ALGERIE : UN SYSTEME ARCHAÏQUE
Depuis 1994, l’Algérie s’est engagée dans un vaste processus d’ajustement structurel, sur fonds de terrorisme et de contestation sociale et culturelle. L’embellie pétrolière et les conditions climatiques aidant, le pays a retrouvé ses grands équilibres macro économiques, a rendu gérable sa dette extérieure (24 milliards d’encours), et s’est constitué des niveaux de réserves en devises plus que confortables (32 milliards de dollars). Grâce à cela, le niveau de chômage a légèrement baissé, et le revenu annuel moyen par habitant atteint 1830 dollars. Cependant, le pays reste marqué par de nombreux archaïsmes qui le rendent très vulnérable. Autant de défis que les autorités auront à relever au lendemain de l’élection présidentielle, si l’on veut construire une Algérie durablement prospère, moderne et juste.
1er archaïsme : Une spécialisation primaire fondée sur des ressources non renouvelables et une croissance par les prix
En ce début de 21ème siècle, l’Algérie, tout en affichant la volonté de s’inscrire dans le vaste mouvement de mondialisation de la planète, est plus que jamais enfermée dans un système économique largement obsolète depuis plus de 30 ans, fondé sur la spécialisation primaire. Les hydrocarbures et l’agriculture constituent plus de 50% du PIB (43% pour les ressources non renouvelables et 9,4% pour les ressources agricoles), alors que l’industrie manufacturière ne dépasse pas 7% et que les services atteignent 37%. Cette tendance s’est accentuée depuis plusieurs années. En 1994, le secteur primaire ne constituait que 32% du PIB (dont 18,2% pour les hydrocarbures), contre 11,5% pour l’industrie manufacturière et 56,5% pour les services. C’est là un schéma complètement inverse de tous les pays émergents. A titre d’exemple, en 2002, la structure du PIB de la Corée du sud se répartit comme suit : 55,1% pour les services, 40,9% pour l’industrie et 4% pour l’agriculture. Cette spécialisation est aggravée par le fait que les hydrocarbures constituent 97% des recettes d’exportations. Cette situation accentue la vulnérabilité de l’économie algérienne aux chocs externes (variations à la baisse des prix pétroliers, modification de la convertibilité Euro/dollar...). Ainsi, l’Algérie a connu 20% de perte de change en 2003 (exportations en dollars, importations en Euros), soit l’équivalent du service de la dette. Pour sortir de cette situation, le pays doit engager au plus vite la diversification de la production nationale, (notamment dans les industries et les services à forte valeur ajoutée), et celle des exportations. D’ici 20 ans, il faut que le PIB quadruple, autrement dit qu’il augmente en moyenne de 7 à 8% par an, et que la structure des échanges extérieurs se modifie radicalement en faveur des produits manufacturés et de haute technologie. C’est possible : la Corée et la Chine l’ont fait. Défi d’autant plus difficile à tenir qu’il ne pourra pas être tiré par le secteur des hydrocarbures : les prix ont atteint des niveaux maximaux, les quantités exportables restent fixées par les quotas de l’OPEP (sauf baisse exceptionnelle des prix sous la barre des 28 dollars le baril) et, à terme, les réserves s’épuiseront. Les ventes de gaz pourraient contrecarrer en partie cette évolution (le gaz représente d’ores et déjà 40% des recettes d’exportations), mais il ne faut guère se faire d’illusions, l’Algérie doit désormais réfléchir au plus vite aux autres moteurs qui pourront garantir durablement les taux de croissance nécessaires, et regarder du côté du BTP, des infrastructures, des industries manufacturières et des services de haute technologie.
2ème archaïsme : Une transition démographique tardive et non maîtrisée
L’archaïsme prévaut également en termes démographiques. Le pays a trop tardé à engager sa transition démographique. Celle-ci résulte depuis plusieurs années des difficultés de la vie (logement, retard au mariage, chômage, baisse du pouvoir d’achat) plutôt que de la réussite du développement. En quarante ans, le pays a multiplié sa population par trois et son PIB par moins de deux. Dans le même laps de temps, la population coréenne augmente d’à peine 50%, grâce notamment au planning familial mis en place dès 1960. Dans ces conditions, la population active de l’Algérie est très faible : 8 millions de personnes pour une population de 32 millions en 2003, soit 25%, contre 27 millions en Corée pour une population de 47,6 millions, soit 56,7%. Autrement dit, un algérien sur quatre est potentiellement actif, alors qu’en Corée c’est un sur deux.
