Lettre aux Historiens
par Mostefa Boudina*
* Sénateur et Président de l'Association nationale
des anciens condamnés à mort.
par Mostefa Boudina*
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Mesdames et Messieurs les Historiens français et algériens auteurs de l'appel intitulé France - Algérie : Dépasser le contentieux historique
J'ai lu attentivement et avec un grand intérêt l'appel adressé au président de la République française à la veille de sa visite d'Etat en Algérie pour que soit dépassé le contentieux historique entre la France et l'Algérie. Je ne veux pas en rajouter à la polémique autour de cette visite. Je fais confiance au président de la République de mon pays qui est mieux placé et plus habilité à défendre les intérêts de notre Algérie.
Je suis un ancien condamné à mort durant la guerre de Libération par la France coloniale et aujourd'hui, je préside l'Association nationale des anciens condamnés à mort.
De 1965 à 1962, nous étions environ 2.000 dans les couloirs de la mort en Algérie et en France, 207 de nos compagnons ont été guillotinés. Les autres ont survécu à leurs bourreaux et à cette machine criminelle.
C'est donc en victime et en porteur de mémoire que je réagis à votre appel que je trouve digne d'intérêt à condition qu'il ne se limite pas à cette fameuse visite.
Cet appel, à notre avis, doit être suivi d'autres initiatives comme les rencontres entre les sociétés civiles algérienne et française, en Algérie et en France, entre les historiens et les politiques et enfin entre les classes politiques des deux pays.
Aujourd'hui, le dialogue est impossible entre les victimes et leurs bourreaux. Ce n'est pas en dialoguant avec Hitler que l'Allemagne a demandé pardon à la France.
C'est à la fin de leur vie que nos bourreaux sont en train de succomber au poids de leurs crimes, sur leur conscience, de plus en plus torturée, tandis que le châtiment de Dieu s'approche.
L'un après l'autre, ils avouent leurs crimes. Nous n'avons que faire de la repentance d'un bourreau qui avoue avoir tué froidement Larbi Ben M'hidi. Il nous suffit qu'ils se dénoncent eux-mêmes devant le peuple français comme étant des bourreaux et non des héros.
En tant que peuple victime des crimes du colonialisme universellement reconnus, nous sommes dans une position de force qui fera plier tous ceux qui voudront se comporter en ennemis, dans une position aisée qui fera toujours rougir de honte nos adversaires et dans une position confortable et favorable avec tous ceux qui voudront traiter avec nous, d'égal à égal, de l'amitié et des intérêts entre nos deux pays.
Vous êtes témoins, Mesdames et Messieurs les historiens que notre guerre de Libération n'était pas dirigée contre le peuple français, mais contre l'occupation coloniale qui a sévi pendant 132 ans par la violence, le feu et le sang. Un million et demi de martyrs c'est le minimum.
L'histoire doit retenir que c'est la France officielle qui nous a fait la guerre pendant 132 ans.
Le peuple français ne peut pas oublier que durant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, des dizaines de milliers d'Algériens sont tombés au Champ d'Honneur pour la libération de la France de l'occupation nazie, comme notre peuple n'a pas oublié tous ces Français qui ont épousé notre cause qui nous ont exprimé leur sympathie et leur soutien, qui ont milité à nos côtés et ceux qui ont choisi d'être Algériens et de mourir en Algériens, comme les frères Iveton et Maillot.
Nous n'oublierons jamais le réseau des porteurs de valises, les jeunes insoumis, les intellectuels, les hommes de lettres, les syndicalistes, les artistes et les familles qui nous avaient hébergés lorsque nous étions dans la clandestinité recherchés par la police.
