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ALGERIE : UN SYSTEME ARCHAÏQUE

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1ALGERIE : UN SYSTEME ARCHAÏQUE Empty ALGERIE : UN SYSTEME ARCHAÏQUE Mer 19 Déc - 21:23

admin"SNP1975"

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ALGERIE : UN SYSTEME ARCHAÏQUE

Depuis 1994, l’Algérie s’est engagée dans un vaste processus d’ajustement structurel, sur fonds de terrorisme et de contestation sociale et culturelle. L’embellie pétrolière et les conditions climatiques aidant, le pays a retrouvé ses grands équilibres macro économiques, a rendu gérable sa dette extérieure (24 milliards d’encours), et s’est constitué des niveaux de réserves en devises plus que confortables (32 milliards de dollars). Grâce à cela, le niveau de chômage a légèrement baissé, et le revenu annuel moyen par habitant atteint 1830 dollars. Cependant, le pays reste marqué par de nombreux archaïsmes qui le rendent très vulnérable. Autant de défis que les autorités auront à relever au lendemain de l’élection présidentielle, si l’on veut construire une Algérie durablement prospère, moderne et juste.

1er archaïsme : Une spécialisation primaire fondée sur des ressources non renouvelables et une croissance par les prix

En ce début de 21ème siècle, l’Algérie, tout en affichant la volonté de s’inscrire dans le vaste mouvement de mondialisation de la planète, est plus que jamais enfermée dans un système économique largement obsolète depuis plus de 30 ans, fondé sur la spécialisation primaire. Les hydrocarbures et l’agriculture constituent plus de 50% du PIB (43% pour les ressources non renouvelables et 9,4% pour les ressources agricoles), alors que l’industrie manufacturière ne dépasse pas 7% et que les services atteignent 37%. Cette tendance s’est accentuée depuis plusieurs années. En 1994, le secteur primaire ne constituait que 32% du PIB (dont 18,2% pour les hydrocarbures), contre 11,5% pour l’industrie manufacturière et 56,5% pour les services. C’est là un schéma complètement inverse de tous les pays émergents. A titre d’exemple, en 2002, la structure du PIB de la Corée du sud se répartit comme suit : 55,1% pour les services, 40,9% pour l’industrie et 4% pour l’agriculture. Cette spécialisation est aggravée par le fait que les hydrocarbures constituent 97% des recettes d’exportations. Cette situation accentue la vulnérabilité de l’économie algérienne aux chocs externes (variations à la baisse des prix pétroliers, modification de la convertibilité Euro/dollar...). Ainsi, l’Algérie a connu 20% de perte de change en 2003 (exportations en dollars, importations en Euros), soit l’équivalent du service de la dette. Pour sortir de cette situation, le pays doit engager au plus vite la diversification de la production nationale, (notamment dans les industries et les services à forte valeur ajoutée), et celle des exportations. D’ici 20 ans, il faut que le PIB quadruple, autrement dit qu’il augmente en moyenne de 7 à 8% par an, et que la structure des échanges extérieurs se modifie radicalement en faveur des produits manufacturés et de haute technologie. C’est possible : la Corée et la Chine l’ont fait. Défi d’autant plus difficile à tenir qu’il ne pourra pas être tiré par le secteur des hydrocarbures : les prix ont atteint des niveaux maximaux, les quantités exportables restent fixées par les quotas de l’OPEP (sauf baisse exceptionnelle des prix sous la barre des 28 dollars le baril) et, à terme, les réserves s’épuiseront. Les ventes de gaz pourraient contrecarrer en partie cette évolution (le gaz représente d’ores et déjà 40% des recettes d’exportations), mais il ne faut guère se faire d’illusions, l’Algérie doit désormais réfléchir au plus vite aux autres moteurs qui pourront garantir durablement les taux de croissance nécessaires, et regarder du côté du BTP, des infrastructures, des industries manufacturières et des services de haute technologie.

