudeur au grand jour. Si ce pétrole fait le « bonheur » d’une minorité d’Algériens, « citoyens et cadres de la nation », il constitue pour la majorité et l’avenir de la nation entière un facteur de régression économique, social, culturel et même politique.

Un peuple improductif et façonné d’après l’économie rentière
Les raisons en sont évidentes : le pays, les Algériens, du fait des revenus qu’ils tirent du pétrole, se sont détournés depuis belle lurette du travail nourricier de la terre, de celui de l’artisanat, de l’effort productif en général et de l’imagination inventive, qui sont les traits distinctifs des peuples créateurs et industrieux. Nos revenus qui proviennent à hauteur de 98% du pétrole ont fait de nous un peuple de paresseux, de rentiers, et de consommateurs passifs des produits importés de l’Occident pour lequel notre marché interne est devenu un débouché rentable pour ses produits industriels et manufacturés. Et depuis que nous avons adopté pour la prétendue « économie de marché » censée opérer notre transition vers je ne sais quel horizon obscur et incertain, notre pays est devenu une sorte d’immense poubelle dans laquelle se déversent tous les produits plus ou moins avariés de l’Occident intelligent et imaginatif. La Chine elle-même y trouve son compte. Ses produits à bon marché sont en passe de tuer ce qui reste de nos industries textiles, de notre artisanat, et même de notre savoir-faire dans certains domaines, comme les travaux publics où les ouvriers chinois constitués d’ouvriers et de prisonniers ont déjà refoulé leurs pairs algériens à la lisière de la masse grandissante des chômeurs et des désœuvrés.
La captation de nos compétences et de nos richesses par les Étrangers
Les transferts des technologies et des savoir-faire du monde extérieur vers l’Algérie est un leurre que nos dirigeants s’efforcent d’accréditer, mais en vain. C’est l’inverse en fait qui se produit : nos compétences et nos richesses locales profitent aux seuls étrangers qui savent capter à leur profit ce que nous avons de meilleurs et de profitable. Nos compétences, faute d’obtenir la considération qui leur est due et de faire usage de leur savoir-faire dans leur propre pays, le fuient, contraints et forcés, vers les pays qui savent en apprécier la valeur et l’usage hautement bénéfique. Seuls les cadres nationaux, incompétents ou non, qui détiennent des positions de responsabilité importantes dans le secteur économique publique, se refusent à l’exil, tant le système de « commissions » issues de la passation des marchés frauduleux, leur procurent des rentes plus que confortables pour affronter les risques éventuels, les incertitudes, et les aléas de la vie. Ceux-là, ils ne s’exilent que lorsqu’ils auront fait leur « beurre » et placer des dizaines de balluchons, de « Echkarâ », bourrés de billets verts dans les banques suisses, britanniques, nord-américaines ou françaises. Leur exil ne sera pas alors un exil de nécessité, de besoin et de survie urgents, mais un exil « doré » aux bords du Lac de Genève, ou sur la Côte- d’- Azur. Leurs énormes liquidités financières, produits de la corruption, feront leur bonheur comme celui des banques de dépôts des pays hôtes. Certes, tous les cadres ( on dirait aujourd’hui les managers) qui restent cloués au pays ne sont pas tous dans ce cas de figure. Ils ne sont ni corrompus ni corrupteurs. Et Dieu sait, que les cadres compétents et honnêtes sont légion en Algérie, et malgré les pressions exercées sur eux par l’environnement afin qu’ils versent ( comme tout le monde) dans la corruption, ils ne finissent pas par succomber à cette tentation perverse.
Des atouts mal exploités…
Au lieu de constituer un atout formidable pour le développement économique, social et culturel de la nation, le pétrole, et donc les revenus qui en découlent sont devenus une véritable malédiction de l’Algérie. Les appétits féroces qu’il excite, et les tentations d’enrichissement facile qu’il suscite ne dispensent pas seulement de l’effort productif, de la prévoyance et de la rigueur dans la gestion saine du Trésor public, mais dispensent aussi les acteurs politiques et sociaux de faire usage de l’esprit d’imagination, d’anticipation, de création et d’ innovation.
Aubaine sortie des entrailles de notre Désert brûlant, le pétrole est en même temps source de tous les maux qui affligent depuis l’indépendance la nation algérienne. L’esprit rentier que ce liquide magique- conséquence d’une lente décomposition d’éléments bactériologique d’organismes aquatiques végétaux et animaux, il y a plusieurs centaines de millions d’années-, a fait naître chez nos concitoyens, constitue, en somme, une source de corruption contagieuse et une cause fondamentale de toutes les perversions que l’on constate dans tous les domaines de la vie politique et sociale. Les scandales de la SONATRACH et de l’autoroute Est- Ouest où des milliards ont été détournés par le biais des commissions et des marchés frauduleux, sans parler de l’affaire El Khalifa, de la BADR et d’autres banques impliquées dans de gigantesques pillages des deniers publics, ne sont que la partie visible des prévarications et des agiotages derrière lesquels se dissimule l’immense iceberg de la corruption tentaculaire, démesurée et sans bornes.