Cet archaïsme démographique est aggravé par le taux de chômage. Celui-ci aurait (officiellement) baissé à 24% de la population active (ce qui supposerait qu’en quatre ans, le pays ait créé environ 1,8 millions d’emplois ! difficile à croire, mais admettons), mais il reste un des taux les plus élevés au monde. L’Algérie compte 6 millions d’actifs réels, soit 18,7% de la population totale. En Corée, ceux-ci représentent 54,5% de la population. Tout cela conduit à une productivité des plus faibles (l’Algérie possède un des taux de productivité les plus bas du bassin méditerranéen !). La richesse créée en 2003, en comptant la richesse en hydrocarbures (un don du ciel de 4 000 dollars/actif) soit 9 638 dollars/actif, est loin de celle obtenue en Corée, soit 18 192 dollars/actif.
La lutte contre le chômage constitue à l’évidence le défi numéro un, et le secteur des hydrocarbures ne peut en être la solution unique. Les récentes émeutes de Ouargla et de Touggourt, dans le Sahara algérien, symbolisent au mieux cette impasse. On y recense des milliers de chômeurs alors que l’exploration et la production pétrolière et gazière sont en plein boom (plus de 40 entreprises internationales y interviennent au côté de la Sonatrach). Monsieur Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, le confirmait au lendemain des émeutes, et à Ouargla même. « Le secteur des hydrocarbures ne peut régler le problème du chômage en Algérie », a-t-il déclaré aux journalistes. Dès lors, qu’attend-on pour organiser au plus vite un après pétrole créateur d’emplois ?
3ème archaïsme : Un système foncier complexe, peu transparent et sans titre de propriété
Le système foncier vient aussi freiner le développement du pays. Pour les opérateurs économiques comme pour les citoyens, et bien que la propriété privée soit reconnue par la Constitution pour les nationaux comme pour les étrangers, l’obtention d’un titre de propriété pour un terrain est pratiquement impossible. La loi foncière, qui doit déterminer le caractère privé, et donc cessible, des terres notamment agricoles et industrielles, est toujours en instance. Pour des raisons historiques, la plupart des terrains à vocation d’investissement sont d’origine publique. Mais, ces terrains sont rares et pour y accéder il faut suivre de nombreuses procédures administratives et se plonger dans un maquis de textes. L’absence d’un système d’indices de prix ajoute à la confusion, laisse place à des prix spéculatifs, à des ventes illicites et bloque toute velléité d’investissement de la part des opérateurs. En l’absence de dispositifs législatifs clairs, les intervenants locaux sont légion. Enfin, la rareté des terrains et la concurrence féroce qui s’en suit entre les secteurs du logement, de l’industrie et de l’agriculture vient encore compliquer la situation. Pour accéder à des terrains agricoles, il faut négocier avec une multitude de partenaires : Wilaya (préfecture), service des domaines, ministère de l’agriculture, les attributaires de la révolution agraire...sans certitude d’aboutir. Résultat, toutes les constructions sont engagées sans permis de construire (délai moyen pour l’obtenir : 4 mois) puisque pour l’obtenir, il faut le titre de propriété. Dans ces conditions, les banques refusent d’accorder des crédits car elles n’acceptent pas facilement les hypothèques tant que la propriété n’est pas dûment établie.(C’est actuellement un des problèmes pour la future cyber-cité de Sidi Abdallah). Pour ces raisons, la demande insatisfaite en terrains industriels est énorme. 38% des entreprises affirment avoir cherché des terrains sur des périodes allant jusqu’à cinq ans. La moitié des terrains viabilisés sont inutilisés, soit parce qu’ils appartiennent à des entreprises publiques en faillite, soit à des particuliers qui les conservent pour spéculer. Le marché foncier sous contrôle de l’état connaît les mêmes problèmes auxquels s’ajoutent le peu de transparence dans l’affectation et les phénomènes de corruption. Enfin, les parcs industriels existants et les zones d’activités sont insuffisamment équipés et mal gérés.