2ème archaïsme : Une transition démographique tardive et non maîtrisée

L’archaïsme prévaut également en termes démographiques. Le pays a trop tardé à engager sa transition démographique. Celle-ci résulte depuis plusieurs années des difficultés de la vie (logement, retard au mariage, chômage, baisse du pouvoir d’achat) plutôt que de la réussite du développement. En quarante ans, le pays a multiplié sa population par trois et son PIB par moins de deux. Dans le même laps de temps, la population coréenne augmente d’à peine 50%, grâce notamment au planning familial mis en place dès 1960. Dans ces conditions, la population active de l’Algérie est très faible : 8 millions de personnes pour une population de 32 millions en 2003, soit 25%, contre 27 millions en Corée pour une population de 47,6 millions, soit 56,7%. Autrement dit, un algérien sur quatre est potentiellement actif, alors qu’en Corée c’est un sur deux.
Cet archaïsme démographique est aggravé par le taux de chômage. Celui-ci aurait (officiellement) baissé à 24% de la population active (ce qui supposerait qu’en quatre ans, le pays ait créé environ 1,8 millions d’emplois ! difficile à croire, mais admettons), mais il reste un des taux les plus élevés au monde. L’Algérie compte 6 millions d’actifs réels, soit 18,7% de la population totale. En Corée, ceux-ci représentent 54,5% de la population. Tout cela conduit à une productivité des plus faibles (l’Algérie possède un des taux de productivité les plus bas du bassin méditerranéen !). La richesse créée en 2003, en comptant la richesse en hydrocarbures (un don du ciel de 4 000 dollars/actif) soit 9 638 dollars/actif, est loin de celle obtenue en Corée, soit 18 192 dollars/actif.
La lutte contre le chômage constitue à l’évidence le défi numéro un, et le secteur des hydrocarbures ne peut en être la solution unique. Les récentes émeutes de Ouargla et de Touggourt, dans le Sahara algérien, symbolisent au mieux cette impasse. On y recense des milliers de chômeurs alors que l’exploration et la production pétrolière et gazière sont en plein boom (plus de 40 entreprises internationales y interviennent au côté de la Sonatrach). Monsieur Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, le confirmait au lendemain des émeutes, et à Ouargla même. « Le secteur des hydrocarbures ne peut régler le problème du chômage en Algérie », a-t-il déclaré aux journalistes. Dès lors, qu’attend-on pour organiser au plus vite un après pétrole créateur d’emplois ?

3ème archaïsme : Un système foncier complexe, peu transparent et sans titre de propriété

Le système foncier vient aussi freiner le développement du pays. Pour les opérateurs économiques comme pour les citoyens, et bien que la propriété privée soit reconnue par la Constitution pour les nationaux comme pour les étrangers, l’obtention d’un titre de propriété pour un terrain est pratiquement impossible. La loi foncière, qui doit déterminer le caractère privé, et donc cessible, des terres notamment agricoles et industrielles, est toujours en instance. Pour des raisons historiques, la plupart des terrains à vocation d’investissement sont d’origine publique. Mais, ces terrains sont rares et pour y accéder il faut suivre de nombreuses procédures administratives et se plonger dans un maquis de textes. L’absence d’un système d’indices de prix ajoute à la confusion, laisse place à des prix spéculatifs, à des ventes illicites et bloque toute velléité d’investissement de la part des opérateurs. En l’absence de dispositifs législatifs clairs, les intervenants locaux sont légion. Enfin, la rareté des terrains et la concurrence féroce qui s’en suit entre les secteurs du logement, de l’industrie et de l’agriculture vient encore compliquer la situation. Pour accéder à des terrains agricoles, il faut négocier avec une multitude de partenaires : Wilaya (préfecture), service des domaines, ministère de l’agriculture, les attributaires de la révolution agraire...sans certitude d’aboutir. Résultat, toutes les constructions sont engagées sans permis de construire (délai moyen pour l’obtenir : 4 mois) puisque pour l’obtenir, il faut le titre de propriété. Dans ces conditions, les banques refusent d’accorder des crédits car elles n’acceptent pas facilement les hypothèques tant que la propriété n’est pas dûment établie.(C’est actuellement un des problèmes pour la future cyber-cité de Sidi Abdallah). Pour ces raisons, la demande insatisfaite en terrains industriels est énorme. 38% des entreprises affirment avoir cherché des terrains sur des périodes allant jusqu’à cinq ans. La moitié des terrains viabilisés sont inutilisés, soit parce qu’ils appartiennent à des entreprises publiques en faillite, soit à des particuliers qui les conservent pour spéculer. Le marché foncier sous contrôle de l’état connaît les mêmes problèmes auxquels s’ajoutent le peu de transparence dans l’affectation et les phénomènes de corruption. Enfin, les parcs industriels existants et les zones d’activités sont insuffisamment équipés et mal gérés.