L’incroyable insouciance de nos dirigeants face aux ampleurs du désastre
A entendre et à lire les déclarations de nos dirigeants politiques tendant à dédramatiser, voire nier les désastres causés par la corruption, on est complètement renversés. Pour beaucoup d’entre eux, la corruption est un phénomène universel et que notre pays, en la matière, n’a rien à envier aux autres. L’Algérie serait, selon eux, bien moins touchée par ce fléaux que les pays les plus démocratiques du monde. On ne sait si ces hommes politiques prennent vraiment au sérieux leurs propos et en évaluent avec conscience la portée, ou s’ils sont au contraire déconnectés de la réalité au point de manifester tous les signes caractéristique de l’autisme.. Pour illustrer cet état d’esprit calamiteux, il suffit de reprendre tour à tour les déclarations de trois ministres seulement sur la trentaine environ que compte le gouvernement actuel . Pour ces trois personnages de l’Etat, la corruption économique qui s’est enracinée dans les pratiques, les habitudes, les réflexes et les mœurs politiques, n’est pas l’apanage de l’Algérie, mais le fait de tous les pays et les civilisations passés et actuels. L’Algérie ne ferait donc pas exception à la règle générale, et de ce fait, il n’ y aurait aucune raison de s’alarmer devant cette pratique, en somme, toute « banale ». D’où les références aux Autres et au passé dont ils recourent pour relativiser la corruption qui gangrène nos institutions économiques et sociales.