4ème archaïsme : Un système bancaire et financier qui ignore l’investissement
Le secteur bancaire algérien reste dominé par les grandes banques publiques. Celles-ci gèrent toujours plus de 80 % des dépôts et des actifs, des entreprises et des particuliers. Leur modernisation tarde à venir. Depuis plus de 10 ans, le gouvernement y a injecté des sommes colossales (près de 45% du PIB) pour couvrir leurs déficits et ceux des entreprises publiques dont elles assurent le financement. Avec l’ajustement et l’émergence de ce secteur, celles-ci ont été plutôt amenées à octroyer davantage de financements pour les activités commerciales de court terme, sans être trop regardantes sur la solvabilité de leurs clients. Résultat : les banques publiques disposent d’un portefeuille important de créances douteuses. Le niveau de créances non recouvrables, soit 200 milliards de dinars (2 milliards d’euros), est tel que le ratio de pertes sur prêts dépasse les 60%. Dans ces conditions, les banques publiques se trouvent dans l’incapacité de répondre aux demandes de ressources du secteur productif solvable. Lorsqu’elles le font, principalement pour du crédit à court terme (à plus de 50%), les taux d’intérêts proposés sont très élevés. S’agissant de l’investissement, les banques ne participent qu’à 18% de son financement. Quant au marché financier, la Bourse d’Alger est moribonde (moins d’une dizaine d’entreprises cotées) et n’a guère les moyens de mobiliser les capitaux dont les entreprises ont besoin.
De leur côté, les banques privées qui interviennent en Algérie disposent encore de peu de moyens pour pouvoir rivaliser à grande échelle avec les banques publiques. Quelques unes ont cependant réussi à étendre leurs activités, hors de tout contrôle réel de leur mode de fonctionnement. Parmi elles la banque du groupe Khalifa, qui a défrayé la chronique tout au long de l’année 2003, au point d’apparaître comme le premier grand scandale de l’ajustement dans le secteur privé industriel et financier. Mettant en cause jusqu’au fonctionnement de la Banque d’Algérie et de l’Etat. La banque centrale algérienne, qui avait conquis son autonomie dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit de 1990, est repassée sous la tutelle gouvernementale durant l’été 2000, et continue de subir les injonctions administratives et politiques. Ce n’est qu’en octobre 2002 qu’elle s’est engagée à contrôler le fonctionnement interne des banques et établissements financiers. Son action, à ce jour reste bien timide, si ce n’est les décisions prises à l’encontre du groupe Khalifa et de la BCIA. Résultat, les investisseurs étrangers ne se bousculent guère aux guichets des banques, sauf pour y placer leurs capitaux dans le secteur énergétique ou dans celui de la téléphonie.
5ème archaïsme : Un pays d’émigration sans diaspora
La politique migratoire algérienne est également marquée par l’archaïsme. L’émigration est nombreuse (près de deux millions de personnes, soit 6% de la population algérienne), mais elle est dispersée et inorganisée. Dans les pays d’accueil, elle crée et possède cependant une richesse importante, mais elle n’a jamais pu se transformer en véritable diaspora. Ainsi, contrairement aux autres diaspora (chinoise, indienne, libanaise, voire d’Afrique noire), celle-ci n’investit pratiquement pas dans son pays d’origine, si ce n’est pour y construire des habitations. En Chine, la diaspora, organisée depuis longtemps dans un tissu associatif très étoffé, puis dans des chambres de commerce, des banques et des réseaux, réalise plus des deux tiers des investissements directs extérieurs (IDE, soit près de 25 à 30 milliards de dollars par an) et 50% des exportations, pour une population estimée à 55 millions de membres, soit 4% de la population chinoise. Elle est ainsi le premier investisseur en Asie du Sud-est. Pis, faute de pouvoir investir chez elle, une partie de la diaspora algérienne contribue à des transferts invisibles de capitaux vers les pays d’accueil (pour environ 1 à 1,5 milliards de dollars, soit deux tiers des IDE reçus). Dès lors, le pouvoir économique de l’émigration est quasi-inexistant. Quand certains de ses membres tentent d’investir au pays, forts de leur qualification, de leur savoir faire et de leurs capitaux, ils font face à toutes les difficultés énumérées précédemment. Or, dans tout pays qui aspire à la modernité la diaspora a besoin de son pays d’origine et celui-ci a besoin d’elle. Jusque là, les autorités algériennes n’ont guère mis en place les dispositifs modernes qui pourraient mobiliser utilement cette émigration.