4ème archaïsme : Un système bancaire et financier qui ignore l’investissement

Le secteur bancaire algérien reste dominé par les grandes banques publiques. Celles-ci gèrent toujours plus de 80 % des dépôts et des actifs, des entreprises et des particuliers. Leur modernisation tarde à venir. Depuis plus de 10 ans, le gouvernement y a injecté des sommes colossales (près de 45% du PIB) pour couvrir leurs déficits et ceux des entreprises publiques dont elles assurent le financement. Avec l’ajustement et l’émergence de ce secteur, celles-ci ont été plutôt amenées à octroyer davantage de financements pour les activités commerciales de court terme, sans être trop regardantes sur la solvabilité de leurs clients. Résultat : les banques publiques disposent d’un portefeuille important de créances douteuses. Le niveau de créances non recouvrables, soit 200 milliards de dinars (2 milliards d’euros), est tel que le ratio de pertes sur prêts dépasse les 60%. Dans ces conditions, les banques publiques se trouvent dans l’incapacité de répondre aux demandes de ressources du secteur productif solvable. Lorsqu’elles le font, principalement pour du crédit à court terme (à plus de 50%), les taux d’intérêts proposés sont très élevés. S’agissant de l’investissement, les banques ne participent qu’à 18% de son financement. Quant au marché financier, la Bourse d’Alger est moribonde (moins d’une dizaine d’entreprises cotées) et n’a guère les moyens de mobiliser les capitaux dont les entreprises ont besoin.
De leur côté, les banques privées qui interviennent en Algérie disposent encore de peu de moyens pour pouvoir rivaliser à grande échelle avec les banques publiques. Quelques unes ont cependant réussi à étendre leurs activités, hors de tout contrôle réel de leur mode de fonctionnement. Parmi elles la banque du groupe Khalifa, qui a défrayé la chronique tout au long de l’année 2003, au point d’apparaître comme le premier grand scandale de l’ajustement dans le secteur privé industriel et financier. Mettant en cause jusqu’au fonctionnement de la Banque d’Algérie et de l’Etat. La banque centrale algérienne, qui avait conquis son autonomie dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit de 1990, est repassée sous la tutelle gouvernementale durant l’été 2000, et continue de subir les injonctions administratives et politiques. Ce n’est qu’en octobre 2002 qu’elle s’est engagée à contrôler le fonctionnement interne des banques et établissements financiers. Son action, à ce jour reste bien timide, si ce n’est les décisions prises à l’encontre du groupe Khalifa et de la BCIA. Résultat, les investisseurs étrangers ne se bousculent guère aux guichets des banques, sauf pour y placer leurs capitaux dans le secteur énergétique ou dans celui de la téléphonie.

5ème archaïsme : Un pays d’émigration sans diaspora

La politique migratoire algérienne est également marquée par l’archaïsme. L’émigration est nombreuse (près de deux millions de personnes, soit 6% de la population algérienne), mais elle est dispersée et inorganisée. Dans les pays d’accueil, elle crée et possède cependant une richesse importante, mais elle n’a jamais pu se transformer en véritable diaspora. Ainsi, contrairement aux autres diaspora (chinoise, indienne, libanaise, voire d’Afrique noire), celle-ci n’investit pratiquement pas dans son pays d’origine, si ce n’est pour y construire des habitations. En Chine, la diaspora, organisée depuis longtemps dans un tissu associatif très étoffé, puis dans des chambres de commerce, des banques et des réseaux, réalise plus des deux tiers des investissements directs extérieurs (IDE, soit près de 25 à 30 milliards de dollars par an) et 50% des exportations, pour une population estimée à 55 millions de membres, soit 4% de la population chinoise. Elle est ainsi le premier investisseur en Asie du Sud-est. Pis, faute de pouvoir investir chez elle, une partie de la diaspora algérienne contribue à des transferts invisibles de capitaux vers les pays d’accueil (pour environ 1 à 1,5 milliards de dollars, soit deux tiers des IDE reçus). Dès lors, le pouvoir économique de l’émigration est quasi-inexistant. Quand certains de ses membres tentent d’investir au pays, forts de leur qualification, de leur savoir faire et de leurs capitaux, ils font face à toutes les difficultés énumérées précédemment. Or, dans tout pays qui aspire à la modernité la diaspora a besoin de son pays d’origine et celui-ci a besoin d’elle. Jusque là, les autorités algériennes n’ont guère mis en place les dispositifs modernes qui pourraient mobiliser utilement cette émigration.

