Une Armee bonne pour la propagande et de la feraille d'armes obsoletes.
Ce que pensent la plus grande partie des Algeriens du drapeau de L'ANP.
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Le drapeau algérien : entre l'étoffe et le tissu
Kamel Daoud - Variation sur un proverbe connu : il ne reste des indépendances que leurs drapeaux. Tous les pays du tiers-monde le savent à l'heure de la mondialisation à partir du Monde blanc
On comprendra alors pourquoi, entre deux chaloupes de harraga, un détournement, un changement de gouvernement par le même gouvernement et une interview de Droudkel au New York Times (ce que l'Amérique de Bush n'a jamais accordé à l'Algérie coopérative de Bouteflika),
l'Algérie va se souvenir de l'Algérie en se souvenant de ce qui lui reste vraiment sous le bras: le drapeau. A M'sila, le premier prix sera remporté par un drapeau de 1250 m² confectionné en dix jours de travail continu, au même moment où un recteur chasse un universitaire dans le cadre de la lutte contre le retour des cerveaux, à M'sila ou ailleurs.
Que faut-il en retenir ? Rien. Que va-t-on faire de ce drapeau géant dans un pays devenu minuscule ? Personne ne le dit.
L'opération de reflux vers le drapeau pour se souvenir de l'Indépendance est une opération nationale: la manifestation «Un drapeau dans chaque foyer», destinée à distribuer environ 5 millions de drapeaux nationaux sur tout le territoire national, afin de les voir flotter le 5 juillet, jour de célébration de la fête de l'indépendance, a été lancée officiellement, jeudi dernier à partir de la place de la Grande-Poste d'Alger.
L'opération vise à distribuer simultanément dans l'ensemble des wilayas du pays près de 100.000 drapeaux en moyenne dans chacune, avec l'aide de 85.000 scouts mobilisés pour cet événement. Cela va-t-il réussir mieux que l'opération des 100 locaux par commune, un million de logements par décennie ou un ministère par région ? Peu probable.
Le drapeau algérien n'a presque pas changé depuis qu'il a été recousu par la femme (Française d'origine) de Messali Hadj mort sans avoir eu sa carte d'identité algérienne. C'est le peuple qui a changé: il aime encore le drapeau sans le penser mais n'aime pas ce qu'il cache et ce pourquoi on l'utilise. Tout le monde le sait et le fait: un drapeau algérien accroché sur une voiture ou au seuil d'une maison, ne provoque pas l'enthousiasme et le patriotisme intime, mais le ricanement et la grimace.
Un Algérien qui utilise le drapeau comme signe ostentatoire de sa nationalité est automatiquement soupçonné de l'utiliser pour manger, se cacher, se rapprocher du Pouvoir, signer son appartenance à la famille révolutionnaire ou pour demander un logement, un travail ou un puits de pétrole ou une médaille.
La symbolique vivante du drapeau algérien a été depuis très longtemps gâchée par le rush des biens vacants. Il n'en reste alors que le tissu, mais plus l'étoffe. D'où tout le reste: le sentiment de gêne, la certitude que le drapeau est le signe ostentatoire de la mauvaise foi. Un homme qui agite le drapeau algérien est vite accusé d'avoir pris sa part ou de vouloir le faire par ce biais.
Pourquoi ? A cause de ce qui a suivi les premiers jours de l'Indépendance et jusqu'à aujourd'hui. Désenchantés, les Algériens ont très tôt basculé dans le jeu des grimaces et du soupçon radical: le drapeau fera alors les frais du procès sans appel fait à l'Indépendance, aux Libérateurs et à l'Etat, de Ben Bella à Bouteflika.
A la longue, les Libérateurs sont devenus plus riches et plus indépendants, mais le drapeau est devenu plus pauvre et moins coloré. C'est-à-dire qu'à force de le tirer dans tous les sens, on a fini par le déchirer et déchirer les derniers coeurs possibles en même temps.
Question de conclusion : peut-on restaurer une nation et son nationalisme fédérateur en distribuant 100.000 logements, 100.000 emplois, 100.000 drapeaux par wilaya ou 100.000 barques ou 100.000 déclarations de patrimoine ou 100.000 barils de pétrole par commune ? Chacun a sa réponse.
Dans les guerres traditionnelles des siècles d'autrefois, une bataille était perdue lorsque le drapeau et le porte-drapeau tombaient au sol. D'où la croyance facile d'aujourd'hui: une bataille est gagnée lorsque le drapeau flotte encore. Est-ce vrai ? Non. Il y a des moments où le drapeau flotte vraiment mais dans le vide. Il y a eu des moments où le drapeau algérien coûtait une vie, ou plusieurs.
Aujourd'hui c'est un autre moment: on en est arrivé à le distribuer gratuitement sans y réussir d'ailleurs. Messali doit bien rire dans sa tombe: on dit que sa femme a offert à ce pays, et rien qu'avec sa machine à coudre, ce que cinquante ans de pétrole, d'ENTV et 85.000 scouts bénévoles ne lui assurent plus.
Kamel Daoud
Samedi 05 Juillet 2008