http://www.reseau-ipam.org/article.php3?id_article=291
Depuis 1994, l’Algérie s’est engagée dans un vaste processus d’ajustement structurel, sur fonds de terrorisme et de contestation sociale et culturelle. L’embellie pétrolière et les conditions climatiques aidant, le pays a retrouvé ses grands équilibres macro économiques, a rendu gérable sa dette extérieure (24 milliards d’encours), et s’est constitué des niveaux de réserves en devises plus que confortables (32 milliards de dollars). Grâce à cela, le niveau de chômage a légèrement baissé, et le revenu annuel moyen par habitant atteint 1830 dollars. Cependant, le pays reste marqué par de nombreux archaïsmes qui le rendent très vulnérable. Autant de défis que les autorités auront à relever au lendemain de l’élection présidentielle, si l’on veut construire une Algérie durablement prospère, moderne et juste.
1er archaïsme : Une spécialisation primaire fondée sur des ressources non renouvelables et une croissance par les prix
En ce début de 21ème siècle, l’Algérie, tout en affichant la volonté de s’inscrire dans le vaste mouvement de mondialisation de la planète, est plus que jamais enfermée dans un système économique largement obsolète depuis plus de 30 ans, fondé sur la spécialisation primaire. Les hydrocarbures et l’agriculture constituent plus de 50% du PIB (43% pour les ressources non renouvelables et 9,4% pour les ressources agricoles), alors que l’industrie manufacturière ne dépasse pas 7% et que les services atteignent 37%. Cette tendance s’est accentuée depuis plusieurs années. En 1994, le secteur primaire ne constituait que 32% du PIB (dont 18,2% pour les hydrocarbures), contre 11,5% pour l’industrie manufacturière et 56,5% pour les services. C’est là un schéma complètement inverse de tous les pays émergents. A titre d’exemple, en 2002, la structure du PIB de la Corée du sud se répartit comme suit : 55,1% pour les services, 40,9% pour l’industrie et 4% pour l’agriculture. Cette spécialisation est aggravée par le fait que les hydrocarbures constituent 97% des recettes d’exportations. Cette situation accentue la vulnérabilité de l’économie algérienne aux chocs externes (variations à la baisse des prix pétroliers, modification de la convertibilité Euro/dollar...). Ainsi, l’Algérie a connu 20% de perte de change en 2003 (exportations en dollars, importations en Euros), soit l’équivalent du service de la dette. Pour sortir de cette situation, le pays doit engager au plus vite la diversification de la production nationale, (notamment dans les industries et les services à forte valeur ajoutée), et celle des exportations. D’ici 20 ans, il faut que le PIB quadruple, autrement dit qu’il augmente en moyenne de 7 à 8% par an, et que la structure des échanges extérieurs se modifie radicalement en faveur des produits manufacturés et de haute technologie. C’est possible : la Corée et la Chine l’ont fait. Défi d’autant plus difficile à tenir qu’il ne pourra pas être tiré par le secteur des hydrocarbures : les prix ont atteint des niveaux maximaux, les quantités exportables restent fixées par les quotas de l’OPEP (sauf baisse exceptionnelle des prix sous la barre des 28 dollars le baril) et, à terme, les réserves s’épuiseront. Les ventes de gaz pourraient contrecarrer en partie cette évolution (le gaz représente d’ores et déjà 40% des recettes d’exportations), mais il ne faut guère se faire d’illusions, l’Algérie doit désormais réfléchir au plus vite aux autres moteurs qui pourront garantir durablement les taux de croissance nécessaires, et regarder du côté du BTP, des infrastructures, des industries manufacturières et des services de haute technologie.
2ème archaïsme : Une transition démographique tardive et non maîtrisée
L’archaïsme prévaut également en termes démographiques. Le pays a trop tardé à engager sa transition démographique. Celle-ci résulte depuis plusieurs années des difficultés de la vie (logement, retard au mariage, chômage, baisse du pouvoir d’achat) plutôt que de la réussite du développement. En quarante ans, le pays a multiplié sa population par trois et son PIB par moins de deux. Dans le même laps de temps, la population coréenne augmente d’à peine 50%, grâce notamment au planning familial mis en place dès 1960. Dans ces conditions, la population active de l’Algérie est très faible : 8 millions de personnes pour une population de 32 millions en 2003, soit 25%, contre 27 millions en Corée pour une population de 47,6 millions, soit 56,7%. Autrement dit, un algérien sur quatre est potentiellement actif, alors qu’en Corée c’est un sur deux.