http://www.reseau-ipam.org/article.php3?id_article=291



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http://www.marocainsdalgerie.net

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6ème archaïsme : Une éducation massive, mais inadaptée et coupée de la recherche

Archaïsme également que ce système éducatif algérien, qui après avoir réussi le pari de l’école obligatoire pour les garçons et les filles (indice d’instruction de 69%), n’a pas su la rendre performante. A ce jour, l’analphabétisme reste persistant. Chez les adultes, une femme sur deux est analphabète et un homme sur quatre. Comparé à la situation de la Corée (indice d’instruction de 96%, avec un taux d’analphabétisme de 3% pour les femmes et de 2% pour les hommes), qui partait d’une situation encore plus difficile que l’Algérie en 1960, ce résultat est nettement insuffisant.
La politique d’éducation poursuivie depuis près de quarante ans a certes permis une massification des effectifs, mais les résultats finaux obtenus en termes d’efficacité et de qualité demeurent nettement insuffisants. Les abandons, exclusions et autres sorties en cours de scolarité, et l’importance de l’échec scolaire (60 à 75%) lors des principaux examens (BEF et baccalauréat), se traduisent par un taux de déperdition global de 95% entre le moment de l’entrée à l’école fondamentale et celui de la sortie de l’enseignement supérieur. Autrement dit, le taux de réussite final est de cinq pour cent. A titre de comparaison, il est de 10% en Tunisie. Avec un tel mécanisme d’exclusion, on estime les déperditions annuelles à 500 ou 600 000 jeunes. Par ailleurs, depuis le milieu des années 1990 on assiste d’une part à un recul du niveau général de scolarisation à l’école fondamentale, et d’autre part au développement des écoles privées pour une minorité en mesure d’en payer le prix (plus de 30 établissements privés dans la seule ville de Tizi-Ouzou). La baisse des dépenses d’éducation dans le budget de la nation depuis quelques années, programme d’ajustement oblige, n’est pas étrangère à cette évolution. Ces dépenses représentaient 9,8 % du budget de l’état dans les années 1980, elles n’en représentent plus que 5,1 %.
Inadaptée aux besoins des secteurs productifs, la formation ne débouche sur aucun véritable travail de recherche. La recherche développement publique ou privée est pratiquement inexistante. Les nouveautés technologiques viennent de l’étranger par le biais des importations. A ce jour, l’INAPI (l’office algérien de la propriété intellectuelle) n’a délivré aucun brevet à l’un de ses chercheurs. En Corée, on en délivre en moyenne un pour 1000 habitants. Mais, comment pourrait-il en être autrement : les jeunes algériens ne disposent que d’un ordinateur pour 1000 habitants quand leurs homologues de Corée sont 48% a en posséder. Enfin, l’éducation fournie fait l’impasse sur les questions de citoyenneté.

7ème archaïsme : Un statut de la femme particulièrement rétrograde

En Algérie, bien que la Constitution affirme l’égalité des sexes (article 29), sous couvert de respecter les préceptes islamiques, la femme est soumise à des règles juridiques, économiques et sociales archaïques et injustes. Dans le Code de la Famille promulgué en 1984, sous la pression des idéologues de l’islamisme d’état (les islamo-conservateurs du FLN, alors parti unique, et du Conseil Supérieur Islamique), son statut personnel en fait une mineure à vie, dépendante du bon vouloir de son mari ou de son père, sommée d’admettre la polygamie et la répudiation. Cette situation juridique se reflète dans la place et le rôle qu’elle joue dans la sphère économique. Le nombre des femmes qui accèdent à un emploi salarié reste marginal. Il est le plus faible du monde arabe (moins de 12% en Algérie et le double en Tunisie). Dans les ouvrages scolaires, on continue de véhiculer l’image de la femme soumise aux taches ménagères. Par ailleurs, tout cela est légitimé dans les cours d’éducation religieuse, dispensés par des personnes insuffisamment formées, de sorte que près des trois quarts des femmes sont des femmes au foyer. Il n’est pas rare que des femmes titulaires de diplômes universitaires restent chez elles sous la pression sociale ou familiale. Pour ces mêmes raisons, les femmes subissent tout le poids des responsabilités domestiques. L’exiguité des logements, le rationnement de l’eau, l’absence de soins appropriés, l’échec scolaire de leurs nombreux enfants, le chômage qui les frappe (80% des chômeurs ont moins de 30 ans), la délinquance dans laquelle ils peuvent sombrer sont autant de douleurs qu’elles affrontent avec courage. A cela s’ajoutent toutes sortes de violences et d’agressions physiques et morales qu’elles subissent dès qu’elles semblent s’écarter des comportements traditionnels. Pour toutes ces raisons, l’Algérie, et de manière plus large le Maghreb, est classée en avant dernière position par le PNUD pour ce qui est de la participation des femmes au développement, juste devant l’Afrique subsaharienne. Pourtant, et pour paraphraser Aragon, en Algérie comme ailleurs, « la femme est l’avenir de l’homme ».

