Un rapport américain accablant pointe du doigt Alger et le polisario pour violation des droits de l'Homme
C'est une ONG américaine de renommée qui le dit et le redit. Le gouvernement algérien mène une politique de violences et de répression systématique à l'encontre des réfugiés en Algérie et dans les camps de Tindouf. Pis : il est relayé par les dirigeants du polisario dont le rôle - pour ne pas dire la raison d'être - est de constituer le «bras armé» et les exécuteurs de la répression qui frappe quelque 96.000 réfugiés, originaires du Sahara.
La réalité de cette répression, pour avoir été dissimulée pendant un moment, commence à être mieux connue, et ses aspects sinistres à être rapportés malgré l'opacité d'un système verrouillé par le gouvernement algérien et ses stipendiés du polisario.
Aussi, le Comité américain pour les réfugiés et les immigrés (USCRI), dont le siège se trouve à Washington, s'est-il fait un devoir de publier un rapport sur la situation des réfugiés en Algérie et dans les camps de Tindouf. Un rapport, c'est le moins que l'on puisse dire, accablant où l'on apprend comment le gouvernement algérien a mis en place un dispositif de répression sévère qui n'épargne ni les réfugiés parqués dans les camps de Lahmada et Tindouf, ni les milliers de réfugiés subsahariens, maltraités et expulsés massivement, ni encore les étrangers qui, au nom d'une législation archaïque, se voient empêchés de travailler dans le pays. Dans le même rapport, on apprend également que le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies n'a jamais été autorisé à se rendre dans les camps de Tindouf, encore moins à effectuer le recensement qu'il réclame dans ces mêmes camps au nom d'une priorité humanitaire, alors que 39% des enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition aiguë et que les 2/3 des femmes souffrent d'anémie.
Quant aux dirigeants du polisario, ils sont mis en cause directement parce qu'ils détournent et se livrent à la vente des produits reçus au titre de l'aide humanitaire dans certains pays voisins. Comme aussi la gabegie qu'ils entretiennent en consacrant des sommes colossales d'argent à organiser des festivals et des parades militaires. Le rapport de l'USCRI ne s'arrête pas à ces quelques faits scandaleux. Il nous apprend également qu'en plus de 100 réfugiés maintenus dans un centre de détention de Hamdi Cheikh dans des conditions atroces, et du réfugié puni pendant trois mois dans un cachot pour avoir exprimé son souhait de revenir au Maroc, des enfants sont réduits à l'état esclaves pur et simple au sein de familles qui les emploient comme domestiques.
Enfin, le polisario développe un véritable champ d'activités de contrebande, notamment des cigarettes qui avec le détournement des montants et des produits de l'aide humanitaire internationale, ont enrichi une « nomenklatura » de dirigeants véreux. Deux organismes officiels des Nations unies, le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM) s'échinent sans succès à exiger plus de transparence dans l'utilisation de l'aide alimentaire internationale qui transite par le Croissant Rouge algérien et la Croix rouge du polisario. Or, l'Interfaith internationale a constaté et dénoncé vigoureusement le détournement par le polisario des produits de l'aide humanitaire internationale qu'il commercialise et vend un peu partout, au mépris de la morale et au détriment des populations, dont les enfants restent soumis aux exactions diverses.
Membre signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, comme aussi de la convention de 1969 qui régit la situation des réfugiés en Afrique, l'Algérie est loin pourtant de mettre en œuvre ses engagements officiels. Bien au contraire, elle s'inscrit en faux contre ces conventions, et dans la pratique elle mène une politique hostile aux populations de réfugiés en provenance de l'Afrique.
C'est un paradoxe que les dirigeants algériens se fassent les hérauts de l'Union africaine et en même temps renforcent un dispositif sans précédent de répression et d'expulisons massives des milliers de subsahariens, de demandeurs d'asile, les plaçant d'abord dans des cages, les embarquant ensuite à bord de camions pour les relâcher sur la frontière du Mali. La doctrine officielle pour les réfugiés en Algérie reste une chose et la pratique une autre ! La création par décret en 1963 au sein du ministère algérien des Affaires étrangères du Bureau algérien pour les réfugiés et apatrides (BAPRA) devait regrouper dans un même conseil les représentants de divers ministères et ceux du HCR des Nations unies. Mais non seulement le HCR n'a jamais réussi à nommer au sein de ce même conseil, son représentant, mais le gouvernement algérien s'est acharné à considérer réfugiés et apatrides subsahariens comme des «immigrants illégaux», y compris les demandeurs d'asile que le HCR inscrit en qualité de « réfugiés»…
Le droit au travail en Algérie pour un réfugié ou un apatride n'offre à ceux-ci aucune garantie, sinon d'aller travailler dans l'informel ou les secteurs marginaux et les sahraouis ne peuvent en aucun cas exercer un emploi hors de la province de Tindouf, si tant est que l'on puisse croire qu'ils en trouvent. Il met un distingo net entre certaines catégories et d'autres, en fonction des opportunités. De même qu'il a assimilé et reconnu comme « réfugiés » les sahraouis et les 4000 palestiniens installés en Algérie, il n'a jamais pour autant autorisé le HCR à opérer un recensement réclamé depuis trente ans pour authentifier les vrais des faux sahraouis.