Cet archaïsme démographique est aggravé par le taux de chômage. Celui-ci aurait (officiellement) baissé à 24% de la population active (ce qui supposerait qu’en quatre ans, le pays ait créé environ 1,8 millions d’emplois ! difficile à croire, mais admettons), mais il reste un des taux les plus élevés au monde. L’Algérie compte 6 millions d’actifs réels, soit 18,7% de la population totale. En Corée, ceux-ci représentent 54,5% de la population. Tout cela conduit à une productivité des plus faibles (l’Algérie possède un des taux de productivité les plus bas du bassin méditerranéen !). La richesse créée en 2003, en comptant la richesse en hydrocarbures (un don du ciel de 4 000 dollars/actif) soit 9 638 dollars/actif, est loin de celle obtenue en Corée, soit 18 192 dollars/actif.
La lutte contre le chômage constitue à l’évidence le défi numéro un, et le secteur des hydrocarbures ne peut en être la solution unique. Les récentes émeutes de Ouargla et de Touggourt, dans le Sahara algérien, symbolisent au mieux cette impasse. On y recense des milliers de chômeurs alors que l’exploration et la production pétrolière et gazière sont en plein boom (plus de 40 entreprises internationales y interviennent au côté de la Sonatrach). Monsieur Chakib Khelil, ministre de l’Energie et des Mines, le confirmait au lendemain des émeutes, et à Ouargla même. « Le secteur des hydrocarbures ne peut régler le problème du chômage en Algérie », a-t-il déclaré aux journalistes. Dès lors, qu’attend-on pour organiser au plus vite un après pétrole créateur d’emplois ?
3ème archaïsme : Un système foncier complexe, peu transparent et sans titre de propriété
Le système foncier vient aussi freiner le développement du pays. Pour les opérateurs économiques comme pour les citoyens, et bien que la propriété privée soit reconnue par la Constitution pour les nationaux comme pour les étrangers, l’obtention d’un titre de propriété pour un terrain est pratiquement impossible. La loi foncière, qui doit déterminer le caractère privé, et donc cessible, des terres notamment agricoles et industrielles, est toujours en instance. Pour des raisons historiques, la plupart des terrains à vocation d’investissement sont d’origine publique. Mais, ces terrains sont rares et pour y accéder il faut suivre de nombreuses procédures administratives et se plonger dans un maquis de textes. L’absence d’un système d’indices de prix ajoute à la confusion, laisse place à des prix spéculatifs, à des ventes illicites et bloque toute velléité d’investissement de la part des opérateurs. En l’absence de dispositifs législatifs clairs, les intervenants locaux sont légion. Enfin, la rareté des terrains et la concurrence féroce qui s’en suit entre les secteurs du logement, de l’industrie et de l’agriculture vient encore compliquer la situation. Pour accéder à des terrains agricoles, il faut négocier avec une multitude de partenaires : Wilaya (préfecture), service des domaines, ministère de l’agriculture, les attributaires de la révolution agraire...sans certitude d’aboutir. Résultat, toutes les constructions sont engagées sans permis de construire (délai moyen pour l’obtenir : 4 mois) puisque pour l’obtenir, il faut le titre de propriété. Dans ces conditions, les banques refusent d’accorder des crédits car elles n’acceptent pas facilement les hypothèques tant que la propriété n’est pas dûment établie.(C’est actuellement un des problèmes pour la future cyber-cité de Sidi Abdallah). Pour ces raisons, la demande insatisfaite en terrains industriels est énorme. 38% des entreprises affirment avoir cherché des terrains sur des périodes allant jusqu’à cinq ans. La moitié des terrains viabilisés sont inutilisés, soit parce qu’ils appartiennent à des entreprises publiques en faillite, soit à des particuliers qui les conservent pour spéculer. Le marché foncier sous contrôle de l’état connaît les mêmes problèmes auxquels s’ajoutent le peu de transparence dans l’affectation et les phénomènes de corruption. Enfin, les parcs industriels existants et les zones d’activités sont insuffisamment équipés et mal gérés.
