Nous entamerons à partir d'aujord'hui la publication des lettres de l'Emir.
Lettre de l’Emir Abdelkader
à
Louis-Philippe
(Roi de France).
Je t’ai déjà écrit deux fois pour t’ouvrir ton coeur. Tu ne m’a pas répondu. Mes lettres ont été interceptées sans doute, car tu es trop bienveillant pour ne m’avoir fait connaître tes véritables dispositions à mon égard ; puisse une dernière tentative avoir plus de succès ! Puisse l’exposé de ce qui se passe en Afrique y attirer ton attention et emmener enfin un système propre à faire le bonheur des populations que Dieu a confiées à notre commune sollicitude.
La conduite de tes lieutenants est injuste à mon égard et je ne peux supposer encore qu’elle soit connue de toi, tant j’ai confiance en ta justice.
On tâche de te faire croire que je suis ton ennemi, on t’abuse. Si j’étais ton ennemi, j’aurais déjà trouvé maintes occasions de recommencer les hostilités. Depuis le refus que j’ai fait au commandant de Salles, Ambassadeur du Maréchal Vallée (refus qui est motivé dans une des lettres citées plus haut), il n’est sorte de dégoûts dont je n’ai été abreuvés par tes représentants à Alger. Mes soldats ont été arrêtés et retenus en prison sans motif légal ; l’ordre a été donné de ne plus laisser pénétrer dans mes Etats la moindre quantité de fer, cuivre, plomb, etc. Mes envoyés à Alger ont été mal reçus par les autorités ; on ne répond à mes dépêches les plus importantes que par un simple accusé de récéption ; on s’empare des lettres qui me sont adressées d’Alger et puis on dit que je suis ton ennemi, que je veux la guerre à tout prix ; moi qui, margré ce prélude d’hostilité, facilite l’arrivée de toutes les productions de mon pays sur vos marchés, qui m’entoure d’Européens pour développer chez moi l’industrie et qui donne enfin les ordres les plus sévères pour que tes ingénieurs, tes savants même parcourent en sûreté mon térritoire et n’y trouvent que le plus bienveillant acceuil.
Mais te dira-t-on, l’Emir n’a pas encore rempli les premières conditions que lui a imposées le traité de la Tafna ! Je n’ai retardé l’accomplissement de ces clauses que parce que tes représentants ont, les premiers, manqué à leurs engagements.
En effet, où sont ces nombreux fusils, ces innombrables quintaux de poudre, ces approvisionnements de plomb et de souffre qu’on devait me fournir ?
Pourquoi vois-je encore à Oran ces chefs des Douars et des Smalas, dont l’extradition en France m’était promise ?
Tes généraux pensent-ils que je n’ai pas entre mes mains le traité particulier 1 (le seul qui m’intéressât) écrit de la main de l’un d’eux, et revêtu de son cachet ?
Pourrai-je croire un instant à la non-validité des promesses écrites d’un représentant du roi ?
Je te l’avoue, nous avions une si haute idée de la bonne foi des chrétiens francais que nous avons été effarouchés par ce manque d’exécution de leurs promesses et que sans de nouvelles instructions de ta part, nous avons refusé toute innovation du Traité.
Oui Sultan de France, tes agents exclusivement militaires, ne veulent que combats et conquêtes ; ce système n’est pas le tien, j’en suis sûr. Tu n’es point venu sur la terre d’Afrique pour en exterminer les habitants, ni pour les chasser de leur patrie. Tu as voulu leur apporter les bienfaits de la civilisation. Tu n’es point venu asservir des esclaves, mais bien les faire jouir de cette liberté, qui est l’apanage de ta nation, de cette liberté dont tu as doté tant de peuples et qui est une des bases des plus solides de ton gouvernement.
Eh bien ! la conduite de tes généraux est tellement contraire à ces sentiments (qui sont les tiens, j’aime à le penser), que les Arabes sont persuadés que la France a l’intention de les asservir et de les chasser de leur pays. Aussi, vois-je grandir chez eux et contre vous, une haine qui sera plus forte que ma volonté et mettra un obstacle insurmontable à l’éxécution de nos projets mutuels de civilisation.
Je te prie, au nom de Dieu qui nous a tous créés, cherche à mieux connaître ce jeune musulman que l’Etre suprême a placé malgré lui à la tête d’Arabes simples et ignorants et qu’on te dépeint comme un ennemi fanatique et ambitieux. Fais-lui savoir quelles sont tes intentions, que surtout tes propres paroles arrivent à lui et sa conduite te prouvera qu’il était mal apprécié.
Que Dieu continue à t’accorder les lumières nécessaires pour gouverner sagement tes peuples.
Cette lettre est écrite en langue française par Léon ROCHES - devenu musulman - arabisé pour le bien de l’histoire et qui a pris le nom de : El-hadj Omar - sous la dictée de l’émir Abdelkader dans son camp de Bou-Khorchefa le 15 avril 1839.