Comme nous n'oublierons jamais ces citoyens français qui se sont allongés sur les voies ferrées pour empêcher les trains d'acheminer leurs enfants vers le port de Marseille pour les embarquer vers l'Algérie pour nous faire la guerre.
je n'oublierai jamais personnellement ce gardien de prison du couloir de la mort de Fort Mont Duc Lyon qui pleurait à chaque exécution de nos 11 compagnons, en nous rendant compte, en cachette, dans les détails, comment nos compagnons ont affronté courageusement la guillotine. C'était lui-même un ancien condamné à mort par les Allemands pendant l'occupation nazie.
C'est avec cette extraordinaire société civile et ses descendants de France qu'il faut établir le pont de l'amitié et renforcer le dialogue sur la vérité de l'occupation coloniale, qui permettra aux peuples français et algérien de se prémunir contre les discours électoralistes des tenants de l'Algérie française et des bourreaux, travestis en héros, comme Le Pen qui crache dans ses discours le feu de la haine des Algériens.
La France officielle a mis 48 ans pour reconnaître que ce qui s'est passé en Algérie de 1954 à 1962 était une guerre, alors qu'à l'époque même, elle considérait que c'était de simples événements.
La fameuse loi du 23 février 2005, nous l'avons reçue comme une provocation. Elle est venue empêcher la signature du fameux traité d'amitié dont nous n'étions pas les demandeurs.
Ces propos ne nous ont pas offusqués, puisque nous leur donnons la lecture et l'interprétation suivante :
Monsieur Sarkosy s'excuse auprès des fils de Harkis du fait que la France coloniale avait trompé leurs pères en les ayant amenés à choisir le camp de l'Algérie française. Aujourd'hui, ces fils de Harkis que nous-mêmes nous ne les rendons pas responsables des fautes de leurs parents, se trouvent pas ou mal intégrés dans la société française.
Hier, aujourd'hui et demain, la France ne pourra pas indéfiniment renier la vérité sur les crimes du colonialisme et le peuple français finira un jour par soulager sa conscience en se démarquant et en condamnant les bourreaux. Après ce point de vue de victime, sans haine et sans passion, qui reste profondément patriote dans son pays pour lequel il a donné sa vie, je souscris à votre appel en rajoutant Mon nom à la liste des signataires.
J'ai lu attentivement et avec un grand intérêt l'appel adressé au président de la République française à la veille de sa visite d'Etat en Algérie pour que soit dépassé le contentieux historique entre la France et l'Algérie. Je ne veux pas en rajouter à la polémique autour de cette visite. Je fais confiance au président de la République de mon pays qui est mieux placé et plus habilité à défendre les intérêts de notre Algérie.
Je suis un ancien condamné à mort durant la guerre de Libération par la France coloniale et aujourd'hui, je préside l'Association nationale des anciens condamnés à mort.
De 1965 à 1962, nous étions environ 2.000 dans les couloirs de la mort en Algérie et en France, 207 de nos compagnons ont été guillotinés. Les autres ont survécu à leurs bourreaux et à cette machine criminelle.
C'est donc en victime et en porteur de mémoire que je réagis à votre appel que je trouve digne d'intérêt à condition qu'il ne se limite pas à cette fameuse visite.
Cet appel, à notre avis, doit être suivi d'autres initiatives comme les rencontres entre les sociétés civiles algérienne et française, en Algérie et en France, entre les historiens et les politiques et enfin entre les classes politiques des deux pays.
Aujourd'hui, le dialogue est impossible entre les victimes et leurs bourreaux. Ce n'est pas en dialoguant avec Hitler que l'Allemagne a demandé pardon à la France.
C'est à la fin de leur vie que nos bourreaux sont en train de succomber au poids de leurs crimes, sur leur conscience, de plus en plus torturée, tandis que le châtiment de Dieu s'approche.
L'un après l'autre, ils avouent leurs crimes. Nous n'avons que faire de la repentance d'un bourreau qui avoue avoir tué froidement Larbi Ben M'hidi. Il nous suffit qu'ils se dénoncent eux-mêmes devant le peuple français comme étant des bourreaux et non des héros.