4ème archaïsme : Un système bancaire et financier qui ignore l’investissement
Le secteur bancaire algérien reste dominé par les grandes banques publiques. Celles-ci gèrent toujours plus de 80 % des dépôts et des actifs, des entreprises et des particuliers. Leur modernisation tarde à venir. Depuis plus de 10 ans, le gouvernement y a injecté des sommes colossales (près de 45% du PIB) pour couvrir leurs déficits et ceux des entreprises publiques dont elles assurent le financement. Avec l’ajustement et l’émergence de ce secteur, celles-ci ont été plutôt amenées à octroyer davantage de financements pour les activités commerciales de court terme, sans être trop regardantes sur la solvabilité de leurs clients. Résultat : les banques publiques disposent d’un portefeuille important de créances douteuses. Le niveau de créances non recouvrables, soit 200 milliards de dinars (2 milliards d’euros), est tel que le ratio de pertes sur prêts dépasse les 60%. Dans ces conditions, les banques publiques se trouvent dans l’incapacité de répondre aux demandes de ressources du secteur productif solvable. Lorsqu’elles le font, principalement pour du crédit à court terme (à plus de 50%), les taux d’intérêts proposés sont très élevés. S’agissant de l’investissement, les banques ne participent qu’à 18% de son financement. Quant au marché financier, la Bourse d’Alger est moribonde (moins d’une dizaine d’entreprises cotées) et n’a guère les moyens de mobiliser les capitaux dont les entreprises ont besoin.
De leur côté, les banques privées qui interviennent en Algérie disposent encore de peu de moyens pour pouvoir rivaliser à grande échelle avec les banques publiques. Quelques unes ont cependant réussi à étendre leurs activités, hors de tout contrôle réel de leur mode de fonctionnement. Parmi elles la banque du groupe Khalifa, qui a défrayé la chronique tout au long de l’année 2003, au point d’apparaître comme le premier grand scandale de l’ajustement dans le secteur privé industriel et financier. Mettant en cause jusqu’au fonctionnement de la Banque d’Algérie et de l’Etat. La banque centrale algérienne, qui avait conquis son autonomie dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit de 1990, est repassée sous la tutelle gouvernementale durant l’été 2000, et continue de subir les injonctions administratives et politiques. Ce n’est qu’en octobre 2002 qu’elle s’est engagée à contrôler le fonctionnement interne des banques et établissements financiers. Son action, à ce jour reste bien timide, si ce n’est les décisions prises à l’encontre du groupe Khalifa et de la BCIA. Résultat, les investisseurs étrangers ne se bousculent guère aux guichets des banques, sauf pour y placer leurs capitaux dans le secteur énergétique ou dans celui de la téléphonie.
5ème archaïsme : Un pays d’émigration sans diaspora
La politique migratoire algérienne est également marquée par l’archaïsme. L’émigration est nombreuse (près de deux millions de personnes, soit 6% de la population algérienne), mais elle est dispersée et inorganisée. Dans les pays d’accueil, elle crée et possède cependant une richesse importante, mais elle n’a jamais pu se transformer en véritable diaspora. Ainsi, contrairement aux autres diaspora (chinoise, indienne, libanaise, voire d’Afrique noire), celle-ci n’investit pratiquement pas dans son pays d’origine, si ce n’est pour y construire des habitations. En Chine, la diaspora, organisée depuis longtemps dans un tissu associatif très étoffé, puis dans des chambres de commerce, des banques et des réseaux, réalise plus des deux tiers des investissements directs extérieurs (IDE, soit près de 25 à 30 milliards de dollars par an) et 50% des exportations, pour une population estimée à 55 millions de membres, soit 4% de la population chinoise. Elle est ainsi le premier investisseur en Asie du Sud-est. Pis, faute de pouvoir investir chez elle, une partie de la diaspora algérienne contribue à des transferts invisibles de capitaux vers les pays d’accueil (pour environ 1 à 1,5 milliards de dollars, soit deux tiers des IDE reçus). Dès lors, le pouvoir économique de l’émigration est quasi-inexistant. Quand certains de ses membres tentent d’investir au pays, forts de leur qualification, de leur savoir faire et de leurs capitaux, ils font face à toutes les difficultés énumérées précédemment. Or, dans tout pays qui aspire à la modernité la diaspora a besoin de son pays d’origine et celui-ci a besoin d’elle. Jusque là, les autorités algériennes n’ont guère mis en place les dispositifs modernes qui pourraient mobiliser utilement cette émigration.
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Dernière édition par le Mer 19 Déc - 21:24, édité 1 fois