8ème archaïsme : Un système politique sclérosé

Longtemps marqué par le système du parti unique, l’Algérie s’est donnée, en 1988, les apparences du multipartisme. Dans la réalité, le système est resté très autoritaire, et la réforme constitutionnelle de 1996 a renforcé les pouvoirs du Président par rapport au Parlement, et le contrôle de l’exécutif sur l’appareil judiciaire. Les élections qui s’y déroulent sont en permanence contestées, tout autant sur le mode de désignation des candidats, que sur les moyens de la fraude (pressions sur les candidats, monopolisation des moyens d’information et de propagande, contrôle des partis politiques). La gestion des conflits est le plus souvent réglée par des mesures sécuritaires (contestation et terrorisme islamiste, contestation et révolte en Kabylie). La presse elle-même n’échappe pas à cette gestion sécuritaire (pressions financières, contrôle de la publicité, procès contre les journalistes, disparitions). Résultat, le pays n’a jamais connu d’alternance politique et la gestion sécuritaire des conflits a fait plus de 150 000 morts. En cette fin de 20ème siècle, seuls le Rwanda et la Colombie ont connu des situations internes similaires. Or, pour relancer une dynamique développement et mobiliser la société civile, l’état doit s’appuyer sur le droit et sur un dialogue permanent et structuré avec toutes les couches de la population respectueuses d’une gestion pacifique des conflits d’intérêts. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) le rappelle : les démocraties sont moins sujettes aux guerres civiles et aux affrontements fratricides ; les régimes démocratiques gèrent mieux les conflits que les régimes autoritaires ; les pays démocratiques se font rarement la guerre. C’est là un sacré challenge qui s’offre à la fois au pouvoir en place en Algérie, à ses oppositions démocratiques et islamistes, et à sa société civile dans son ensemble, si l’on veut sortir au plus vite le pays de son archaïsme politique.

9ème archaïsme : Une langue officielle, deux langues nationales, trois langues mal maîtrisées

Pour avoir voulu supprimer la langue de la colonisation, le français, et assurer son juste remplacement par l’arabe, les autorités l’ont instituée seule langue officielle et nationale. Résultat, quarante ans après l’indépendance, l’arabe classique enseigné à l’école diffère sensiblement de l’arabe parlé par la majorité de la population, et le berbère, la langue des origines, a été totalement ignoré. Le français est tellement utilisé qu’il fait encore de l’Algérie un des principaux pays francophones. Il a fallu attendre le début des années 2001 et la vigueur de la contestation en Kabylie pour que le berbère soit enfin reconnu comme la seconde langue nationale du pays. Cependant, ces deux langues nationales sont mal maîtrisées, et les écoles privées, qui poussent comme des champignons dans le pays, font une place de plus en plus importante à la langue de Molière, accompagnées en cela par les émissions de télévision satellitaires françaises qui arrosent en permanence le Maghreb. Le comédien Fellag, qui présente ses sketches sur la réalité algérienne dans le mélange explosif d’humour de ces trois langues, symbolise à lui seul la situation aujourd’hui inextricable qui en découle.