Lettre de l’Emir Abdelkader
à
Louis-Philippe
(Roi de France).
Je t’ai déjà écrit deux fois pour t’ouvrir ton coeur. Tu ne m’a pas répondu. Mes lettres ont été interceptées sans doute, car tu es trop bienveillant pour ne m’avoir fait connaître tes véritables dispositions à mon égard ; puisse une dernière tentative avoir plus de succès ! Puisse l’exposé de ce qui se passe en Afrique y attirer ton attention et emmener enfin un système propre à faire le bonheur des populations que Dieu a confiées à notre commune sollicitude.
La conduite de tes lieutenants est injuste à mon égard et je ne peux supposer encore qu’elle soit connue de toi, tant j’ai confiance en ta justice.
On tâche de te faire croire que je suis ton ennemi, on t’abuse. Si j’étais ton ennemi, j’aurais déjà trouvé maintes occasions de recommencer les hostilités. Depuis le refus que j’ai fait au commandant de Salles, Ambassadeur du Maréchal Vallée (refus qui est motivé dans une des lettres citées plus haut), il n’est sorte de dégoûts dont je n’ai été abreuvés par tes représentants à Alger. Mes soldats ont été arrêtés et retenus en prison sans motif légal ; l’ordre a été donné de ne plus laisser pénétrer dans mes Etats la moindre quantité de fer, cuivre, plomb, etc. Mes envoyés à Alger ont été mal reçus par les autorités ; on ne répond à mes dépêches les plus importantes que par un simple accusé de récéption ; on s’empare des lettres qui me sont adressées d’Alger et puis on dit que je suis ton ennemi, que je veux la guerre à tout prix ; moi qui, margré ce prélude d’hostilité, facilite l’arrivée de toutes les productions de mon pays sur vos marchés, qui m’entoure d’Européens pour développer chez moi l’industrie et qui donne enfin les ordres les plus sévères pour que tes ingénieurs, tes savants même parcourent en sûreté mon térritoire et n’y trouvent que le plus bienveillant acceuil.
Mais te dira-t-on, l’Emir n’a pas encore rempli les premières conditions que lui a imposées le traité de la Tafna ! Je n’ai retardé l’accomplissement de ces clauses que parce que tes représentants ont, les premiers, manqué à leurs engagements.
En effet, où sont ces nombreux fusils, ces innombrables quintaux de poudre, ces approvisionnements de plomb et de souffre qu’on devait me fournir ?
Pourquoi vois-je encore à Oran ces chefs des Douars et des Smalas, dont l’extradition en France m’était promise ?
Tes généraux pensent-ils que je n’ai pas entre mes mains le traité particulier 1 (le seul qui m’intéressât) écrit de la main de l’un d’eux, et revêtu de son cachet ?
Pourrai-je croire un instant à la non-validité des promesses écrites d’un représentant du roi ?
Je te l’avoue, nous avions une si haute idée de la bonne foi des chrétiens francais que nous avons été effarouchés par ce manque d’exécution de leurs promesses et que sans de nouvelles instructions de ta part, nous avons refusé toute innovation du Traité.
Oui Sultan de France, tes agents exclusivement militaires, ne veulent que combats et conquêtes ; ce système n’est pas le tien, j’en suis sûr. Tu n’es point venu sur la terre d’Afrique pour en exterminer les habitants, ni pour les chasser de leur patrie. Tu as voulu leur apporter les bienfaits de la civilisation. Tu n’es point venu asservir des esclaves, mais bien les faire jouir de cette liberté, qui est l’apanage de ta nation, de cette liberté dont tu as doté tant de peuples et qui est une des bases des plus solides de ton gouvernement.
Eh bien ! la conduite de tes généraux est tellement contraire à ces sentiments (qui sont les tiens, j’aime à le penser), que les Arabes sont persuadés que la France a l’intention de les asservir et de les chasser de leur pays. Aussi, vois-je grandir chez eux et contre vous, une haine qui sera plus forte que ma volonté et mettra un obstacle insurmontable à l’éxécution de nos projets mutuels de civilisation.
Je te prie, au nom de Dieu qui nous a tous créés, cherche à mieux connaître ce jeune musulman que l’Etre suprême a placé malgré lui à la tête d’Arabes simples et ignorants et qu’on te dépeint comme un ennemi fanatique et ambitieux. Fais-lui savoir quelles sont tes intentions, que surtout tes propres paroles arrivent à lui et sa conduite te prouvera qu’il était mal apprécié.
Que Dieu continue à t’accorder les lumières nécessaires pour gouverner sagement tes peuples.
Cette lettre est écrite en langue française par Léon ROCHES - devenu musulman - arabisé pour le bien de l’histoire et qui a pris le nom de : El-hadj Omar - sous la dictée de l’émir Abdelkader dans son camp de Bou-Khorchefa le 15 avril 1839.