Actualité (Mardi 22 Avril 2008)
L’ambassadeur de la RASD en Algérie se confie à “Liberté”
“Le dernier rapport du SG de l’ONU constitue une avancée”
Par :Hafida Ameyar
Lu : (1509 fois)
Le nouvel ambassadeur de la Rasd à Alger, M. Brahim Ghali, estime qu’il est de la responsabilité des Nations unies, de la communauté internationale, du Conseil de sécurité et du secrétaire général de l’ONU de trouver une solution définitive, juste et équitable au conflit.
liberté : M. l’ambassadeur, quelle lecture faites-vous du dernier rapport du secrétaire général de l’ONU sur la situation au Sahara occidental ?
Brahim Ghali : Je pense que c’est un rapport équilibré, dans la mesure où il restitue les évènements qui se sont déroulés pendant la période traitée par le document. Il révèle également certains évènements non abordés jusque-là dans les autres rapports, tels que la situation des droits de l’homme, mais sans entrer dans le détail. Il aurait fallu parler de toutes les violations aux droits humains commis par le Maroc, comme les tortures, les jugements iniques, les arrestations, les emprisonnements des militants sahraouis et de la vraie situation des prisonniers politiques sahraouis, après la grève de la faim entamée ces derniers temps. Je note que dans la partie relative aux violations de l’accord militaire n°1, le rapport parle de trois violations marocaines en les nommant et de dix violations émanant de la partie sahraouie, mais je ne trouve que trois (violations). M. Ban Ki-moon a-t-il omis de signaler les autres violations ou est-ce une manière d’augmenter les écarts ? De plus, sur les trois violations sahraouies citées, figure la destruction des mines sans notification préalable le 16 novembre 2007. Je ne suis pas d’accord avec cela, d’autant que les Nations unies sont en train de mener une campagne internationale pour la destruction des mines, en particulier les mines antipersonnel.
Or, la partie sahraouie a détruit justement des mines antipersonnel ! J’ai également remarqué qu’à propos des mesures de confiance, le rapport ne donne pas d’indication sur la position du Maroc. Aussi, nous demandons des éclaircissements là-dessus. Mais, comme je l’ai dit au début, le dernier rapport du secrétaire général est une avancée en comparaison avec les rapports publiés précédemment. Nous espérons que c’est le début d’un traitement plus approfondi sur les droits de l’homme au Sahara occidental…
Sur la question des droits humains ou sur le processus de décolonisation ?
Je parle ici de la question des droits de l’homme… Il y a des violations systématiques des droits de l’homme, en présence de la Minurso (Mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental, ndlr), des violations que tout le monde ne connaît pas : il y a boycott d’informations et le territoire sahraoui sous occupation reste fermé aux journalistes et aux observateurs indépendants. Sur un autre plan, le rapport de M. Ban Ki-moon parle de solution devant un problème ou un conflit… comme si nous étions devant n’importe quel problème. Je n’ai pas trouvé dans ce rapport, spécialement dans la partie réservée aux observations et recommandations, que nous sommes devant un problème de décolonisation où l’ONU doit trouver une solution et où le Conseil de sécurité doit assumer sa pleine responsabilité pour trouver une solution qui respecte le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, en accord avec la charte des Nations unies et les différentes résolutions adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU, le Comité des 24, le Comité de décolonisation et les différentes résolutions du Conseil de sécurité. En dépit de tout cela, il y a un certain équilibre dans le traitement des évènements relatés dans le rapport du secrétaire général.
Pour ce dernier, la présence de la Minurso est indispensable pour maintenir le cessez-le-feu ? Il propose, sur cette base, la prolongation de son mandat jusqu’au 31 octobre 2008. Finalement, la Minurso est chargée de quelle mission ?
Je crois que le nom de la Minurso résume bien sa mission. La Minurso est la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Elle n’est pas en charge seulement du maintien du cessez-le-feu, qui n’est qu’un point du plan de règlement, adopté par le Conseil de sécurité et accepté par le Maroc et le Front Polisario. Malheureusement, les obstacles dressés par le Maroc et le fait que les Nations unies n’assument pas pleinement leurs responsabilités ont vidé le plan de règlement de sa substance… ils sont restés attachés au seul cessez-le-feu. Même si la Minurso n’a pas encore organisé le référendum, sa mission n’a pas changé : sa raison d’être au Sahara occidental est le plan de paix tout entier.
Concernant la publication du rapport de 2006 du Haut-Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme, M. Ki-moon se réfère uniquement à la demande du secrétaire général du Polisario. Trouvez-vous normal qu’il garde le silence sur les requêtes du Comité onusien des droits de l’homme et de bon nombre d’ONG ?
Effectivement, la demande de publication du rapport du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme n’émane pas seulement du secrétaire général du Front Polisario, Mohamed Abdelaziz, mais il y a beaucoup d’ONG, surtout des ONG spécialisées dans la défense des droits de l’homme, qui ont demandé la publication officielle du rapport. Ces organisations considèrent injuste et incorrect qu’un rapport du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme, recommandé par le secrétaire général des Nations unies pour s’enquérir de la situation des droits de l’homme au Sahara occidental, et qui a été rédigé suite à une visite sur les lieux, soit gardé dans le secret. Par ailleurs, le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est penché, lors de sa dernière session, sur la question des droits de l’homme au Sahara occidental. Il a exprimé son insatisfaction devant la situation qui prévaut dans les territoires sahraouis occupés et son incompréhension devant la non-publication d’un rapport traitant sur les droits de l’homme. Je dois dire que c’est la première fois qu’un rapport sur les droits de l’homme est entouré de secret. Malgré nos nombreuses demandes au secrétaire général et, à travers lui, au Conseil de sécurité, la Minurso reste l’unique mission de l’ONU qui n’a pas encore une composante des droits de l’homme, pour protéger la population sahraouie, publier et informer sur les affaires de droits de l’homme.