10ème archaïsme : La religion au cœur des enjeux politiques

Aujourd’hui, on semble découvrir comme un anachronisme le fait que des islamistes désirent conquérir le pouvoir au nom de l’Islam, fut ce par le recours aux armes et au terrorisme. Tout terrorisme est bien évidemment injustifiable et condamnable. Mais, ce qu’il y a d’archaïque en Algérie, c’est le rapport qu’entretient, depuis l’indépendance, tout le système politique à la religion. Durant la période coloniale, le problème était simple. La question du rapport de l’Islam à l’état se confondait avec celle du rapport des musulmans algériens à la France. L’archaïsme du pouvoir colonial, pourtant laïque en métropole, se traduisait alors par le contrôle direct des musulmans : par le financement public du culte, par le recrutement du personnel cultuel, par la réglementation du droit de prêche dans les mosquées. Le mouvement national, y compris les Oulémas, exigea alors la liberté de culte et la séparation de la religion de l’état. Il s’agissait là de revendiquer la laïcité pour mieux distinguer le peuple musulman de l’état colonisateur.
Pour ces raisons, au lendemain de l’indépendance, les Oulémas s’opposent avec force à toute idée d’état laïque, car pour eux l’état laïque, c’est l’état colonial. L’état algérien restauré, s’appuyant sur le parti unique qui avait permis la victoire sur le colonialisme, réagit en décrétant l’Islam religion d’état, dans toutes les constitutions et chartes qui se sont succédé à ce jour, installant pour longtemps le pays dans un archaïsme qui coûtera très cher. Ce faisant, il s’agissait de subordonner la religion à l’état, et de contrôler les algériens, leur conscience politique et leur foi. Mais au-delà, on instaure un système politico-religieux qui se légitime par la Révolution armée et par l’Islam, à défaut de se légitimer par le peuple. Dès lors ce système archaïque replace la religion au cœur des luttes politiques et perpétue la confusion entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. De la sorte, toute contestation à caractère démocratique ou laïque se verra réprimée parce que portant atteintes à la révolution ou à la religion. Ce faisant, le pouvoir a laissé se développer le ferment de l’islamisme politique le plus radical pour mieux contrer la soif de démocratie du peuple algérien. Celui-ci apparaît au grand jour dès l’approfondissement de la crise politique et économique des années 1980, galvanisé par le succès de la « révolution islamique iranienne » de 1979. Sa revendication principale n’est plus simplement de refuser la laïcisation de l’état ou ses pratiques contraires à l’Islam (socialisme, révolution agraire, nationalisation de la propriété, production d’alcool dans des usines publiques...) mais de conquérir le pouvoir. L’état avait jusque là réussi à contrôler l’Islam. Désormais, les islamistes les plus radicaux se proposent d’inverser les rôles : subordonner l’état à l’Islam. Et pour cela instaurer un état islamique. En d’autres termes remplacer, y compris par la violence, un système politique archaïque par un autre système politique archaïque. Le résultat est connu : un terrorisme et une violence aveugles qui durant plus de 10 ans saigneront à blanc, dans une lutte fratricide, une société qui n’avait pas encore fait le deuil de ses fils et filles qui avaient péri pour que vive l’Algérie indépendante. Cependant dès 1997, le Président Zeroual obtint, dans des conditions peu transparentes (conclusion d’un deal ?), l’arrêt des actions violentes de l’AIS, le bras armé du FIS. Et, en janvier 2000, son successeur, Abdelaziz Bouteflika fit adopter puis promulguer la Loi sur la Concorde Civile, qui permit la reddition de milliers de combattants de l’AIS et de certains GIA (les fameux repentis), faisant baisser d’un cran cette violence, sans la supprimer. En contrepartie, l’influence des islamistes s’est affirmée dans la vie politique en même temps qu’on marginalisait les partis et personnalités démocratiques. Plusieurs membres du gouvernement (du MSP ex Hamas, du FLN ou du RND) en sont directement ou indirectement issus. Les candidats à la présidentielle acceptés par le pouvoir s’inscrivent dans cette logique, alors que la plupart des candidats du front anti-fraude, globalement à distance de l’état et de l’islamisme, en sont exclus. Dans ces conditions, sortir de l’archaïsme en termes religieux c’est, pour l’état, modifier la constitution pour aller vers une république laïque respectueuse de toutes les religions et de toutes les libertés (comme le stipulait la déclaration du 1er Novembre 1954), et pour les islamistes respecter la république et entrer dans le moule du processus démocratique, comme en Turquie par exemple.

Smaïl GOUMEZIANE, Paris, Avril 2004

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