Les références aux Autres et à l’histoire comme alibi
Les scandales révélés par la presse privée, bientôt confirmés par les enquêteurs du DRS, auraient été exploités, exagérés et amplifiés par les médias « partisans » pour porter atteinte à l’image du pays et à ses dirigeants dont la compétence et l’intégrité seraient indéniables. Ainsi pour relativiser cette corruption massive, débridée et contagieuse, et en atténuer les conséquences néfastes sur l’économie et la société, ces dirigeants qui semblent être en perte de conscience et de responsabilité civique invoquent l’histoire : depuis l’aube des Temps, disent-ils, la corruption a existé et toutes les nations et civilisations de la terre, passées et présentes, ont été et le sont encore affectées par ce phénomène « naturel » et inévitable. Comment voulez-vous, ajoutent-ils, que l’Algérie qui est une nation jeune et fraîchement indépendante puisse déroger à cette règle universelle ?
Ainsi notre ministre de la justice, Tayeb Belaiz , en sa qualité de gardien présumé du sanctuaire sacré du droit et, qui devrait être le premier à s’alarmer de l’ampleur de ces dégâts incommensurables causés par ces scandales, n’a-t-il pas trouvé d’autres réponses que celles de les justifier par des pratiques similaires sous d’autres latitudes. Aussi déclare-t-il, avec un cynisme et une inconscience qui frisent l’absurde et qui choquent profondément l’entendement civilisé, que la corruption « est née avec l’humanité et restera jusqu’à la fin du temps », puisque, ajouta-t-il, avec une sorte d’assurance à la fois tranquille et présomptueuse que ce fléaux « a existé dans les anciennes sociétés, et l’est aussi toujours, même dans les pays se disant des plus développés et disposant des systèmes de gestion les plus transparents (…)Nous voyons ce qui se passe à travers le monde. »
La chute en est jolie ! Il est navrant en effet qu’un ministre de la justice puisse faire siennes de telles balivernes qui sont les aliments des conversations ordinaires de l’homme de la rue, encore que celui-ci puisse-t-il avoir une vue moins réductrice.
Les chiens aboient, la caravane passe Dans d’autres pays qui se respectent et où règne le principe du droit, de tels scandales auraient provoquer les auditions des ministres par la justice, voire même leur inculpation en cas de preuves de leur culpabilité. D’autres auraient donné spontanément leur démission, dès lors même qu’ils sont innocents. Ils n’auraient pas pu supporter de demeurer en poste alors que les projecteurs des médias et de l’opinion sont braqués sur eux. Tel n’est pas cependant le cas de nos ministres en charge des secteurs éclaboussés, comme celui des Travaux Publics et de l’Energie qui, non seulement s’évertuent à défendre leurs « cadres », impliqués dans la corruption, placés sous mandat de dépôts et soumis à des contrôles judiciaires, mais à s’indigner contre la presse indépendante pour avoir courageusement révélé au grand jour ces turpitudes.
Ainsi Monsieur Khelil n’a pas à rougir des scandales de son secteur qu’il « contrôle », mais qu’il ne « gère » pas et ne donnera pas sa démission pour la raison qu’il ne s’est jamais senti « visé » par de tels déballages : « Je ne démissionne pas de mon poste de ministre. Pourquoi le ferai-je alors que la justice peut innocenter les cadres dirigeants incriminés. ? » Et d’ajouter : « Je ne me suis jamais senti visé dans cette affaire, ni moi ni le clan présidentiel ». Son collègue des Travaux Publics, Amar Ghoul, n’envisage pas non plus de démissionner tant qu’il se juge nullement concerné par ces « tapages médiatiques » ni par les cris de colère de l’opinion qu’il compare aux aboiement des chiens au passage de la caravane. C’est dire que beaucoup de nos dirigeants n’ont aucun respect à l’égard de leur peuple, et se sentent complètement à l’abri des poursuites judiciaires, qui n’affectent en général que « les lampistes » tenus en réserve…
Enfin, n’était le pétrole, l’Algérie retrousserait les manches, deviendrait un pays industrieux, et serait moins sujette à la corruption qu’elle ne l’est à présent. Ses dirigeants seraient plus réfléchis, plus réceptifs et responsables, et moins prétentieux et arrogants qu’ils ne le manifestent aujourd’hui. Le pétrole n’a pas perverti seulement nos comportements et nos représentations de l’économie, de la politique et de la bonne gouvernance ; il a fait également de nous un peuple totalement ou presque dépendant en fait de nourriture, de besoins, de goûts, d’imagination et de fantasme, du monde extérieur.
Notre extraversion envers l’extérieur prend en fait la forme d’une aliénation mentale et psychologique dont les signes pathologiques se manifestent à travers la boulimie de nos importations en bien de consommation au détriment de la production des biens à exporter, à l’exception faite du pétrole. En même temps que notre nourriture dépend de lui, le pétrole excite les convoitises internes, incite à la vie facile, à la corruption et au relâchement des efforts productifs, à la prévoyance, et à la rigueur dans la gestion. C’est en ce sens que le pétrole se révèle être la grande malédiction de l’Algérie, et sans lequel la corruption serait moins ravageuse…
Ahmed Rouadjia est docteur d’État en histoire en sociologie politique, enseignant et chercheur associé au CNRS

Zerhouni, cité par El Watan, 3 février 2010, p.3.


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