M. Ki-moon propose aux deux parties d’engager des négociations plus intenses et portant sur les questions de fond. Que vous inspire de telles recommandations ?
Les quatre rounds de négociations entre le Maroc et le Front Polisario ont été organisés sur la base des résolutions 1754 et 1783 du Conseil de sécurité, lequel a demandé au Maroc et au Front Polisario d’engager des négociations de fond sans conditions préalables. Seulement, le Maroc, appuyé par des membres du Conseil de sécurité, essaie d’exiger son seul plan comme base de discussions. À cause de ses pré-conditions, nous n’avons pas pu aller vers des négociations plus intenses et plus profondes ni évoluer vers une solution du conflit. C’est la première fois que Ki-moon appelle le Conseil de sécurité pour qu’il demande aux deux parties d’engager des négociations sur des questions de fond.
À mon avis, cet appel veut dire qu’il y a une partie qui s’accroche aux pré-conditions, qu’elle doit abandonner cette position et entrer dans des négociations conformément à la plate-forme du Conseil de sécurité. Celle-ci est claire, puisqu’elle mentionne l’existence de deux propositions sur la table des négociations, l’offre marocaine et la proposition sahraouie. Un autre élément montre que le message du secrétaire général est destiné au Maroc, quand le secrétaire général dit que le Front Polisario a accepté tous les points sur les mesures de confiance, proposés par son envoyé personnel, M. Peter Van Walsum ? Cela veut dire que le Maroc n’a accepté aucun point et qu’il doit, par conséquent, participer aux négociations, avec bonne volonté et sans pré-conditions.
En parlant de M. Van Walsum, M. Ki-moon laisse entendre qu’il a le pouvoir de rechercher une solution. Qui de l’ONU ou de l’envoyé personnel du secrétaire général a les prérogatives de rechercher une solution ?
Il s’agit en fait de la responsabilité des Nations unies, de la communauté internationale, du Conseil de sécurité et du secrétaire général de l’ONU de trouver une solution définitive, juste et équitable au conflit. Limiter la recherche d’une solution à M. Van Walsum, c’est vouloir débarrasser les Nations unies de la responsabilité qui leur incombe pour parachever le processus de décolonisation au Sahara occidental. Nous ne sommes pas en train de parler d’une première expérience que l’ONU doit effectuer…
Que répondez-vous à certains commentateurs qui pensent que la présence de Peter Van Walsum aux négociations tend à favoriser le plan marocain tel quel ou remodelé ?
Très sincèrement, je n’exclus pas cela, mais je tiens à rappeler qu’il serait invraisemblable de reproduire la même manœuvre. Depuis l’invasion du Sahara occidental par le Maroc, et donc après plus de 32 ans de conflit, il y a des tentatives de rééditer les mêmes erreurs, les mêmes crimes, qu’en 1975. Cette tendance d’imposer une solution qui ignore la volonté du peuple sahraoui existe encore au niveau de certains membres du Conseil de sécurité. Ont-ils influencé M. Van Walsum ? Le rôle de ce dernier est de faciliter la tâche aux deux parties, en vue l’application des résolutions du Conseil de sécurité, c’est-à-dire trouver une solution respectant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. J’ajouterai que toute solution qui ignore la volonté et le droit du peuple sahraoui est vouée à l’échec. Le message lancé, depuis le 21 mai 2005, par le peuple sahraoui, par des Sahraouis nés après le 26 février 1976 et après le 6 septembre 1991, n’est, hélas, toujours pas compris par la communauté internationale, les Nations unies et son Conseil de sécurité.
Dans la partie réservée aux prisonniers de guerre, détenus et personnes disparues, on ne trouve aucune indication…
Je pense que les questions humanitaires sont traitées de façon superficielle par le Comité international de la Croix-Rouge et les Nations unies. Côté sahraoui, nous avons plus de 500 personnes civiles disparues et 151 prisonniers de guerre qui ont été capturés vivants… Depuis l’entrée en vigueur du plan onusien de règlement, donc depuis le 6 septembre 1991, nous demandons au HCR, au CICR, à la Minurso et aux Nations unies, des informations les concernant, mais aucune réponse ne nous a été livrée à ce jour. Nous savons que le CICR a la responsabilité de présenter un rapport détaillé sur ce qu’a fait le Maroc sur le registre des prisonniers de guerre et des disparus, sur la position marocaine et les explications données par Rabat sur ce dossier. Nous voulons savoir ce que dit le rapport du CICR sur les disparus sahraouis, militaires ou civils.
M. l’ambassadeur, le Conseil de sécurité tiendra très prochainement sa réunion sur le Sahara occidental. A quoi vous attendez-vous ?
Nous espérons voir l’adoption d’une résolution conséquente avec la responsabilité entière de l’ONU dans un processus de décolonisation. Une résolution qui fasse pression, même indirectement, sur la partie qui obstrue le processus de négociations, c’est-à-dire la partie marocaine.
Entretien réalisé par :
HAFIDA AMEYAR