En tant que peuple victime des crimes du colonialisme universellement reconnus, nous sommes dans une position de force qui fera plier tous ceux qui voudront se comporter en ennemis, dans une position aisée qui fera toujours rougir de honte nos adversaires et dans une position confortable et favorable avec tous ceux qui voudront traiter avec nous, d'égal à égal, de l'amitié et des intérêts entre nos deux pays.
Vous êtes témoins, Mesdames et Messieurs les historiens que notre guerre de Libération n'était pas dirigée contre le peuple français, mais contre l'occupation coloniale qui a sévi pendant 132 ans par la violence, le feu et le sang. Un million et demi de martyrs c'est le minimum.
L'histoire doit retenir que c'est la France officielle qui nous a fait la guerre pendant 132 ans.
Le peuple français ne peut pas oublier que durant la Première et la Deuxième Guerre mondiale, des dizaines de milliers d'Algériens sont tombés au Champ d'Honneur pour la libération de la France de l'occupation nazie, comme notre peuple n'a pas oublié tous ces Français qui ont épousé notre cause qui nous ont exprimé leur sympathie et leur soutien, qui ont milité à nos côtés et ceux qui ont choisi d'être Algériens et de mourir en Algériens, comme les frères Iveton et Maillot.
Nous n'oublierons jamais le réseau des porteurs de valises, les jeunes insoumis, les intellectuels, les hommes de lettres, les syndicalistes, les artistes et les familles qui nous avaient hébergés lorsque nous étions dans la clandestinité recherchés par la police.
Comme nous n'oublierons jamais ces citoyens français qui se sont allongés sur les voies ferrées pour empêcher les trains d'acheminer leurs enfants vers le port de Marseille pour les embarquer vers l'Algérie pour nous faire la guerre.
je n'oublierai jamais personnellement ce gardien de prison du couloir de la mort de Fort Mont Duc Lyon qui pleurait à chaque exécution de nos 11 compagnons, en nous rendant compte, en cachette, dans les détails, comment nos compagnons ont affronté courageusement la guillotine. C'était lui-même un ancien condamné à mort par les Allemands pendant l'occupation nazie.
C'est avec cette extraordinaire société civile et ses descendants de France qu'il faut établir le pont de l'amitié et renforcer le dialogue sur la vérité de l'occupation coloniale, qui permettra aux peuples français et algérien de se prémunir contre les discours électoralistes des tenants de l'Algérie française et des bourreaux, travestis en héros, comme Le Pen qui crache dans ses discours le feu de la haine des Algériens.
La France officielle a mis 48 ans pour reconnaître que ce qui s'est passé en Algérie de 1954 à 1962 était une guerre, alors qu'à l'époque même, elle considérait que c'était de simples événements.
La fameuse loi du 23 février 2005, nous l'avons reçue comme une provocation. Elle est venue empêcher la signature du fameux traité d'amitié dont nous n'étions pas les demandeurs.
Ces propos ne nous ont pas offusqués, puisque nous leur donnons la lecture et l'interprétation suivante :
Monsieur Sarkosy s'excuse auprès des fils de Harkis du fait que la France coloniale avait trompé leurs pères en les ayant amenés à choisir le camp de l'Algérie française. Aujourd'hui, ces fils de Harkis que nous-mêmes nous ne les rendons pas responsables des fautes de leurs parents, se trouvent pas ou mal intégrés dans la société française.
Hier, aujourd'hui et demain, la France ne pourra pas indéfiniment renier la vérité sur les crimes du colonialisme et le peuple français finira un jour par soulager sa conscience en se démarquant et en condamnant les bourreaux. Après ce point de vue de victime, sans haine et sans passion, qui reste profondément patriote dans son pays pour lequel il a donné sa vie, je souscris à votre appel en rajoutant Mon nom à la liste des signataires.
* Sénateur et Président de l'Association nationale
des anciens condamnés à mort.
Dernière édition par le Jeu 13 Déc - 21:09, édité 1 fois