Les camps de Tindouf regorgent en effet de populations malienne, nigérienne, mauritanienne et autres qui étaient chassées par les sécheresses des dernières années, en quête de clémence, et qui avaient été enrôlées par le polisario pour grossir aux yeux de l'opinion internationale les rangs de ses troupes. Le rapport de l'ONG américaine nous apprend aussi que 6 sahraouis qui ont réussi à prendre la fuite ont témoigné devant le parlement de Belgique, affirmant comment le polisario les avait forcés à suivre une formation militaire à Tindouf et à partir à Cuba pour une autre complémentaire.
Il est une autre dimension ahurissante que le rapport dénonce avec vigueur, parce qu'elle nous renvoie à des temps moyenâgeux : la justice inique, à deux ou trois vitesses que le polisario, avec le soutien proclamé du gouvernement algérien, pratique dans les camps avec sa propre police, ses centres de détention, l'application de son propre code pénal et dont l'objectif est de systématiser la répression, les détentions, les vexations, les humiliations comme le fait que les juges n'autorisent pas les femmes esclaves à se marier sans l'aval de leurs maîtres.
D'ailleurs, la justice espagnole n'avait-elle pas été saisie par l'affaire dramatique d'une petite fille d'origine mauritanienne, maintenue pendant longtemps à Tindouf par le polisario comme esclave ? Nous en sommes là encore, et le comble fut atteint lorsque, dans le sinistre camp de Rabouni, les sbires du polisario ont arrêté deux réalisateurs australiens de documentaires, confisqué leur matériel et leurs téléphones portables, parce qu'ils enquêtaient sur le système d'esclavage dans les camps et ne durent leur libération qu'à l'intervention de l'ONU.
Le rapport de l'ONG américaine aborde un autre aspect humain essentiel, puisqu'il s'agit de la liberté et du droit de vivre tout simplement. Le gouvernement algérien a imposé la carte géographique des camps de réfugiés.
Soit quatre en tout , appelés «Dayra» ( district) qui ont une fonction d'encadrement sévère, imposant aux familles désireuses de passer d'un point à l'autre, des autorisations que les chefs du polisario sont les seuls à signer. Un soin particulier en termes de systèmes de surveillance, de miradors, de vigiles aussi pour empêcher les centaines et même plus de sahraouis de se rendre au Maroc, les acculant à user de tous les subterfuges , à risquer comme on le sait leur vie et celle de leurs familles. Beaucoup, cependant, passent à travers les mailles du filet et regagnent la mère patrie.
Une double et sévère surveillance est mise en place autour des camps de Tindouf et Lahmada : l'armée algérienne contrôle les entrées et sorties de Tindouf et tout sahraoui devient à l'évidence suspect, la police encadre la région entière.
Ainsi l'activité d'entrées et de sorties reste entièrement sous l'emprise du gouvernement algérien.Contrairement aux efforts entrepris par les Nations unies pour organiser les cycles des voyages de Tindouf vers le Maroc et vice-versa dans le but de permettre aux familles séparées de se retrouver, beaucoup de personnes en sont restées frustrées pour n'avoir pu voyager en famille et profiter des 2100 vols organisés dans le cadre de l'ONU. Là aussi, la vision est sélective, arbitraire même tout comme la décision du gouvernement algérien de délivrer des passeports aux membres du polisario et de les refuser aux nombreux autres. Un poids et deux mesures donc…
Le Comité américain pour les réfugiés et les immigrés est, de toute évidence, édifié. S'il déplore les conditions dramatiques des réfugiés sahraouis, des subsahariens qui s'installent en Algérie et qui sont expulsés «manu militari» vers le Mali , le statut flottant des apatrides en tous genres qui survivent dans l'incertitude et le désarroi, entend informer l'opinion publique américaine et internationale sur cette vaste incohérence – devenue mascarade – que représente le maintien dans des camps des populations sahraouies, parquées, séquestrées et privées de leurs droits humains. Le voile est tombé sur les violations des droits de l'Homme à Tindouf, marquées par une répression généralisée, les humiliations, le racisme et l'esclavagisme…
Par Hassan Alaoui | LE MATIN