[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Le Maghreb de la géographie semble mieux uni que le Maghreb des Etats. L’Atlas marocain, le Rif, les Traras, le Fillaoucène, l’Ouarsenis, l’Aurès, la Dorsale tunisienne, forment une chaîne solidaire aux paysages majestueux avec ses points culminants abritant la même identité, le même savoir-faire, la même érosion des langues, la même Histoire tumultueuse faite de douleurs et d’exclusions de peuples, résistant aux colonialismes successifs, dont le dernier, français, revient aujourd’hui avec l’idée d’un grand espace méditerranéen, rassembleur, où le Maghreb occupera, tout au plus, le rôle de sous-traitant d’une Europe sans frontières.
A son sud le Maghreb n’a même plus de sens pour qui sait parcourir l’immensité du Sahara, source d’inspiration poétique, succession de dunes que n’arrête aucune barrière, fusse-t-elle celle des hommes. Source aussi de divisions absurdes aux barrières infranchissables entre ceux qui se sont arrogés le droit de mener la politique à l’impasse. Une plaie qui divise une population qui se rapprochera bientôt des 100 millions d’habitants.
Bientôt, c’est déjà demain et l’on continue à croire que la souveraineté nationale doit l’emporter sur l’Union. Mais de quelle souveraineté nationale veut-on parler lorsque chacun des Etats membres mendie un strapontin dans le concert des nations qui ne s’en sont sorti justement que grâce à l’Union? A quoi sert cette concurrence ridicule dans l’achat d’armements sophistiqués alors la paix rapporte mieux et plus? Le Polisario vient de fêter ses 35 années d’existence, la question du «peuple sahraoui» pourtant tranchée par les instances internationales n’est toujours pas réglée, les postes-frontières algéro-marocains s’ouvrent et se ferment au gré des gardiens de barrières, les postes-frontières se sont transformés en abribus pour passeurs, les marchandises circulent au rythme des contrebandiers officiels et officieux, et, les discours politiques s’installent dans l’hypocrisie. Que fait la diplomatie de part et d’autre? Elle se tape dans le bas du dos, s’échange les politesses protocolaires, se réunit et promet de se revoir pendant que les vraies questions restent suspendues aux fiertés nationales de chacun. Aucun agenda sérieux ne pointe à l’horizon et il faut croire que le Sahara Occidental n’est qu’un prétexte pour amoindrir les pressions sociales des deux côtés de «Zoudj Bghal». Pourtant il est bien visible que sous la bannière française bien des choses peuvent évoluer en direction d’une issue honorable.
Faut-il alors s’en remettre, tout le temps, aux chefs d’orchestre pour interpréter une partition lisible pour peu que l’on se débarrasse des préjugés coloniaux et que l’on sache faire vibrer les cordes locales? Les générations qui sont là n’ont aucune haine à exprimer, ne connaissent de la «guerre des sables» et des «Amgalas» que peu de choses, et sont parfaitement habilitées à mettre leurs moyens en commun pour amoindrir les frais de l’avenir et éviter que les intégrismes en tous genres ne s’installent. La dernière réunion à Rabat de la commission des ressources humaines de l’UMA, a mis l’accent, une fois de plus, sur la «relance de l’Université et de l’Académie maghrébines» pour permettre l’insertion de la région dans le processus mondial de l’enseignement et de la recherche scientifique. C’est une initiative louable en soi et constitue le bout par lequel l’UMA pourrait retrouver sa véritable source d’oxygène, si l’intellectuel maghrébin occupait la place de l’éclaireur social qui lui revient. De droit. Les projets TEMPUS bien que critiquables sur la manière dont ils sont menés et regroupant aussi les pays maghrébins, ont prouvé que les universitaires sont capables de travailler en commun sur des projets fédérateurs dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils profitent, en premier lieu, aux banques de données européennes, en l’absence d’un espace de travail maghrébin. Pourquoi? Parce qu’une politique commune tarde à voir le jour pour des raisons de divergences de point de vues à propos de ce minimum que les Européens et autres Asiatiques ont pu définir pour faire face à la mondialisation. Pour définir ce qui doit être fait dans le domaine de l’environnement qui ne reconnaît, quant à lui, aucune frontière. Que faire d’un PNB qui avoisine les 204 milliards de dollars alors qu’il peut doubler voire tripler dans le cadre d’une politique commune d’investissements productifs, pour éviter aux populations futures d’aller se jeter en mer? Qui a le droit, aujourd’hui, de priver ces futures générations d’un rêve maghrébin alors que les premières revendications de l’Algérie d’avant-indépendance se reflétaient dans l’Etoile Nord Africaine, qui intégrait même l’Egypte à une vision régionale, il y a près d’un siècle de cela? Qui a intérêt à ce que le Maghreb ne se fasse pas? A ce que ces frontières héritées de la colonisation françaises continuent à constituer une barrière aux projets d’intérêt commun pour éviter de regarder vers le Nord en attendant un quelconque salut? Qui? Voilà bientôt vingt ans que l’UMA a vu le jour. Voilà bientôt vingt ans qu’elle attend de marcher sur ses deux pieds: l’Algérie et le Maroc. Voilà bientôt vingt ans que les autres membres de l’Union s’impliquent le moins possible pour rapprocher les points de vue et trouver des solutions locales à des problèmes importés par une Espagne qui s’amuse d’avoir semé son poison dans la région. Les réunions ministérielles, les commissions diverses ne font qu’apporter des solutions techniques qui s’évaporent au moindre vent du Nord. L’essentiel ne pouvant être traité que dans l’espace politique avec l’appui d’experts fraîchement sortis des universités et des grandes écoles qui ne demandent qu’à lever les barrières pour foncer vers un meilleur avenir. Faut-il attendre la disparition des anciennes générations qui tiennent le vrai pourvoir de part et d’autre de «Zoudj Bghal»? Ou faut-il attendre que le Polisario fête son centenaire?